Le prix d'une vie
Jusqu’où financer les médicaments innovants?
L’incroyable mobilisation pour sauver la petite Pia, un bébé de 9 mois atteint d’une maladie rare, fait chaud au cœur. En deux jours, 1,9 million d’euros ont été réunis pour lui fournir le Zolgensma, le médicament miracle et accessoirement aussi le plus cher au monde. Aussi sympathique soit-il, cet élan du cœur ne peut devenir une solution structurelle. Ces médicaments innovants posent des questions fondamentales. Comment concilier intérêt particulier et intérêt collectif, compte tenu de la précarité des moyens financiers? Qui va fixer le prix d’une vie? L’industrie pharma? Les pouvoirs publics? Le degré d’empathie de l’opinion?
La recherche a un prix et si on arrête la recherche, on arrête de guérir des patients.
Chacun conviendra que coller un prix sur une vie a quelque chose d’indécent, même si cela se fait, par nécessité, dans la sphère assurantielle par exemple. D’autre part, l’aspect financier ne peut être évacué. La recherche a un prix et si on arrête la recherche, on arrête de guérir des patients. Quant au budget des soins de santé, il n’est pas extensible. Si on décide de soigner une maladie qui ne concerne que quelques dizaines de cas, on doit forcément s’attendre à un prix exorbitant.
Par contre, on pourrait travailler sur la prévisibilité. C’est la piste que suggère Lieven Annemans, un économiste de la santé très écouté en Flandre. Pour contrer la perception d’un prix fixé arbitrairement par le fabricant au moment de la commercialisation du médicament, on pourrait prendre le problème plus en amont. Cinq ans avant que le médicament ne soit mis sur le marché, le fabricant et les pouvoirs publics pourraient se mettre à table et examiner le coût futur. Ce prix ne peut être complètement dissocié de l’efficacité escomptée. Le point de référence d’Annemans, c’est le nombre d’années de vie supplémentaires que le patient est en droit d’espérer. Pour Laurent Servais, spécialiste de la maladie de l’amyotrophie spinale dont souffre la petite Pia, le prix devrait être versé a posteriori et proportionnellement au "service rendu" au patient. Les médicaments innovants doivent être encadrés de façon innovante. Cela permettrait au moins à chacun de s’organiser sans devoir mobiliser l’opinion en catastrophe, même si c’est avec les meilleures intentions du monde.
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