Ceci n'est pas de la transparence

Journaliste

L’UE vote l’obligation de transparence fiscale.

Adam Smith, un des pères fondateurs du libéralisme, exigeait du marché qu’il soit le plus transparent possible afin de pouvoir fonctionner. L’économiste écossais a dû se retourner dans sa tombe en voyant les députés européens voter, hier à Strasbourg, un projet de directive sans grande ambition "obligeant" les multinationales à publier leurs impôts dans chaque pays où elles sont actives.

Le texte est vendu depuis un an par la Commission européenne comme étant une des mesures phares pour lutter contre l’évasion fiscale. Cette obligation de transparence aurait pu, de fait, être l’un des piliers d’une fiscalité plus saine, juste et équitable entre les entreprises, si elle n’avait été rognée jour après jour sous l’impulsion des lobbys, pour devenir un moignon de régulation.

L’obligation de transparence des multinationales votée hier à Strasbourg est truffée de portes de sortie.

Le projet de directive est truffé de portes de sorties donnant à la transparence un air de construction juridique postcommuniste.

Première exception, l’obligation ne s’appliquera qu’aux entreprises affichant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros. Il en résulte que cette obligation de transparence ne concerne que 10% des multinationales. Deuxième exception, les entreprises concernées pourront obtenir une dérogation si elles prouvent qu’un intérêt commercial "sensible" est menacé, ce qui risque d’arriver souvent étant donné la nature de leurs activités.

Au final, neuf multinationales sur dix ne seront pas tenues de publier leurs chiffres et pourront continuer à pratiquer l’évasion fiscale. Tandis que celles qui seront obligées de publier leurs chiffres auront le loisir d’invoquer une dérogation.

La grande majorité des entreprises, à savoir les PME, continueront à payer leurs impôts dans leur pays. Elles continueront à subir la concurrence des multinationales et de leurs multiples filiales dans des conditions déloyales, les unes étant soumises à l’impôt, d’autres parvenant à l’éluder. Quant au marché, il attendra. L’Europe recule lorsqu’elle vote des législations "Canada Dry".

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