L'obscure évidence
L’Europe enquête sur les mesures anti-black-out
Dans son dictionnaire inachevé des idées reçues, Gustave Flaubert définit l’évidence comme suit: "Vous aveugle, quand elle ne crève pas les yeux." Une sentence que Margrethe Vestager, la commissaire européenne en charge de la Concurrence, doit avoir lue attentivement…
Non que la décision de la mandataire danoise soit absurde ou illégitime. Celle-ci ouvre une enquête sectorielle en matière d’aides d’État sur des mesures visant à garantir la disponibilité, à tout instant, d’une capacité de production d’électricité suffisante pour prévenir les coupures d’électricité.
Objectif: "Garantir que les mesures prises par les pouvoirs publics afin d’encourager les investissements dans l’approvisionnement en électricité ne favorisent pas indûment certains producteurs ou technologies ni ne créent d’obstacles aux échanges transfrontières", a-t-elle déclaré ce mercredi. Logique.
Les mesures nationales visent surtout à parer au plus pressé, soit garantir un approvisionnement durant les hivers prochains
Ce qui l’est moins, voire saugrenu, c’est l’historique qui a débouché sur l’ouverture de cette enquête. Ou plus précisément, la raison qui a conduit une dizaine d’États européens (dont la Belgique) à mettre en place ces mécanismes devant assurer leur approvisionnement.
En l’occurrence, la libéralisation énergétique: la Commission européenne – avec l’assentiment des gouvernements de l’époque – a imposé voici deux décennies une architecture de marché boiteuse qui amène aujourd’hui les États à devoir prendre des mesures d’urgence pour éviter le black-out.
Et que fait la Commission? Elle enquête sur ces mesures. Mieux: "Il peut, dans certains cas, être plus efficace d’investir dans l’amélioration des interconnexions que de construire de nouvelles centrales électriques", argumente Margrethe Vestager.
Pas faux. De mauvaise foi aussi: les mesures nationales visent surtout à parer au plus pressé, soit garantir un approvisionnement durant les hivers prochains. Aujourd’hui, édifier une ligne haute tension nécessite, de l’idée à la mise en service, pas loin d’une décennie…
Au lieu de s’interroger sur la légalité du pansement, l’Europe gagnerait à s’attaquer au cœur du mal. Et à oser une réforme systémique.
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