Les émissions de CO2 dues aux activités de transport ne sont pas encore orientées à la baisse, les embouteillages se multiplient et la pollution atmosphérique demeure un problème. Pourtant, il est possible d’améliorer les choses, a affirmé Cathy Macharis (VUB) lors du quatrième cours d'été sur l'investissement durable organisé par NN Investment Partners. “Ma principale crainte est uniquement que nous n'avancions pas assez vite.”
En Europe (soit l'Union européenne et le Royaume-Uni), les transports sont responsables d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Ce secteur est de surcroît le seul qui ne parvient pas à diminuer ses émissions. C’est même tout le contraire : alors que les autres secteurs réduisent leur empreinte environnementale, celle des transports augmente ! “La plupart des émissions du secteur ne proviennent pas de l'aviation (13,4%), mais du transport routier (73,2%)”, a déclaré Cathy Macharis, professeure de mobilité durable et de logistique à la VUB, lors du quatrième cours d'été sur l'investissement durable organisé par NN Investment Partners.
“Les véhicules plus récents sont certes plus respectueux du climat, mais nous parcourons de plus en plus de kilomètres. C'est ce qu'on appelle la “loi Brever” : lorsque les modes de transport s'améliorent, la durée moyenne des déplacements ne diminue pas, car les distances parcourues augmentent.”
Néanmoins, il est urgent de changer de cap. “Si nous voulons vivre dans une Europe climatiquement neutre d'ici 2050, les émissions dues aux transports devront être divisées par huit, ce qui n'est pas une tâche facile”, prévient Cathy Macharis. “La population augmentera au cours des prochaines décennies, et plus il y a d’individus, plus les mouvements sont nombreux : approvisionnement des supermarchés, chantiers de construction, etc.”
"L'électrification seule ne résoudra pas tous les problèmes"
Les émissions de gaz nocifs posent également des problèmes de santé. “Selon l'Agence européenne pour l'environnement, la mauvaise qualité de l'air provoque chaque année plus de 350.000 décès prématurés en Europe. Et le coût social des accidents et des embouteillages reste élevé.”
C'est la raison pour laquelle Cathy Macharis a écrit un livre intitulé With a Factor 8 to the Mobility of the Future, dans lequel elle traduit le passage à une mobilité durable et inclusive en huit défis.
1. Informer
Est-il préférable de se rendre soi-même au magasin plutôt que de se faire livrer à domicile ? À première vue, le premier choix semble le plus judicieux. “En réalité, une camionnette de livraison se rendant chez les gens est une bien meilleure solution pour l’environnement que de nombreuses personnes allant chacune de leur côté au magasin. Si nous nous déplaçons tous, nous parcourons ensemble beaucoup plus de kilomètres.”
"À Bruxelles, 21.000 robots-taxis pourraient remplacer 330.000 voitures"
“Bien sûr, cela ne peut fonctionner que si nous ne voulons pas que nos colis soient à notre porte dans l'heure. Avec les livraisons rapides, il arrive souvent que les colis ne soient pas regroupés efficacement.” Informer et sensibiliser est donc la première étape. Si, par exemple, les magasins en ligne indiquaient pour chaque produit sa provenance exacte, il serait possible d’opérer des choix plus judicieux.
2. Éviter
“Éviter” signifie rendre les déplacements inutiles, par exemple grâce aux visioconférences, au télétravail et au coworking. “Cela peut également se faire de manière structurelle, en concevant des immeubles à usage mixte, avec des espaces de travail, de vie, de commerce et de loisirs. Ou, grâce à un aménagement du territoire qui raccourcirait les trajets entre le domicile et le lieu de travail. Pour des transports publics efficaces, nous devons vivre de manière plus concentrée et non de façon fragmentée, comme en Belgique.”
3. Évoluer
La multimobilité consiste à combiner intelligemment la marche, le vélo, les transports publics et les voitures partagées, et à n'utiliser une voiture privée qu’en dernier recours. Les transports publics restent l'épine dorsale de la multimobilité.
“Évoluer implique aussi de rebattre les cartes”, indique Cathy Macharis. “Regardez la zone piétonne de Bruxelles. Le trafic piétonnier y est 2,5 fois plus important, tandis que moins de personnes (-14,5%) viennent désormais en voiture.”
Pour favoriser ceci, l'infrastructure doit être améliorée. Cela ne nécessite pas nécessairement plus de routes, mais bien une nouvelle répartition de celles-ci. Avec des aménagements plus nombreux, plus larges et sans conflit pour les cyclistes et les piétons. Et des centres-villes et des zones résidentielles adaptés aux piétons, aux vélos et à la mobilité partagée : scooters, trottinettes, vélos, voitures partagées, etc.
4. Partager
S'il reste des voitures, elles doivent être aussi propres que possible. “Les voitures électriques sont en train de gagner peu à peu du terrain. Au deuxième trimestre de 2022, 10% des voitures vendues en Europe étaient entièrement électriques. Au cours de sa durée de vie, un véhicule électrique émet quatre fois moins de gaz à effet de serre qu'une voiture à essence et cinq fois moins qu'un diesel.”
“L’électrification seule ne résoudra pas tous les problèmes. La moitié des voitures vendues aujourd'hui sont par ailleurs des SUV qui prennent beaucoup de place en ville et consomment davantage d'énergie.”
Selon Cathy Macharis, la solution à long terme réside dans un système de transports publics bien développé, un espace pour les piétons et les cyclistes et des systèmes de partage. Cela nous permettra d'évoluer d'un système de mobilité basé sur la possession d'une voiture vers une “mobilité en tant que service”. La conduite autonome peut y occuper une place intéressante si elle est partagée, connectée et électrique. Ceci dit, la voiture à conduite autonome n’est pas encore disponible. “De plus, la conduite autonome est en soi susceptible d'accroître le nombre de kilomètres que nous parcourons. Parce qu'envoyer ainsi les enfants chez leurs grands-parents ou à leur club de sport sera bien sûr très tentant.”
“La solution d'avenir réside donc peut-être dans les voitures électriques à conduite autonome partagées. Celles-ci viendront vous chercher pour vous emmener à la gare, en embarquant d'autres personnes en chemin.”
Nous devons avant tout abandonner l'idée que chacun a besoin de sa propre voiture. Ceux qui possèdent une voiture ne l'utilisent que 4% du temps, souligne Cathy Macharis. “À Bruxelles, 21.000 robots-taxis pourraient remplacer un total de 330.000 voitures. Moins de véhicules, c'est mieux pour le climat et pour l'espace public disponible dans les villes.”
5. Accélérer
À l’échelle locale, l'urgence semble déjà se faire sentir. Pensez aux zones à faibles émissions et à l'interdiction à Bruxelles du diesel à partir de 2030 et de l'essence à partir de 2035.
“À d'autres niveaux, les choses vont trop lentement. Le système fiscal belge subventionne l'augmentation du trafic. Il n'y a toujours pas de péage kilométrique en Belgique. Que vous rouliez beaucoup ou peu, votre taxe routière reste la même. En outre, deux voitures sur cinq nouvellement immatriculées dans notre pays sont des voitures de société. Et celles-ci parcourent 20 à 45% de kilomètres en plus.”
“Ma principale crainte est que nous n'allions pas assez vite. Nous avons besoin de l'argent des investisseurs pour saisir les opportunités et accélérer les choses. L’impulsion ne peut pas venir uniquement des gouvernements.”
6. Inclure
Le risque existe que tout le monde ne puisse pas suivre la nouvelle mobilité. “Nous n'avons pas tous une carte de crédit ou un smartphone en poche. Pour certains, il est plus facile que pour d’autres d'investir dans une voiture électrique, des panneaux solaires et une station de recharge. Nous ne devons cependant oublier personne, souligne Cathy Macharis.”
7. Changer nos habitudes
“Nous sommes constamment en mouvement : pour vivre, travailler et nous détendre, chacun à notre manière. Toutefois, si nous ne changeons pas nos habitudes, le monde ne sera plus vivable et sûr pour tous. Ces dernières années, les crises se sont abattues sur nous sans discontinuer. Cela empêche de nombreuses personnes d'adopter une approche différente. Nous revenons plus facilement à ce qui nous semble familier. Nous devons néanmoins faire face à ce défi.”
8. Aimer
Pour relever ces sept premiers défis, il ne faut en réalité qu’une seule chose : “être amoureux”. “Aimer la vie, aimer le monde, aimer l’idée de vivre d'une manière différente”, conclut Cathy Macharis en riant. “Je suis sûre que nous y arriverons !”
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