Êtes-vous souvent sollicité pour donner des conseils financiers? Comment réagissez-vous?
J’ai décidé depuis longtemps de garder mes amis, donc je ne prête pas d’argent. Par contre, les demandes émanant du secteur caritatif ont tendance à augmenter. Je fais partie du comité d’investissement d’une institution religieuse, du comité de financement de la Belgian American Education Foundation (New York). Je suis prêt à développer cette activité. Sinon, oui, tout le monde me pose des questions. Et je donne systématiquement une réponse "générique". Pas question de faire de la banque privée à titre personnel.
Votre carrière a-t-elle modifié votre perception des questions d’argent? Vos envies et besoins ont-ils évolué?
"Restez liquide! Il y a trop d’incertitudes pour l’instant. On n’est pas à l’abri d’une correction brutale. Et de toute façon, investir en obligations ne rapporte rien du tout."
Oui, clairement. Je n’ai pas eu une enfance facile. L’argent était une rareté. Plus tard, j’ai voulu comprendre la finance. C’est aussi ce qui a motivé ma décision d’aller en banque. Mais dans ce cadre, l’argent reste abstrait. On brasse des millions et des milliards. La finance prend une tout autre tournure dans le cadre familial. On prend conscience de ce que représentent des billets (de 20 ou de 50 BEF, à l’époque) qui nourrissent le quotidien. Maintenant que je n’ai plus de charge de famille, l’investissement dans le privé et le privé dans l’investissement se confondent davantage.
Avez-vous souffert, à titre personnel, de la crise financière? Qu’en avez-vous retenu?
Pendant deux ans, j’ai cessé de me payer un salaire pour soutenir la société. C’était très difficile. Je n’ai cependant pas eu le sentiment que c’était "la fin du monde". Mais en termes relatifs, cela a clairement débouché sur une régression, même pour quelqu’un comme moi. Ce que j’en ai retenu, c’est un sentiment de précarité qui doit induire vigilance et prudence.
Avez-vous des loisirs coûteux?
Je peux commettre quelques excès pour mes passions ou des choses qui m’intéressent: l’art, la culture, la musique, l’opéra… Le seul vrai luxe, c’est notre budget vacances. Qu’elles comportent un aspect découverte, un volet nature ou pour se reposer, le confort est indispensable. Et pour mon travail aussi, comme je voyage énormément, j’ai besoin de certains standards de confort pour être reposé et efficace. Je ne fais aucun compromis là-dessus. Si ce n’était pas possible, j’arrêterais.
Y a-t-il des postes de votre budget sur lesquels vous tentez de faire des économies ou d’éviter le gaspillage?
Les transports au quotidien. Je prends le bus. Nous n’avons plus de voiture. À New York, compte tenu du prix des assurances et des garages, cela représente un budget délirant de 1.500 à 2.000 dollars par mois. Si on a besoin d’une voiture, on la loue. Cela n’enlève rien à notre confort de vie. Après avoir vécu une période d’abondance, on est incité à faire attention. On aurait dû le faire avant…
Gérez-vous activement vos finances personnelles?
Tout ce qui relève de la gestion quotidienne est le domaine réservé de mon épouse. Lorsqu’il s’agit de décisions d’investissements ou de négociations immobilières par exemple, je prends le leadership, mais nous décidons ensemble.
Utilisez-vous les nouvelles technologies, pour vos achats notamment?
Oui, et internet est bien pratique pour faire des recherches, gagner du temps. J’utilise l’application "OpenTable" pour choisir et réserver un restaurant par exemple. Mais je fais aussi du shopping classique. Le contact humain, l’avis de spécialistes, la discussion, c’est irremplaçable. Le "tout internet" c’est de la folie. On se fourvoie complètement. Selon moi, l’avenir de la finance c’est le private banking. Précisément parce que les décisions d’argent sont souvent les décisions d’une vie. Et que 80% des gens ne sont pas à l’aise avec ces questions. Passer une heure avec quelqu’un qui peut guider, rassurer et conseiller n’a pas de prix. D’ailleurs, si je suis si sollicité — notamment par les jeunes — pour donner des conseils, c’est parce que les gens n’ont plus personne à qui parler. Le seul contact ce sont d’horribles call centers…
Y a-t-il des discours ou comportements liés à l’argent qui vous irritent?
"Les gens ont le droit d’avoir de l’argent mais l’argent ne donne aucun droit."
L’exhibition des riches qui, petit, me faisait très mal. Les gens ont le droit d’avoir de l’argent, mais l’argent ne donne aucun droit. Quand l’argent devient source de privilège, il me pose un problème: je réagis au quart de tour. Lors de dîners dont je ne maîtrise pas la conversation, on ne parle que d’argent, ce qui est typiquement américain. Cela ne m’amuse pas du tout. Je ne retourne pas…
Comment envisagez-vous votre retraite?
Je n’envisage pas de retraite. J’ai entamé une carrière universitaire il y a 5 ans, j’écris un roman policier, je siège dans divers conseils d’administration. Pour moi, le travail n’est pas une punition. Mais soyons parfaitement clairs: il me passionne. Et je le fais en préservant mon hygiène de vie et ma santé. Je conçois qu’un manutentionnaire n’ait aucune raison de travailler un jour de plus quand il a atteint l’âge de la pension.
1945: "L’année de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, qui est aussi celle de ma naissance."
10128: "Mon code postal à New York."
4: "J’ai quatre enfants."
747: "Pas l’avion (Boeing)... mais la cantate de Bach."
18.000 billions: "Le montant de la dette américaine, en dollars."