Le nucléaire, la clé de nos ambitions dans l'hydrogène
Pour faire de la Belgique une plaque tournante en matière d'hydrogène, il est impératif d'y inclure le nucléaire, parce que les énergies renouvelables seront insuffisantes.
En octobre dernier, le gouvernement fédéral présentait son ambitieuse stratégie hydrogène. L’objectif de positionner la Belgique en véritable plaque tournante était d’emblée nourri par une volonté claire d'inclure les industriels. Une stratégie qui continue à porter ses fruits: début mai, le groupe industriel liégeois John Cockerill annonçait la création d’un nouveau champion de l’hydrogène vert. Néanmoins, pour que cette vision soit atteignable et pérenne sur le long terme, il est impératif d’y inclure le nucléaire.
L’hydrogène n’est pas une source d’énergie primaire. C’est un vecteur, c’est-à-dire un support transitoire entre une production d’énergie et son utilisation, comme l’électricité.
Une technologie à développer avec enthousiasme
Quelle utilisation? Commençons par nuancer: il y a des cas d’usages, comme le chauffage domestique ou les voitures, pour lesquels les technologies électriques sont bien plus performantes. Le différentiel sera difficile à résorber dans le moyen terme. Ceci étant, il y a aussi de nombreuses applications pour lesquelles l’hydrogène est presque inévitable. Citons, notamment, son utilisation en remplacement du charbon pour atteindre les très hautes températures nécessaires à la production d’acier, ou les carburants synthétiques pour le transport maritime. C’est donc une technologie que nous devons développer avec enthousiasme.
La demande d'hydrogène dans les pays du G7 devrait quadrupler, voire septupler, d’ici à 2050.
Qu’en est-il, dès lors, de sa production? Si de nombreux procédés existent, en 2021 seul 1% de l’hydrogène produit au niveau global était vert. Il s’agit d’augmenter drastiquement cette proportion, ceci alors même que la demande dans les pays du G7 devrait quadrupler, voire septupler, d’ici à 2050. L’enjeu est double: réduire les émissions de gaz à effet de serre, et assurer notre souveraineté énergétique en réduisant notre dépendance au gaz naturel. Ce dernier comptait encore pour 47% de la production mondiale d’hydrogène en 2021.
Les énergies renouvelables ne seront pas suffisantes
Les énergies renouvelables sont une grande partie de la solution, mais elles ne seront pas suffisantes. Prenons l’exemple de l’acier: afin de décarboner sa production pour couvrir les besoins de l’Europe par la filière hydrogène, nous devrions disposer d’une puissance électrique équivalente à la production de toute la France.
Le nucléaire est une technologie souveraine pour l’Europe.
C’est pourquoi de nombreux pays misent sur le nucléaire. En plus de son impact environnemental marginal, le nucléaire est une technologie souveraine pour l’Europe. À ceci s’ajoute un argument de coût de production, puisque l’analyse de cycle de vie révèle que l'hydrogène issu du nucléaire est, en moyenne, meilleur marché que celui issu du renouvelable.
Plusieurs projets de production sont déjà sur pied, notamment en Chine, en Russie, au Canada, au Royaume-Uni, et aux États-Unis. Prenons, par exemple, cette récente annonce du démarrage de production d’un électrolyseur d’une capacité de 1.25 MW à la centrale nucléaire de Nine Mile Point, dans l'État de New York. Cette initiative est la première étape d’un vaste plan, puisque Constellation, l’opérateur de la centrale, prévoit d’investir 900 millions de dollars d’ici à 2025 pour la production d’hydrogène à partir de ses centrales. Un bénéfice secondaire mis en avant est la capacité de moduler la mise à disposition d’électricité sur le réseau, en utilisant l’excès de production pour synthétiser de l’hydrogène.
Soutenir franchement l’inclusion de toutes les technologies bas-carbone pour la production d’hydrogène vert.
Mais le nucléaire offre d’autres perspectives réjouissantes, associées à des réductions de coûts encore plus importantes, en utilisant la chaleur combinée à l’électricité. Monter en température lors de l’électrolyse permet de réduire les besoins en énergie électrique, et donc gagner en efficacité. Dans un premier temps, plusieurs démonstrateurs sont prévus pour utiliser la chaleur perdue des réacteurs conventionnels, autour de 200°C. Dans un second temps, il sera possible d’utiliser la chaleur à très haute température des réacteurs de quatrième génération, jusqu’au-delà de 1.000°C.
La compétitivité passe par le nucléaire
Qu’en conclure pour les ambitions de la Belgique au sujet de l’hydrogène? Que nous ne sommes pas seuls: si nous voulons être sérieux, il faudra veiller à être compétitif. Or, nous ne pourrons être compétitifs qu’en misant sur le nucléaire aux côtés du renouvelable.
Une première étape concrète serait d’afficher un soutien franc à l’inclusion de toutes les technologies bas-carbone pour la production d’hydrogène vert dans la directive européenne sur les énergies renouvelables. C’est précisément le sujet d’une lettre ouverte signée par plusieurs industriels concernés, dont Essencia, WaterstofNet, et … John Cockerill.
En parallèle, il est essentiel de sécuriser l’innovation sur tous les niveaux de maturité technologique, ce compris au niveau fondamental - comme reconnu par la Région wallonne via un appel à projets récent. Aussi, intéressons-nous en particulier aux sujets qui demandent de lever encore des verrous technologiques comme l’hydrolyse à chaud. Capitalisons sur nos forces vives!
Par Guerric de Crombrugghe, partenaire fondateur de Nuketech et membre du conseil scientifique de la Nuclear Valle, et Thomas Pardoen, professeur à l'UCLouvain et président du conseil scientifique du SCK CEN.
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