chronique

Le fédéralisme à quatre est-il révolutionnaire?

Professeur d'économie publique à l'université de Stirling et affilié à la KU Leuven

Celui qui veut une Belgique plus efficace et moins complexe doit oser poser les bonnes questions. Le rôle de Bruxelles et la relation des Flamands et des Wallons avec leur capitale, est fondamental à cet égard.

Willem Sas ©Franky Verdickt

Pour qui trouve la structure de l'État belge trop complexe et inefficace, les dernières semaines auront été porteuses d'espoir. Les préparatifs de la grande enquête auprès des citoyens ont démarré sur les chapeaux de roue et une étude récente a calculé différents scénarios pour une Belgique plus efficace.

Pour la première fois dans notre histoire, on réfléchit véritablement à une réforme de l'État, sans tabous. Pour la première fois, les vraies questions sont posées, auxquelles seuls les citoyens peuvent répondre.

Cette réflexion est nécessaire, car en Belgique, nous excellons dans la complexité pour des raisons historiques. Contrairement à d'autres fédérations où des États fédérés distincts mènent leur barque à côté d'un gouvernement fédéral, en Belgique, nous avons deux types d'autorités régionales. Les Régions avec les compétences sur le terrain (comme le marché du travail, le transport et la mobilité) et les Communautés avec les compétences comme l'éducation, le bien-être et la culture. À Bruxelles, les deux se chevauchent, de sorte que quatre autorités sont en réalité concernées: le fédéral, l'autorité bruxelloise, et, par l'intermédiaire des commissions flamande (VGC) et française (COCOF), les Communautés.

Une structure moins complexe comme en Suisse ou en Allemagne présente un avantage majeur: la transparence. L'électeur est plus à même de savoir qui mène la barque et les politiciens auront moins de chances de s'en tirer en prétextant que la compétence est ailleurs.

Une structure moins complexe comme en Suisse ou en Allemagne présente déjà un avantage majeur: la transparence. L'électeur est plus à même de savoir qui mène la barque et les politiciens auront moins de chances de s'en tirer en prétextant que la compétence est ailleurs. Moins de postes, plus de poids.

Des chercheurs des universités de Bruxelles, Namur et Liège ont étudié pareille approche, appelée "fédéralisme à quatre". Dans un premier scénario, les Communautés seraient complètement absorbées par les Régions, ne laissant qu'une région flamande, wallonne, bruxelloise et germanophone. Un scénario qui ne manque pas de soulever des questions.

Nature métropolitaine

Après tout, l'étude montre que les deux Communautés dépensent actuellement plus d'argent dans la capitale que ce que prévoient les subventions qui les financent. La nature métropolitaine de Bruxelles en est l'explication logique. L'éducation coûte plus cher par élève, parce que la diversité s'accompagne de plus de défis, et comme Bruxelles a une population relativement jeune, il y a aussi un effet de volume.

Les institutions culturelles sont également généreusement financées, précisément parce qu'elles s'adressent à des publics plus nombreux que les seuls Bruxellois. Le déficit qui serait absorbé par la région bruxelloise s'élèverait donc à 1,1 milliard en 2025, réparti à parts égales entre écoles ou institutions flamandes et francophones.

Rien de surprenant...

En soi, ce déficit n'est pas surprenant et il confirme les calculs antérieurs que nous avons effectués pour la plate-forme de réflexion "Repenser la Belgique". Cela ne signifie pas non plus qu'une formule comportant quatre sous-parties ne serait pas envisageable.

Par exemple, l'étude calcule un deuxième scénario, dans lequel le FCC et la COCOF continuent d'exister et peuvent être directement financés et organisés à partir des nouvelles sous-régions de Flandre et de Wallonie. Dans ce scénario, le lien avec la Flandre et la Wallonie n'est pas complètement rompu.

Une sous-région du Brabant aurait immédiatement les proportions de l'Île-de-France et deviendrait l'une des régions les plus riches d'Europe.

Un résultat plus frappant est que Bruxelles comblerait largement le déficit de 1,1 milliard si son financement (impôt régional et subventions) était basé sur le principe du lieu de travail plutôt que sur celui de la résidence. Cela prouve une fois de plus que la Région bruxelloise est en réalité trop petite et qu'elle est enfermée dans son propre arrière-pays économique.

Dans une réalité alternative

Dans une réalité alternative où la sous-région bruxelloise coïnciderait avec l'ancienne province du Brabant, davantage de dépenses seraient engagées en son centre (l'actuelle région bruxelloise) et une plus grande partie des recettes serait perçue sur la base de la résidence dans l'arrière-pays (l'actuel Brabant flamand et wallon). Le déficit de 1,1 milliard est donc le revers de la création de richesse de Bruxelles, qui ne lui revient pas via ses recettes régionales, mais reste dans les actuelles Régions flamande et wallonne.

Ce déséquilibre est moins prononcé autour d'autres métropoles telles que Paris, Berlin ou Vienne, car ces sous-régions sont suffisamment grandes. Une sous-région du Brabant, par exemple, aurait immédiatement les proportions de l'Île-de-France et deviendrait l'une des régions les plus riches d'Europe. Les problèmes transfrontaliers liés à la mobilité (réseau express vers la Flandre et la Wallonie) ou à l'activation (remplir les postes vacants flamands avec des résidents bruxellois multilingues) seraient enfin abordés.

Les questions clés

Les questions clés, auxquelles il faut répondre dans une enquête menée auprès des citoyens, apparaissent dès lors évidentes. Si nous ne voulons pas nous défaire du lien avec Bruxelles, si nous respectons le caractère unique de Bruxelles, mais si nous ne voulons pas non plus une extension de l'actuelle Région bruxelloise, pouvons-nous rester aveugles au manque de financement et de coopération? Voulons-nous un enseignement bruxellois (multilingue) à long terme, et qui le financera et l'organisera? Allons-nous renforcer la communauté métropolitaine autour de Bruxelles pour favoriser la coopération? Le niveau fédéral peut-il changer la donne en matière de pouvoirs transfrontaliers? En bref, pouvons-nous penser au-delà des frontières sans déplacer les frontières régionales?

Willem Sas
Professeur d'économie publique à l'université de Stirling et affilié à la KU Leuven

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