(mon argent) - Notre droit successoral est très clair. Les enfants biologiques bénéficient d’une protection spécifique. Une partie de l’héritage leur est acquise: c’est ce qu’on appelle la réserve. Son montant dépend du nombre d’enfants. L’enfant unique aura toujours droit à au moins la moitié de la succession. Si le défunt laisse deux enfants, ils auront ensemble droit à deux tiers de la succession. À partir de trois enfants, ceux-ci auront droit à trois quarts de la succession. Les beaux-enfants ne bénéficient pas de cette protection. Plus encore: l’enfant d’un autre lit n’hérite pas automatiquement de son beau-père ou de sa belle-mère. Il n’est en effet pas lié à ce dernier par des liens du sang.
Testament ou donation comme seule option
La loi ne laisse qu’une option aux beaux-enfants: organiser eux-mêmes leur succession. Or ils ne peuvent y parvenir que par testament ou donation. «Mais cela ne gomme pas l’inégalité créée par notre droit civil entre les enfants biologiques et les autres enfants, au contraire. L’enfant d’un autre lit sera en effet toujours soumis aux limitations que lui impose la réserve légale», remarque Frederik Swennen, professeur à l’Université d’Anvers et avocat chez Greenille.
Swennen ajoute: «Sauf dans le cas où chaque partenaire n’aurait qu’un seul enfant biologique, le mécanisme de la réserve empêcherait de laisser autant à ses beaux-enfants qu’à ses enfants biologiques par testament ou donation. Et même si c’était le cas, il ne serait pas encore question de véritable égalité de traitement. L’enfant d'un autre lit pourra hériter d’autant que l’enfant biologique en valeur, mais il ne jouira pas de la même protection que le droit civil confère à l’enfant biologique en raison de l’absence de réserve. De plus, le testament peut être révoqué ou modifié à tout moment».
L’OpenVLD a déposé une proposition de loi destinée à permettre par testament qu’un enfant d’un autre lit soit assimilé à un enfant biologique en matière d’héritage, comme aux Pays-Bas.
Enfin, les enfants d’une famille recomposée doivent être qualifiés fiscalement de beaux-enfants ou d’enfants à charge pour pouvoir bénéficier des tarifs des droits de succession en ligne directe.
L’adoption peut être une solution
L’adoption simple pourrait être une solution. Au contraire de l’adoption plénière, l’adoption simple ne coupe en effet pas totalement les liens avec l’autre parent biologique. En principe, les droits de succession «entre tiers» continuent à s’appliquer dans le cas de l’adoption simple. Sauf dans un nombre limité de cas, énumérés explicitement par la loi, où le taux «en ligne directe» va s’appliquer. Les enfants d’un autre lit ou les enfants non biologiques en font partie. Mais les conditions à respecter diffèrent selon la région.
- En Flandre et à Bruxelles, les conjoints doivent être mariés pour qu’il soit question d’«adoption par les beaux-parents». Il ne suffit pas d’être cohabitants légaux. En Wallonie, les conjoints doivent être mariés ou cohabitants légaux.
- En Flandre, en entend par «enfants non biologiques» les enfants qui ont vécu trois années successives chez l’adoptant avant leur 21e anniversaire, lequel lui a fourni l’aide et les soins que les enfants reçoivent habituellement de leurs parents. En Wallonie et à Bruxelles, le délai est porté à six années successives.
Pas d’adoption sans l’accord de l’ex
Au contraire de l’adoption plénière, l’adoption simple est également possible pour les enfants majeurs. L’adopté doit cependant être d’accord. Si l’enfant a entre 12 et 18 ans, l’autre parent devra également donner son aval. «C’est généralement à ce niveau que le bât blesse en pratique. À moins que l’ex n’ait négligé ses enfants, il ne peut être mis hors circuit, surtout lorsqu’il est question de coparenté. Il y a peu de chances que l’ex accepte l’adoption simple. Les enfants conservent certes leurs droits dans la succession de l’ex, mais l’adoption annule, affaiblit ou suspend plusieurs effets importants du lien de parenté», note Swennen.
L’enfant adopté reçoit le nom de famille de l’adoptant, même s’il peut parfois conserver le nom initial. Mais l’ex perd aussi son autorité et ses obligations parentales. Et puis, bon à savoir: l’adoption est définitive. Si les parents devaient se séparer, les enfants conserveraient malgré tout leurs droits!