Le prix de la liberté

Rédacteur en chef

Paris, Bruxelles, Ankara, Bagdad… Un énième attentat. Une nouvelle étape dans l’ingénierie barbare.

Qui conduisait le camion qui a ôté des dizaines de vies sur la promenade niçoise? Un suicidaire? Un demeuré? Un fanatique du Califat? Selon le procureur de Paris, le modus operandi correspond aux pratiques du terrorisme islamiste. En effet. Tout y ressemble. Tout y conduit. Hormis peut-être une chose: l’individu ne figurait pas sur les listes des personnes radicalisées…

Tel est bien l’essence du problème. Non qu’il ne soit pas répertorié. Mais simplement que le risque est désormais inhérent à la société européenne. Parce que la peste islamiste se diffuse, contamine les esprits, raidit les uns, inspire les autres. Les motivations de l’assassin du 14 juillet n’étaient peut-être ni religieuses ni politiques. Peut-être étaient-elles personnelles. Comme le relève le procureur français, son comportement répond cependant aux consignes dictées par les groupes islamistes. Bref, si une nébulosité plane sur les motifs, les sources d’inspiration de chauffeur sanguinaire semblent plus évidentes.

Aussi, Nice témoigne, à l’instar de Bruxelles, d’Ankara, de New York ou de Tel Aviv, de la difficile lutte qui s’est engagée voici plus de deux décennies déjà, cette lutte que d’aucuns qualifient de guerre, la lutte contre une idéologie, contre une déviance religieuse. Cette nouvelle peste brune qui a pour objectif ultime d’éradiquer de la planète tout qui ne suit pas les préceptes d’un livre écrit voici près de quatorze siècles et surtout l’interprétation aveugle que certains en font. Bien sûr, des armes sont nécessaires pour anéantir la face visible de ce mal que sont des groupes comme l’Etat islamique ou Boko Haram. Cela ne suffira toutefois pas.

Les idées dépassent ceux qui les portent. Ce sont ces idées qu’il faut aussi combattre. Et combattre des idées se fait avec d’autres idées. Plus fortes, plus grandes, plus pertinentes. L’islamisme est un simplisme, un populisme religieux qui ne convainc pas que les idiots, les faibles. L’islamisme s’insinue aussi chez les déçus, les perdus, les chercheurs d’infinis qui n’ont pas trouvé satisfaction ailleurs.

Ce combat est complexe car il questionne les fondements démocratiques du Vieux Continent: faut-il circonscrire les excès religieux? Pénaliser l’enseignement de la charia? Autrement dit, plus philosophiquement, la tolérance qui forge notre société peut-elle supporter ce qui la détruit? Ces interrogations soulèvent souvent des tollés, des débats sans fin entre – pour caricaturer – libertaires et tenants d’une défense plus radicale des valeurs démocratiques.

Pourtant, dans cette période ténébreuse, la société réclame de la clarté. Politique d’abord: le Brexit en est encore l’illustration. Les Britanniques ont sanctionné cette Europe trop poussive, trop lointaine, trop technocratique. De la pire des manières. En la rejetant, en s’isolant et en se sanctionnant eux-mêmes. La France et la Belgique gonflent les budgets sécuritaires, mettent des militaires dans les rues. Pour rassurer leurs populations. Mais il faudra davantage que ce déploiement de force pour annihiler cette peste. Il faudra davantage de cohésion sociale. De pédagogie aussi. Pour que, demain, dans le métro, dans la rue, les amalgames n’envahissent pas l’espace. Pour que la dame voilée ne soit pas dévisagée comme une terroriste en puissance, pour qu’une femme en embrassant une autre ne soit pas menacée par des décérébrés en goguette.

Le citoyen exige en quelque sorte un projet, demande un horizon. Il faut le lui offrir. Rapidement. Sous peine de voir les radicalismes multiples pulluler.

Dans cette période ténébreuse, la société nécessite aussi de la clarté idéologique. De la lumière plus exactement. De cette lumière qui va éclabousser la folie religieuse, la bêtise populiste. Non, la lumière ne peut souffrir ce qui vise à l’éteindre. Non, la société européenne ne peut tolérer ce qui veut sa destruction. Les valeurs démocratiques doivent être protégées contre ce qui les menace. L’islamisme en fait partie. Et la défense des libertés fondamentales dont celle de culte, sont au prix de cette condamnation ferme, de cette pénalisation d’un prosélytisme liberticide et destructeur. En fait, le prix de la liberté.

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