Édito | Une loi déplumée pour la biodiversité
L’Europe est parvenue à sauver sa loi de restauration de la nature. Mais c'est une coquille vide, qu’il va falloir garnir rapidement.
C'est une décision historique, pour peu qu'elle soit appliquée: l’Europe va arrêter de scier la branche sur laquelle repose sa sécurité alimentaire. On parle bien sûr de la loi sur la restauration de la nature, adoptée ce mardi par le Parlement européen au terme de longs mois de bataille rangée.
Le texte instaure des balises claires pour mettre un terme à l’érosion de la biodiversité – l'autre catastrophe environnementale de nature existentielle pour l’humanité, avec le réchauffement. Mais à l’approche des élections européennes, le premier parti de l’hémicycle avait choisi de faire de ce texte un autodafé, en offrande à un monde agricole, et agro-industriel, inquiet de voir arriver de nouvelles contraintes. En politique, tout est permis; au football, on parlerait de jeu dangereux.
Car cela relève du sens commun: si l’on ne parvient pas à restaurer nos sols dégradés et à mettre un coup d’arrêt à la disparition des pollinisateurs, notre sécurité alimentaire ne peut que s'affaisser. L'avènement de cette loi est une bonne chose, reste donc à voir... si elle sera appliquée.
Donner les bons gages aux agriculteurs
"Avec un tel programme, la loi pour la biodiversité ressemble furieusement à un oiseau sans plumes."
Le problème, c’est que fixer des objectifs de préservation de la biodiversité ne sert pas à grand-chose si cela ne s’accompagne pas de mesures concrètes pour y parvenir. La loi sur la restauration de la nature consiste essentiellement à fixer des objectifs par catégorie d’habitat à préserver, et attendre des États des plans nationaux sur la manière de les atteindre. Mais pour le reste, l’Europe déserte le terrain.
Sous la pression des agriculteurs, Ursula von der Leyen a déchiré sa proposition de réduire de moitié l’utilisation de pesticides chimiques d’ici à 2030 – c'était pourtant une des clés pour atteindre les objectifs de biodiversité. Et cette semaine, pendant que les tracteurs malmenaient Bruxelles, la Commission a fait savoir qu’elle envisage de faire sauter purement et simplement des conditionnalités au versement des subsides de la Politique agricole commune. Créer un peu de haies, de mares ou de jachères... tout cela deviendrait facultatif. Avec un tel programme, la loi pour la biodiversité ressemble furieusement à un oiseau sans plumes.
Si elle veut préserver sa capacité de produire durablement de la nourriture saine, l’Europe doit donner les bons gages à ses agriculteurs. Elle doit les aider financièrement à accélérer la mutation de leurs pratiques. Les protéger de la concurrence de denrées importées malgré des normes de production au rabais. Mais elle ne doit certainement pas étouffer son ambition de protéger la biodiversité.
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