Se réconcilier avec le citoyen
Enquête dans le monde syndical.
En 2014, plus de 760.000 jours de grève ont été répertoriés en Belgique. Parallèlement, selon un sondage récent, six Belges sur dix déclarent ne plus faire confiance aux syndicats pour défendre leurs intérêts.
Deux chiffres peu flatteurs. Pourtant, la noblesse et la nécessité du mouvement syndical apparaissent, plus que jamais en ces temps obscurs, comme des évidences. Noble, ce mouvement l’est par la grandeur des valeurs humaines qu’il défend: dignité, solidarité, justice sociale…
Les meilleures armes sont celles dont on n’a pas à se servir.
Nécessaires, les syndicats le sont pour porter les intérêts de millions de travailleurs face à des institutions publiques ou privées plus puissantes qu’un individu isolé. Ces formes de contre-pouvoir appartiennent à l’architecture démocratique et en sont même l’un des fondements. Cette noblesse et cette nécessité ne doivent cependant pas servir de prétextes pour éviter un questionnement profond. Ce ne sont ni cette noblesse, ni cette nécessité qui sont en cause ici mais la pertinence et l’opportunité des moyens de contestation déployés, comme la rigidité affichée dans l’approche des problèmes posés. Autrement dit et ce sera la question en filigrane de toute notre série consacrée au monde syndical — à commencer par le dossier qui suit sur l’argent des syndicats — ces organisations répondent-elles aux défis contemporains?
Arrêter le travail, manifester sont devenus des actes tellement anodins qu’ils en perdent leur valeur et rendent, par l’inconfort engendré, conjugué à cette récurrence, les revendications syndicales inaudibles pour une large partie de la population. Les meilleures armes sont celles dont on n’a pas à se servir… Paradoxalement, les syndicats, défenseurs autoproclamés du progrès, sont devenus aujourd’hui les plus grands avocats de l’immobilité. Un droit acquis est, dans l’inconscient syndical, immuable. Même s’il est mauvais.
La noblesse et la nécessité du mouvement syndical apparaissent, plus que jamais en ces temps obscurs, comme des évidences.
Même si la solution avancée pour le remplacer est meilleure — faut-il par exemple une indexation égale des bas et hauts salaires? Les arguments sont connus: "Si on touche à cela, on en profitera pour toucher à d’autres choses et on y perdra", clament souvent les voix syndicales. Enfin, singularité belge, les syndicats se révèlent aussi frileux à parler de leur argent qu’un banquier suisse de l’argent de ses clients. Cette brume mystérieuse qui enrobe les comptes des défenseurs des travailleurs, paraît de plus en plus anachronique et finalement contre-productive dans un monde où la transparence et la publicité deviennent des normes.
Pour se réconcilier avec le citoyen, pour porter plus haut le message des travailleurs, les syndicats devront indéniablement passer par une rénovation profonde de leurs modes de fonctionnement et une réinvention de leurs instruments de "lutte". Au nom de la noblesse et de la nécessité qui font leur essence.
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