L’extrême droite, ça ne s’essaie pas
Le second tour des élections législatives en France confirmera cette tentation de la table renversée. Un choix qui ne prévoit pas de retour en arrière.
"On veut essayer autre chose." Ce n’était qu’une petite musique. Puis, elle s’est répandue, et s’est écrite sur un tiers des bulletins de vote. L’extrême droite française, polie au papier de verre, serait ainsi comme un vêtement politique à l’instar de tous les autres, qu’on achète et qu’on enfile pour voir s’il nous sied. Et s’il ne nous plait pas, on choisirait autre chose. C’est ça, la démocratie; c’est ça, aussi, son talon d’Achille.
L’extrême droite, ça ne s’essaie pas. Une fois au pouvoir, elle est là pour s’installer, pour modifier les règles du jeu, pour grignoter peu à peu, sans en avoir l’air, nos valeurs et les fondements de la démocratie.
Les tenants du "essayer autre chose" citent volontiers Giorgia Meloni, propulsée à la présidence du Conseil italien et qui, malgré son appartenance à un parti post-fasciste, garde une ligne modérée, pro-européenne, pro-ukrainienne, jusqu’à se faire courtiser par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Sauf que ce qui se dit à Bruxelles ne se dit pas à Rome. Pour preuve, ce projet de réforme constitutionnelle, approuvé en première lecture le mois passé: une concentration des pouvoirs inédite, écrite sur mesure, où le chef de l’exécutif serait élu au suffrage direct et bénéficierait automatiquement, quels que soient les résultats, d’une majorité parlementaire et gouvernementale sans garde-fou présidentiel. Quand on s’attaque à l’institutionnel, stabilité ne rime pas toujours avec démocratie.
Bousculer la société
L’extrême ne s’essaie jamais. Il s’insinue, puis s’impose au cœur du pouvoir.
Autres craintes, autres dérives, les attaques récurrentes du clan Meloni contre l’audiovisuel public, le droit à l’avortement et les droits des minorités: elles entrent en singulier écho avec les volontés affichées du Rassemblement national en France. Privatisation de France Télévisions, apologie de la famille, après avoir usé de la machine Bolloré pour conquérir l’opinion française, le parti de Marine Le Pen l’a annoncé urbi et orbi: il entend bousculer la société, selon ses prérogatives et ce, de manière durable et profonde.
Certes, après l’avoir "essayée", d’autres pays ont émergé de cette brutalité des extrêmes. Mais à quel prix! Poussé par le populisme d’un Boris Johnson, le Royaume-Uni a voté jeudi pour une certaine normalisation, mais le parti anti-immigration de Nigel Farage, le champion du Brexit, continue de polariser la société britannique. Et que dire de l’Amérique de Donald Trump, au fanatisme plus ancré que jamais, et où l’issue des élections de novembre pourrait être le début d’une déstabilisation en règle de l’État de droit?
Une fois le doigt pris dans l’engrenage extrémiste, une société aussi démocratique soit-elle peut difficilement faire marche arrière. L’extrême ne s’essaie jamais. Il s’insinue, puis s’impose au cœur du pouvoir.
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