Les propriétaires bailleurs sont de plus en plus souvent confrontés à un défaut de paiement de leur(s) locataire(s). "Suite à la crise économique, de nombreuses personnes éprouvent en effet des difficultés à payer leur loyer (à temps)", constate Koenraad De Greve, juge de paix. Un locataire peut avancer toutes sortes de raisons pour justifier son refus de payer. Certaines sont fondées, d’autres pas. Au cours d’un séminaire organisé par MD Seminars, le juge De Greve a fait le point et évoqué les exemples vécus les plus fréquents.
1. "Je ne paie pas parce que je n’en n’ai plus les moyens."
Un propriétaire a le choix. Il peut s’adresser au juge de paix et lui demander d’ordonner le paiement des arriérés. Dans ce cas, il lui demandera aussi souvent de résilier le bail et d’ordonner au locataire de libérer le logement ("expulsion"). Un propriétaire n’a pas le droit d’expulser son locataire sans l’intervention d’un juge. Le juge de paix procédera d’ailleurs à une mise en balance des intérêts de chacun: car si le propriétaire a le droit de percevoir les loyers, le locataire bénéficie d’un droit au logement. C’est la raison pour laquelle de nombreux juges de paix ne décident de la résiliation du bail locatif que si les retards de paiement dépassent trois mois de loyer.
Les difficultés financières des locataires ne sont parfois que temporaires. "Si le locataire fait une proposition concrète de remboursement, la plupart des juges reporteront dès lors l’affaire d’un ou deux mois pour voir comment les choses évoluent. Si le locataire ne tient pas ses promesses, le juge résiliera le bail. On ne peut en effet pas éternellement reporter les échéances", explique Koenraad De Greve.
Combien coûte une expulsion?
Les frais d'expulsion dépendront du montant dû par le locataire. Dans le cas où il doit environ 7.000 euros (loyers en souffrance, dédommagements, intérêts, etc.) au propriétaire, la notification du jugement peut rapidement monter à 300 euros. D'après l'huissier Jacques Matthys, environ la moitié des locataires quittent le logement après notification. S'ils ne le quittent pas de leur propre gré, ils devront être expulsés. Un procès-verbal d'expulsion coûte 300 euros supplémentaires, auxquels s'ajoutent 40 euros par heure de présence d'huissier, ainsi que les frais de vide maison. "Ces coûts dépendront de la quantité de biens à évacuer. Ils peuvent varier entre quelques centaines d'euros et plus de 2.000 euros", estime l'huissier.
L'assistance de la police est toujours gratuite, et la plupart des communes ne réclament aucun frais pour l'intervention des services techniques. En cas d'expulsion, les meubles du locataire se retrouvent souvent sur la rue, et sont alors enlevés par les services de la commune. Les frais de notification et d'expulsion sont théoriquement à charge du locataire. Mais dans la pratique, le propriétaire doit très souvent payer, tout simplement parce que son locataire est insolvable...
Le propriétaire devra communiquer la décision du juge à son locataire par voie d’huissier. À partir de la notification, le locataire dispose d’un mois pour quitter le logement. Le bailleur peut demander au juge de paix d’ordonner le paiement d’intérêts (éventuellement prévus contractuellement). La plupart des juges accordent en outre aux propriétaires qui en font la demande, une indemnité de rupture équivalente à trois mois de loyer, pour couvrir le vide locatif. "Un départ anticipé engendre en effet une série de coûts ou un manque à gagner pour le propriétaire, comme des frais de publicité, de rafraîchissement, des pertes de temps, une période de vide locatif, etc. Le dédommagement compense ces inconvénients", souligne le juge de paix. Le propriétaire a d’ailleurs intérêt à mentionner dès le début de la procédure qu’il compte réclamer les dégâts locatifs éventuels.
2. "Je ne paie pas car le propriétaire me harcèle."
Le propriétaire doit accorder au locataire la "jouissance paisible" du bien. En d’autres termes, le bailleur ne peut pas importuner quotidiennement son locataire pour contrôler l’état du bien. Il ne peut pas non plus décider d’entreprendre des travaux, sauf si le locataire en fait la demande ou s’il s’agit de réparations urgentes.
Si le bailleur ne respecte pas cette règle, le locataire pourra réclamer un dédommagement ou une réduction du montant du loyer.
De son côté, le locataire ne peut frapper à la porte du bailleur si le motif de son problème ne ressort pas de la responsabilité du propriétaire, comme par exemple le tapage nocturne intempestif, les troubles de voisinage, la chute de branches d’arbres, ou un cambriolage. Le locataire ne peut en outre pas se retrancher derrière ces faits pour refuser de payer le loyer. C’est à lui de prendre les mesures qui s’imposent.
3. "Je ne paie pas parce que l’habitation est en mauvais état."
Un propriétaire a le devoir de louer une habitation en bon état d’entretien. Avant l’entrée du locataire, il est tenu d’entreprendre les travaux d’entretien et de réparation qui s’imposent, comme par exemple rafraîchir les peintures et papiers peints, réparer les fuites aux tuyauteries, remplacer les vitres cassées. Pendant la durée du bail, il doit également veiller à ce que l’habitation reste en bon état d’habitabilité, prendre en charge l’entretien des ascenseurs, le remplacement des robinets usagés, l’entretien des égouts et tuyaux d’évacuation, des gouttières, etc. S’il refuse d’effectuer ces réparations/travaux, le locataire pourra demander un dédommagement sous la forme d’une réduction de loyer, voire dans des cas extrêmes, la résiliation du contrat de bail.
4. "En tant qu’héritiers, nous refusons de payer le loyer de la personne décédée."
Le décès d’un locataire ne met pas fin au bail locatif, à quelques exceptions près. Les héritiers du locataire doivent donc continuer à payer le loyer. Ils ont donc intérêt à mettre fin au bail dès que possible. Mais la plupart des héritiers ne sont pas au courant de cette règle. Le cas échéant, le propriétaire doit les contacter le plus rapidement possible. Il peut d’ailleurs se mettre d’accord avec les héritiers du locataire sur la résiliation du bail et l’évacuation des meubles.
5. "Je ne paie plus parce que j’ai rompu avec mon conjoint et quitté le logement."
Pour éviter d’être confronté à ce genre de situation, la meilleure solution pour un propriétaire est de faire signer le bail par toutes les personnes concernées. Tous les signataires seront dès lors considérés comme locataires. Et même si l’un d’eux quitte l’habitation, il/elle sera dans l’obligation de continuer à payer le loyer.
Si le bail est conclu avec plusieurs locataires, chacun est responsable de sa quote-part. Si le bien est loué à trois personnes, chacune d’elles est donc en principe redevable d’un tiers du loyer.
Le propriétaire peut également demander que les locataires soient solidairement responsables du paiement du loyer. Dans ce cas, le bail doit reprendre expressément la clause de responsabilité "indivisible et solidaire". "Ce conseil vaut aussi dans le cas où l’immeuble est loué à une société. Faites signer le bail par la société (personne morale), mais aussi par son patron, sous son nom propre. Sans oublier de stipuler que le loyer est ‘indivisible et solidaire’. Ainsi, si la société fait faillite, vous pourrez toujours réclamer le montant du loyer au patron", explique De Greve,
Cette clause a aussi son revers. Car si le propriétaire veut résilier le bail ou entreprendre une procédure pour défaut de paiement, il devra introduire la réclamation contre tous les signataires.
Il arrive qu’un propriétaire loue son bien à une personne seule qui se met par la suite en ménage avec quelqu’un d’autre. Si ces personnes se marient ou cohabitent légalement, le conjoint est obligé de participer au paiement du loyer pendant la durée du mariage ou de la cohabitation légale, pour autant que l’habitation soit la résidence principale du couple.
Si l’habitation est louée à des cohabitants de fait, le propriétaire ne doit en principe s’adresser qu’à la personne qui a signé le bail. Mais certains juges estiment que ceux qui profitent du bien doivent aussi payer. Le propriétaire ne pourra toutefois pas prétexter le départ d’un des conjoints pour mettre fin au bail. En revanche, le locataire qui quitte le logement peut résilier le bail. "Si l’autre conjoint peut continuer à payer seul le loyer, pas de problème. Sinon, il devra résilier le bail. Le propriétaire ne peut obliger personne à rester", explique le juge.