Une démission, deux questions essentielles

Rédacteur en chef

L'édito de Joan Condijts, rédacteur en chef.

Yvan Mayeur n’est pas tombé sur le piétonnier. C’est paradoxalement l’une de ses créations, ce Samusocial qu’il a imaginé avec d’autres dans les années nonante, cette association sans but lucratif (ce dernier mot est important), qui l’aura fait chuter en ces mois où les socialistes tombent comme des feuilles mortes en automne.

Gestion à la petite semaine ou porte-monnaie discret pour complément salarial? Nébuleuse, l’affaire du Samusocial bruxellois se résume quasiment à cette question. Le bourgmestre de Bruxelles démissionnaire, Yvan Mayeur, et son acolyte des occasions sulfureuses, Pascale Peraïta, l’(ex-) patronne du CPAS, ont-ils travaillé contre rémunération pour ladite ASBL et négligé les aspects administratifs (PV, etc.)? Ou se sont-ils octroyé quelques généreux billets mensuels sans labeur réel? Une sorte de service d’aides à Mayeur urgentes…

Cette propension à sortir des matières du cadre institutionnel existant pour les confier à des ASBL n’est qu’un déni démocratique sous couvert d’efficacité.

Quelle que soit la réponse, ce dossier suinte l’amateurisme et l’estompement de la norme éthique dans le chef de praticiens politiques aveuglés par leur soif de pouvoir ou leur envie de faire. À cette interrogation qui fait désormais l’objet d’enquêtes parlementaire et judiciaire, s’ajoute surtout de manière sous-jacente des questions sur la gestion de la chose publique.

Primo, cette propension à sortir des matières du cadre institutionnel existant pour les confier à des ASBL n’est qu’un déni démocratique sous couvert d’efficacité. Cette tactique de l’évitement traduit évidemment une dérive politicienne, mais elle exprime, avant tout, plusieurs maux de l’administration: lourdeur des structures, allergie à la souplesse, pouvoirs parallèles des syndicats… La liste n’est pas exhaustive. Aussi, au lieu de créer des structures palliatives, faudrait-il entreprendre une réforme profonde de nombreux instruments publics afin de les ramener à leur objectif essentiel: le service efficace au public…

Secundo, l’affaire du Samusocial convoque une nouvelle fois la lutte de pouvoir que se livrent la Région et la Ville à Bruxelles. Au-delà du côté clochemerlesque de ce conflit, en l’occurrence fratricide entre camarades socialistes, s’impose un constat: cette structure à double étage (Région-commune) n’a pas lieu d’être dans une cité de 1,2 million d’âmes. Une gestion performante impose de renoncer aux dix-neuf baronnies locales et à cette architecture à deux niveaux qui exacerbe la concurrence institutionnelle. Et souvent, nuit à la bonne gestion de la métropole.

Ces deux questions sont vitales. Une énième commission d’enquête parlementaire portant sur quelques milliers d’euros et des pratiques douteuses n’est sans doute pas superflue. Des réformes fondamentales et durables portant sur des centaines de millions se révèlent indubitablement essentielles.

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