"Pour l’instant nous recevons une demande de nouveau mandat par jour. Du jamais vu". Olivier Reye, gestionnaire de Trevi Services, administrateur de biens en Belgique (1.000 lots revendiqués, dont certains pour le compte de la sicafi résidentielle Homeinvest), profite de l’intérêt grandissant des propriétaires pour une gestion déléguée des biens immobiliers.
Qui sont ces propriétaires? "Des investisseurs déçus par les autres classes d’actifs bien sûr. Mais aussi des expatriés des fonctionnaires européens notamment - qui partent trois ou quatre ans sans pour autant revendre leur(s) bien(s), des propriétaires plus âgés dont les enfants ne souhaitent pas s’occuper d’immobilier, des indivisions, des sociétés patrimoniales. Ou encore des enfants qui n’ont pas encore la capacité juridique pour gérer leur héritage. Le panel est très large." La clientèle est constituée de sociétés mais aussi de particuliers fortunés ou pas (il est possible de déléguer la gestion d’un seul petit studio, même si ce ne sera pas forcément au tarif le plus intéressant), qui n’ont plus les nerfs d’entretenir des relations avec leurs locataires, de vérifier le paiement des loyers ou de se conformer à un environnement juridique et technique toujoursplus complexe. Ils achètent ainsi du temps et de la tranquillité.
A l’Office des Propriétaires (OP), qui existe depuis plus d’un siècle et a surtout développé une activité de gestion immobilière (OPM), on ne dit rien d’autre. Avec 4.400 biens en gestion résidentielle (y compris pour le compte des sicafi Aedifica et Homeinvest et pour les compagnies d’assurances Axa et AG), le plus gros acteur du secteur constate l’intérêt croissant des investisseurs pour la formule. Un succès que Jean-Paul van der Rest, administrateur-délégué de l’OP attribue notamment au retour à l’immobilier d’investisseurs déçus par la Bourse. Peu désireux de gérer leurs biens ou s’en estimant incapables, ils délèguent la gestion à des spécialistes et intègrent ce coût dans leur calcul de rentabilité comme ils le feraient pour n’importe quel autre placement.
De leur côté, les agents immobiliers dont les activités souffrent de la crise, ont trouvé là un bon moyen de diversifier leurs revenus. Avec 500 lots et 450 garages à son actif, Immo-JPL assure déjà 25% de son chiffre d’affaires grâce à la gestion (hors mises en location ou vente que cette gestion peut générer en sus). Ce métier reste pourtant méconnu. "J’estime la gestion privative à 5% du marché locatif en Belgique. Le métier de régisseur est totalement inconnu du grand public. Peur de déléguer, peur de ce que cela coûterait ou méconnaissance tout simplement… En plus de 10 ans de pratique, vous êtes le premier journaliste à vous intéresser à cette activité", lâche le gérant du groupe, Thierry Elseneer.
D’autres ont été amenés à s’intéresser à ce métier compte tenu de leur positionnement sur le marché. "Dès l’origine, nous sommes spécialisés dans la clientèle expatriée. Il nous paraissait donc logique de l’accompagner lorsqu'elle ne pouvait ou ne souhaitaient plus gérer ses biens elle-même, explique Patrick Menache, CEO de Macnash AssociateS. Nous n'avons jamais cherché à démarcher puisque la demande venait spontanément de nos clients. Et depuis l'élection de François Hollande, les demandes d'investisseurs français pour acheter un bien ici ont pratiquement doublé. Nous avons aussi pas mal de clients espagnols et grecs…"
La crise financière et l’aversion au risque qui en résulte auraient donc aussi du bon pour le secteur immobilier, en particulier pour la gestion locative.
A quel tarif?
En général, les gestionnaires prélèvent une commission de 6% à 10% - pour les biens les plus prestigieux - sur les loyers effectivement encaissés par le propriétaire. La plupart ne facturent donc rien pour les mois de vide locatif. C’est le cas par exemple à l’OP. Certains gestionnaires prélèvent malgré tout 50% de la commission lorsque le bien n’est pas loué. "Cela peut paraître un peu choquant, mais cela peut se défendre, souligne Jean-Paul van der Rest (OP). En effet, certains propriétaires sont très gourmands et exigent un loyer trop élevé par rapport à la réalité du marché. Ce prélèvement, malgré le vide locatif, est une incitation à rester raisonnable. Ce qui est dans l’intérêt des deux parties. Ni le gestionnaire, ni le propriétaire n’ont intérêt à voir un bien inoccupé pendant plusieurs mois."
Contrat de quelle durée?
L’agent immobilier tentera souvent de vous faire signer un contrat portant sur plusieurs années (en général trois ans). Certains acceptent toutefois un contrat d’un an, renouvelable. C’est préférable, surtout si vous recourez pour la première fois aux services d’un ges- tionnaire immobilier. Comme nous le confie Jean-Paul van der Rest, adepte du contrat annuel, "si le travail est bien fait, le client renouvelle automatiquement le contrat. Il est important de s’appuyer sur une relation de confiance. De plus, il faut éviter de coincer le client. En matière immobilière, les situations personnelles peuvent en effet évoluer d’une année à l’autre: héritage, donation, reprise de la gestion par un héritier…"
Assurance loyer garanti?
Certains gestionnaires proposent la sous-cription d’une assurance loyer garanti. La prime équivaut en général à 2,5% des loyers. La panacée contre les mauvais payeurs?
"A l’Office des Propriétaires, nous avons abandonné cette pratique, explique Jean-Paul van der Rest. Nous la considérons plus comme un argument de vente pour décrocher un mandat de gestion que comme un outil réellement performant. Après analyse, nous avons estimé que c’était une assurance coûteuse par rapport à ce qu’elle offrait et dont les conditions sont assez lourdes. Nous jugeons préférable d’agir avant plutôt qu’après! Une sélection rigoureuse des locataires doit permettre de limiter autant que possible le risque d’impayés. En pratique, nous n’enregis-trons d’ailleurs que 1% de loyers im- payés; c’est fort peu."
Pour vous?
- Si votre patrimoine immobilier est modeste, vous aurez souvent intérêt à le gérer vous-même en vous faisant au besoin épauler par une association (SNP par exemple) ou par un bureau d’aide juridique. La cotisation annuelle ou le coût d’une consultation épisodique restent très abordables.
- Il y a de bons et de moins bons gestionnaires. Lors de notre enquête, des abus flagrants nous ont été signalés: paiement tardif des loyers, facturation excessive de certains travaux, mauvais conseils juridiques (erreurs dans le bail, notamment), manque de réactivité lors de défaut de paiement… Privilégiez dès lors le bouche à oreille avant de signer et commencez par conclure un contrat pour un an.