La faiblesse des taux est une bonne nouvelle pour...
Les entreprises aux résultats réguliers
La faiblesse des taux obligataires impacte la valorisation des sociétés par les analystes et gestionnaires de fonds, car celle-ci sera généralement dépendante du taux d’actualisation des dividendes et résultats futurs. Plus le taux est élevé, plus la valeur actuelle des flux financiers futurs sera faible. Et inversement, plus le taux est faible, plus la valeur actuelle des flux financiers futurs sera élevée. L’ensemble des modèles utilisés par les professionnels de la finance va, à un moment ou l’autre, se référer au taux sans risque des obligations d’État à 10 ans pour actualiser les flux financiers futurs d’une société, qu’il s’agisse des dividendes dans le cas d’un Dividend Discount Model (DDM), ou des cash-flows dans le cas dans d’un modèle Discounted Cash Flow (DCF).
Durant cette semaine, retrouvez chaque jour dans ce dossier en ligne des nouvelles analyses et conseils pratiques. Pour mieux investir en Bourse, en évitant les pièges.
"Le taux sans risque est l’un des trois facteurs qui pèseront sur la valorisation des actions, avec le niveau du dividende et la croissance attendue des résultats", confirme Jérome van der Bruggen, Head of Investments Private Banking chez Petercam. "Plus la progression des résultats est élevée, plus la proportion du futur dans la valorisation sera importante. Et donc plus la faiblesse des taux d’actualisation aura un impact important sur la valeur actuelle de l’entreprise."
Les entreprises ayant une forte visibilité sur leurs résultats auront donc une valorisation plus élevée. C’est notamment le cas des groupes immobiliers ou des grandes valeurs du secteur de la consommation. À l’inverse, si la société voit ses résultats évoluer de façon beaucoup plus variable, l’analyste concentrera son modèle sur les bénéfices immédiats, et l’impact des taux bas sur la valorisation sera moins important.
Les entreprises qui ont beaucoup de dettes
La faiblesse des rendements obligataires aura également un impact sur la croissance des résultats, que ce soit via la baisse des charges financières ou par une capacité à s’endetter à des taux plus favorables pour financer la croissance externe.
Grâce à la faiblesse des taux, des groupes fortement endettés, comme Nyrstar ou Ontex, ont réussi à améliorer leur situation financière de façon significative durant les 12 derniers mois.
Au premier rang de ces sociétés, figurent les groupes fortement endettés, comme Nyrstar ou Ontex, qui sont parvenus à améliorer considérablement leur situation financière durant les 12 derniers mois, soit en renégociant leur dette financière, soit en se réintroduisant en Bourse afin de faciliter le remboursement d’emprunts arrivant à échéance dans les prochaines années. "Les taux bas auront donc un double impact pour ce type de valeurs", souligne Jean-Marie Caucheteux, Head of Equity Research à la Banque Degroof. Mais dans l’ensemble, les groupes cotés belges restent peu endettés. "Ils ne sont clairement pas encore rentrés dans une logique de reprise de dette. Aujourd’hui, la préférence reste accordée à la diminution des charges financières. Mais je n’exclus pas que cet état d’esprit change dans le courant de 2015", souligne Jean-Marie Caucheteux.
Les entreprises qui veulent en reprendre d’autres ou racheter leurs propres actions
"Le fait que les sociétés se sont refinancées à des conditions plus favorables, aura un impact évident sur la capacité des groupes à générer des bénéfices", confirme Jérome van der Bruggen (Petercam). "En outre, la faiblesse des taux va inciter les sociétés à s’endetter pour acheter des entreprises génératrices de cash-flow, ou pour racheter leurs propres actions. Plus de la moitié de la croissance bénéficiaire aux Etats-Unis provient actuellement des rachats d’actions."
Certaines valeurs, comme Elia ou Fluxys, verront leurs résultats réalisés en Belgique directement impactés par la baisse des taux. Cela se traduira par un troisième impact positif.
L’immobilier et les "utilities"
L’immobilier ou les "utilities" sont des secteurs qui combinent rendement élevé et faible volatilité du cours. La faiblesse des taux rend ces actions beaucoup plus attractives. Cela explique en grande partie la valorisation très élevée atteinte par des groupes comme Belgacom ou Telenet, et le fait que la plupart des valeurs immobilières cotent aujourd’hui avec des primes importantes par rapport à la valeur des actifs en portefeuille.
Les atouts des taux faibles
- Les taux faibles créent un climat favorable pour les entreprises qui souhaitent refinancer leur dette (élevée) ou qui veulent investir.
- Les groupes des secteurs de l’immobilier et des «utilities» sont ceux qui profitent le plus des taux bas.
À tenir à l’œil
- Les institutions financières et les assureurs en particulier, sont ceux qui ont le plus à perdre de la faiblesse des taux.
- Ne vous laissez pas aveugler par les valorisations collées aux entreprises. Si les taux d’intérêt se remettent à monter, cela aura aussi un impact!
"Les valeurs immobilières ont directement bénéficié de la faiblesse des taux, en tant que classe alternative entre les actions et les obligations. Si leur taux d’endettement reste raisonnable, autour de 45% de la valeur d’inventaire pour quasiment tous les groupes cotés, c’est néanmoins un niveau élevé par rapport au reste de la cote belge, souligne Jean-Marie Caucheteux. Cela en fait également des grandes bénéficiaires du phénomène de compression des rendements." Les groupes immobiliers ont d’ailleurs été particulièrement actifs pour refinancer leur dette durant les 5 dernières années. "À ce titre, la valeur d’inventaire est rarement un bon critère pour juger de la valorisation d’une société immobilière. C’est une valeur à casser, qui se calcule aujourd’hui en actualisant les baux sur une durée de 5 ans. Elle ne prend pas en compte les évolutions qui peuvent intervenir dans le portefeuille, ou le fait que les locataires restent souvent plus de 5 ans."
La faiblesse des taux est une mauvaise nouvelle pour...
Les financières et les assurances
Il est par contre un secteur dont la rentabilité est impactée négativement par la faiblesse des taux d’intérêt: les financières, et plus particulièrement les assureurs-vie qui doivent investir une grosse partie de leurs actifs dans des obligations très bien notées, sur lesquelles le rendement est aujourd’hui extrêmement faible. "Cela rend l’environnement concurrentiel plus difficile pour ces groupes, confirme Jean-Marie Caucheteux, de la Banque Degroof, mais tout dépendra de la façon dont ils ont ajusté leur portefeuille aux engagements qu’ils doivent assurer dans le futur." De leur côté, les banques ont généralement assez bien géré leurs marges, notamment grâce au fait que les clients sont docilement restés dans des produits qui ne rapportent pas beaucoup d’intérêts.
Les entreprises assises sur trop de cash
Enfin, un dernier élément peut peser sur la rentabilité: le coût d’opportunité de groupes qui sont assis depuis plusieurs années sur une importante masse de liquidités. C’est par exemple le cas de D’Ieteren qui n’a toujours pas trouvé d’affectation à la plus-value réalisée lors de la cession d’Avis Europe en 2011. "Or, avoir trop de cash n’est pas une bonne chose dans cet environnement", confirme Jean-Marie Caucheteux.