Le refrain est connu: en période de crise, les embauches sont pour la plupart gelées tandis que les travailleurs doivent mettre les bouchées doubles pour assurer la productivité et la viabilité de leur entreprise. "La crise est donc double. On leur demande de fournir plus de résultats sans pour autant leur donner plus de moyens comme des recrutements supplémentaires par exemple", explique Michel Tubbax, Managing Director de Stepstone Belgique. C’est clair, il faut faire plus avec moins!
Pour compenser, les travailleurs belges s’engagent volontairement dans la voie des heures supplémentaires. Ce travail additionnel s’inscrit dans une véritable culture d’entreprise. Il est même souvent inévitable. Surtout lorsqu’il faut respecter les délais imposés par un projet ou une mission. D’ailleurs, près de la moitié des employés de bureau travaillent plus de 8 heures par jour (entre 9h et 11h), d’après les résultats d’une enquête menée par la société Regus. Près de 45% de ces travailleurs emportent même du travail chez eux le soir.
"En Belgique, où l’insécurité de l’emploi est considérée comme l’un des plus grands facteurs de stress, cette étude démontre que la frontière entre vie privée et vie professionnelle s’est très nettement étiolée", commente Olivier de Lavalette, Directeur général de Regus pour l’Europe du Nord et de l’Ouest. À un point tel que le Belge fait des heures supp’ sans aucune contrepartie?
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Heures non rémunérées…
Selon une étude menée en 2010 par SD Worx sur l’impact de la crise sur le fonctionnement des travailleurs, environ 40% des répondants ont déclaré prester des heures supplémentaires non rémunérées. "Même si ces chiffres ne sont pas très récents, je présume qu’ils ne devraient pas être trop différents si l’enquête devait avoir lieu maintenant", explique Jean-Luc Vannieuwenhuyse, responsable communication du groupe. Le site de recrutement en ligne Monster évalue même à 60% le nombre de Belges qui prestent des heures supplémentaires sans être indemnisés.
On le voit, chiffrer avec précision le phénomène des heures supplémentaires n’est pas une tâche aisée: les entreprises n’ont pas systématiquement recours à une pointeuse, certaines catégories de travailleurs sont exclus et n’ont pas droit au paiement de ces heures (par exemple, les représentants de commerce ou les travailleurs avec une fonction dirigeante ou de confiance), mais surtout, les heures supplémentaires ne sont pas toujours déclarées. Ce sujet est particulièrement sensible à évoquer.
… et tacites
En effet, même si ces heures bénéficient d’une fiscalité avantageuse tant pour l’employeur que pour l’employé, "certaines entreprises préfèrent les petits arrangements à l’amiable avec leurs employés", nous a confié sous le couvert de l’anonymat le responsable d’une société active dans les ressources humaines.
Par exemple, au lieu de rémunérer un travailleur pour ses heures supp’ ou lui accorder des jours de congé compensatoires, l’employeur se montre plus flexible sur l’horaire de travail dans son ensemble. Autrement dit, le travailleur peut certains jours quitter plus tôt son travail sans pour autant devoir prendre un demi-jour de congé.
Culture de la performance
Pour Ann Van den Begin, marketing communication manager de Monster Belgique, il n’y a aucun doute, "dans de nombreuses entreprises belges, la culture de la performance est bien plus importante que la présence". Elle ajoute: "Dans ces entreprises, l’évaluation s’effectue sur base de résultats et non sur base de la pointeuse. C’est la raison pour laquelle la prestation des heures supplémentaires non indemnisées est un phénomène largement répandu. L’employeur doit donc veiller à ce que le travailleur soit correctement rémunéré pour ses prestations afin qu’il reste suffisamment motivé."
Néanmoins la charge de travail en période de crise a de quoi en décourager plus d’un. "Lors de la précédente crise en 2008, les heures supplémentaires ont posé problème", indique Thierry Constant, Group Communication Manager pour Securex. "Statistiquement, je ne sais pas démontrer que leur nombre a explosé mais nous avons reçu beaucoup de questions à ce sujet et des demandes de rectifications. C’est sans doute un signal".
En pratique
La durée normale du travail peut être dépassée mais est limitée à 11 heures par jour et 50 heures par semaine. "Le dépassement de la limite de 9 heures par jour donne droit au paiement d'un sursalaire. Ces heures supplémentaires sont payées à un montant supérieur d'au moins 50% à la rémunération ordinaire (100% lorsque le travail supplémentaire est effectué un dimanche ou un jour férié)", d’après le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale. Afin de respecter la durée hebdomadaire normale du travail, des repos compensatoires doivent également être accordés.
Les heures supplémentaires donnent droit à une réduction d’impôt. Pour en savoir plus, cliquez ici.