A quelques encablures de Pâques, c’est la chasse… aux sociétés de management. Rudy De Leeuw (FGTB), Johan Vande Lanotte et Elio Di Rupo, pour citer des exemples marquants, ont fait les frais médiatiques d’une société de management dont ils ont été propriétaires et qui était prétendument destinée à éluder de l’impôt.
Or, les sociétés de management sont dans le collimateur du fisc depuis quelques mois. L’idée qui est sur la table des négociations gouvernementales serait d’empêcher la constitution de sociétés pour des raisons autres qu’économiques.
Quels avantages?
Mais quels sont les avantages des sociétés de management? Et quels sont les changements qui ont déjà été actés pour limiter les abus?
1. Une société de management est soumise à l’impôt des sociétés de 34%. C’est moins douloureux que d’être taxé en tant que personne physique au taux marginal de 50%... auquel on est soumis aux alentours de 35.000 de revenus annuels imposables. Sans compter les additionnels communaux qui s’y ajoutent.
Il arrive fréquemment qu’une partie non négligeable du salaire soit versée par la société sous la forme de dividendes. Or, un changement fondamental est intervenu à ce niveau. Les dividendes sont en effet désormais soumis à un précompte mobilier de 21% (au lieu de 15%), voire de 25% pour les revenus supérieurs à 20.020 euros par an. Avant le 1er janvier 2012, il était de notoriété publique que la constitution d’une société de management était intéressante, de ce point de vue, au-delà de 70.000 euros de revenus par an. Maintenant que le précompte relevé, le jeu n’en vaut plus la chandelle, quel que soit le niveau des revenus (hors cotisations patronales à ne pas débourser….)
2. Une société de management peut déduire des frais professionnels en ce compris la constitution d’une assurance de groupe. Le dirigeant fait coup double: il abaisse son revenu imposable en se ménageant une poire pour la soif pour sa retraite, tout en "chargeant" sa société de frais déductibles.
Mais d’autres frais sont davantage dans le collimateur du fisc que les engagements de pension. Voiture et maison d'habitation en tête.
Dans le chef de la société, la voiture devient une nouvelle dépense non admise. Dans le chef de son dirigeant, l’avantage de toute nature que représente cette voiture grimpe en flèche. Un modèle de voiture de luxe de 75.000 euros voit rapidement passer son avantage de quelques milliers à plus de 15.000 euros par an. De nombreuses commandes ont dès lors été annulées ces derniers mois et le marché de l’occasion n’a jamais été aussi fourni en modèles de luxe.
Le raisonnement est identique pour l’habitation. L’utilisation par le dirigeant à des fins privées de l’habitation achetée par la société donne également lieu à l’établissement d’un avantage de toute nature imposable dans le chef du dirigeant. La valeur de cet avantage est déterminée de manière forfaitaire, davantage en fonction du loyer réel que du revenu cadastral qui, même s’il est indexé (et majoré), est souvent loin de la réalité des loyers du marché.
3. Jusqu’à présent le dirigeant pouvait en outre obtenir divers avantages: bourse d’études ou tarif plus modeste en matière de frais de garde d’enfants (dans une crèche). Plus les revenus officiels sont faibles, plus les frais à débourser dans une crèche le sont également…
Où en est-on aujourd’hui?
Difficile de lutter contre un "ennemi" quasi invisible… Le gouvernement ne cache pas sa volonté de combattre les sociétés de management. Mais le secrétaire d'Etat à la Lutte contre la fraude sociale et fiscale l’avoue: impossible de chiffrer avec précision le nombre de ces entreprises qui sont souvent utilisées comme des paravents pour réduire la note fiscale des cadres supérieurs. "Ces sociétés apparaissent sous différentes formes dans les registres, explique John Crombez. L’important n’est pas de connaître leur nombre exact mais plutôt de définir des règles strictes concernant leurs activités et de s’assurer que ces principes soient respectés." Une seule chose semble toutefois certaine. Les sociétés de management se sont multipliées ces dernières années. "Le nombre de sociétés qui utilisent l’usufruit de biens d’autres sociétés est passé de 45.000 à 67.000 entre 2005 et 2010", note John Crombez. Cette hausse spectaculaire laisse présager de possibles abus. Pour le détail des mesures que le gouvernement veut adopter pour lutter contre les sociétés de management, le secrétaire d'Etat Crombez renvoie la balle dans le camp de son collègue des Finances. "Ce sont eux qui doivent définir de nouveaux textes, pas nous. Le SPF a toutefois déjà annoncé son intention de procéder à 75.000 contrôles de déclaration d’impôts cette année". Deux fois plus qu’en 2011. L'étau se resserre autour des fraudeurs mais les mesures précises pour lutter efficacement contre les sociétés de management "abusives" se font attendre.