Dans son nouveau livre Gigantisme, l’économiste Geert Noels dénonce la volonté de grandir en permanence. Et plaide pour un monde où l’entrepreneuriat local retrouverait la place qu’il mérite.
Notre monde doit ralentir, diminuer en taille et gagner en humanité. Cette pensée constitue le fil rouge de Gigantisme, le successeur du best-seller Econochoc écrit par Geert Noels voici dix ans. Dans son nouvel ouvrage, l’économiste propose une analyse inédite de l’économie mondiale. “Les organisations sont de plus en plus grandes, de plus en plus puissantes”, constate-t-il. “En soi, la croissance ne constitue pas un problème, mais la croissance excessive en est un. Car elle est source d’injustices et favorise une concurrence malsaine.”
“Le besoin pour des acteurs locaux et proches des clients ne peut qu’augmenter.”
Selon Geert Noels, les maladies de civilisation, telles que le burnout, la dépression et même l’obésité, résultent de cette folie des grandeurs incontrôlable. “Le capitalisme dévoyé oppresse l’être humain. Les travailleurs se sentent de plus en plus perdus dans ces entreprises gigantesques. Cela favorise les tensions sociales. La problématique climatique elle aussi est en partie la conséquence d’entreprises obnubilées par leur taille. Les actions de protestation comme celles des gilets jaunes et de nombreux mouvements climatiques illustrent l’ampleur du problème.”
Pas une surprise
Selon Geert Noels, ces phénomènes ne sont pas une surprise. “Les dangers du capitalisme sont connus, ils n’ont rien de nouveau. Les économistes nous ont déjà mis en garde contre ces risques à plusieurs reprises.” C’est pourquoi il propose de corriger les règles du jeu et de rendre leur place à l’humain et à l’environnement dans l’économie mondiale. Il s’agit surtout de chercher un équilibre dans la croissance. Cela implique par exemple de réfléchir aux possibilités de décentralisation et de subsidiarité, c’est-à-dire de ramener un maximum de décisions au niveau local.
Geert Noels livre un vibrant plaidoyer en faveur de l’entrepreneuriat local. “Les régulateurs compliquent souvent la tâche des petites entreprises par rapport aux grands groupes. Citons la myriade d’exigences imposées aux starters, un taux de l’impôt des sociétés handicapant et un coût du capital beaucoup plus élevé. Plus ce gigantisme se développe, en revanche, plus il y aura d’espace pour les organisations qui adoptent la stratégie exactement inverse. Leur petite taille leur permettra de faire la différence et de toucher une corde sensible au sein de leur public-cible.”
Une petite bière?
À titre d’exemple, Geert Noels met en avant les microbrasseries qui poussent comme des champignons. “AB InBev a développé un empire gigantesque mais se heurte aujourd’hui à ses limites. Ses clients ne sont plus fidèles. Dans ce contexte, les petites brasseries ne cessent de gagner en importance. Avec leurs saveurs authentiques, elles jouent sur l’aspect local. En fin de compte, ces microbrasseries pourront collaborer pour dégager certains avantages d’échelle, même si le lien avec le client et le collaborateur demeurera crucial.”
“Les plus petites entreprises ont également leur place dans le secteur des services. Alors que les grandes banques poursuivent leur quête de gigantisme, des acteurs comme Crelan se concentrent sur la proximité. Le besoin pour de tels acteurs locaux ne pourra qu’augmenter. Car les clients veulent pouvoir se raccrocher à tout moment à un réseau d’agences qui leur est proche. Et l’acquisition prévue d’AXA Banque ne changera rien à cette approche.” À titre d’information, dans son segment business, Crelan se concentre exclusivement sur les petites entreprises et les indépendants.