Pierre Kroll: "On s'imagine toujours que si vous êtes célèbre, vous êtes riche!"

 Avec des amis oui, mais souvent sans citer de chiffres. La plupart de mes amis sont indépendants, alors quand on évoque l’argent, c’est souvent pour se plaindre un peu. Les salariés ne comprennent jamais notre situation et fantasment. Avec ma femme en revanche, je ne dois par parler d’argent, jamais. Il vaut mieux pas, ça finit toujours mal.

L’argent est-il un bon sujet de caricature et de dérision. Vous inspire-t-il?

L’argent revient sans cesse dans l’actualité. Or, c’est elle qui prescrit les sujets sur lesquels je dessine. Alors oui, c’est fréquent: Luxleaks, Swissleaks, fraude, corruption, saut d’index, pensions, budget. L’argent est omniprésent quand on fait comme mois la chronique satirique de la société. 

 Êtes-vous choqué par les salaires mirobolants de certains patrons, sportifs ou stars?

Évidemment! C’est devenu extraterrestre. Cela dit, les règles qui ont mené à cela (pour les sportifs) ne sont pas malsaines en soi, je les comprends bien. Courrez plus vite qu’Usain Bolt… vous gagnerez plus que lui. Et la loi fait que tel joueur de foot, gaucher, en forme au Real de Madrid, vaut un peu plus si Chelsea l’achète.  Sinon il ne partirait pas.  Ce qu’il faut chercher, c’est comment reprendre une part de ces montants faramineux créés par la loi du marché, pour le bien public (État ou ONG).

Quels sont les comportements relatifs à l’argent qui vous insupportent?

Les extrêmes. Celui qui étale son fric avec indécence est d’une vulgarité qui m’écœure. Le radin qui recompte tout (et surtout sa générosité), m’agace. 

 Le fait d’être une personnalité assez connue vous ouvre-t-il des portes? 

Cela fait un moment que le harcèlement des gens, ou des associations de toutes sortes pour obtenir que je leur fasse des dessins, ne compense plus les quelques entrées gratuites que je reçois pour des événements où je n’ai pas le temps d’aller! Quand j’ai construit ma maison, j’ai cru qu’on me ferait parfois de bons prix parce qu’on prétend m’aimer beaucoup… En fait, j’ai tout payé plus cher que les autres clients, parce qu’on s’imagine toujours que si vous êtes célèbre, vous êtes riche!

Quel type de consommateur êtes-vous?  Plutôt "Monsieur bons plans"… ou le parfait "pigeon"?

Je rate tous les bons plans. Je ne profite d’aucune promo. Je perds toutes mes cartes de fidélité.  Je fais mes courses quasi systématiquement la veille ou le lendemain des soldes.  Mais cela me protège des arnaques.  En somme, je paie tout à son prix.

 Gérez-vous activement votre argent?

 Comme tout indépendant, je gère un minimum. J’ai confiance (peut-être trop?) dans mon comptable et mon banquier… 

 Envisagez-vous déjà votre retraite et comment la préparez-vous?

Je participe à l’épargne-pension, j’ai une assurance-vie… tout ce qui est déductible fiscalement. Mais de toute façon, j’exerce un métier où on n’arrête jamais. Je travaillerai donc jusqu’à mon dernier jour. Par plaisir ou par besoin? Ca, je ne le sais pas encore! 

 Quelles sont les choses essentielles à votre qualité de vie et pour lesquelles vous êtes donc prêt à mettre le prix?

Penser le moins possible à tout cela.  Donc, à part l’un ou l’autre voyage au bout du monde, ce que je m’offre de plus cher, c’est le luxe d’être honnête, de ne pas frauder (sinon on dort mal) et de ne pas désirer grand-chose de totalement superflu.

Quels sont les biens et services que nous payons vraiment trop cher et ceux qui vous paraissent au contraire très bon marché?

 C’est difficile à dire quand on gagne bien sa vie… L’alimentation de base et l’habillement, bien que disponibles à bas prix, restent trop chers pour de nombreuses personnes. Par ailleurs, je paie beaucoup de cotisations sociales sans jamais avoir été malade, mais je ne m’en plains pas.Je trouve que la sécurité sociale n’est pas si chère au regard de ce qu’elle apporte à la société. Par contre, l’accès à la justice est cher. Pour beaucoup de gens, payer les honoraires d’un avocat, c’est une catastrophe.

Quels sont les postes de dépenses publiques et les métiers qui mériteraient davantage de moyens?

Je rêverais qu’on paie beaucoup mieux les métiers du "non-marchand": enseignants et infirmières. S’il était possible de rétribuer les personnes en fonction de ce qu’elles apportent à la société et à leurs concitoyens, j’en connais certains qui se retrouveraient vite à la rue!