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Évaluer la surévaluation immobilière belge

Ce n’est pas parce que différents médecins posent le même diagnostic que celui-ci est forcément correct mais cela n’a pas de sens pour le patient de nier cette unanimité.
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La mesure de la variation des prix de l’immobilier est très imparfaite. Cela s’explique par l’hétérogénéité des biens concernés. Dans nos villes et campagnes, hormis pour les biens neufs, il est rare que deux logements soient identiques. Photo News. ©Photo News

Ces dernières semaines, le FMI, la BCE et la BNB ont redit que les prix de l’immobilier résidentiel apparaissent surévalués en Belgique, et cela dans des proportions qui inquiètent. Selon une méthode de calcul, la surévaluation dépasserait 60%! On se rassurerait presque avec la moyenne de quatre méthodes que vient de publier la Banque nationale qui pointe une surévaluation "que" de 30%!

Petite précision: si les prix sont surévalués de 30%, cela signifie que pour redevenir "normaux" ils devraient baisser non de 30% mais, consolation, de "seulement" 23%, à savoir la perte quand le prix passe de 130 à 100.

La multiplicité des sources est trompeuse

L’objet du présent article n’est pas de nier ce danger potentiel mais de formuler quelques observations sur les limites méthodologiques de cet exercice.

Premièrement, la multiplicité des sources est trompeuse. En effet, les calculs du FMI, de la BCE et de la BNB, ainsi que ceux de l’OCDE ou de The Economist, également fréquemment cités, utilisent la même approche, voire ne sont que des répétitions. Deux avis convergents ont plus de poids qu’un seul sauf si le second n’est que l’écho du premier.

Deuxièmement, la mesure de la variation des prix de l’immobilier est très imparfaite. Cela s’explique par l’hétérogénéité des biens concernés. Dans nos villes et campagnes, hormis pour les biens neufs, il est rare que deux logements soient identiques. Conceptions différentes, rénovations différentes, localisations différentes, cerner correctement l’évolution des prix de l’immobilier "toutes choses étant égales par ailleurs" est une tâche ardue et elle l’est particulièrement en Belgique. Nous savons que nous ne savons pas comment les prix résidentiels évoluent, en tout cas pas avec précision.

Troisièmement, la faible part, hormis à Bruxelles, du logement locatif en Belgique, un pays de propriétaires, entame la qualité de la mesure du rendement locatif, qui est un des deux éléments clefs dans la surévaluation observée (indicateur dit "price-to-rent").

De plus, cet indicateur est biaisé par l’influence de prix administrés dans ce segment au travers du logement social. Plus fondamentalement, il est hasardeux de mettre en rapport un prix pour aujourd’hui, celui de l’immobilier, avec un loyer moyen qui est fonction de contrats dont certains sont fort anciens.

Quatrièmement, l’autre indicateur-clef de la surévaluation, à savoir le rapport entre prix de l’immobilier et revenu disponible des ménages, dit "price-to-income", s’il se comprend, souffre lui aussi de faiblesses.

Rien ne dit que le passé était normal

Le PIB par habitant, parfois utilisé, n’est pas un indicateur précis du revenu disponible mais même le revenu disponible ne dit pas tout sur l’accessibilité de l’immobilier. Il faudrait aussi tenir compte de la distribution des revenus, de la fiscalité, des services offerts par le secteur public, du niveau des taux d’intérêt, des contraintes réglementaires, de la durée des prêts hypothécaires et, "last but not least", du soutien donné par la famille au moment de l’achat.

Cinquièmement, enfin, faute de niveau normatif absolu, la sur- ou sous-évaluation est jugée en comparant le niveau actuel des indicateurs "price-to-rent" et "price-to-income" à leur moyenne historique. Or, rien ne dit que le passé était normal. Avec une telle méthode, le prix d’aujourd’hui peut apparaître surévalué uniquement parce qu’il était sous-évalué hier. De plus, rien ne dit que nous devrions revenir au niveau d’hier, alors que l’environnement a changé.

Au total, la mesure de la surévaluation des prix de l’immobilier en Belgique apparaît fort grossière. Il ne doit pas inviter à la panique mais à la vigilance, ainsi qu’au rappel de la première exigence du bon investissement, à savoir la diversification.

Par Etienne de Callataÿ, Banque Degroof et Itinera Institute

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