“Les employeurs doivent offrir davantage qu’un salaire intéressant s’ils souhaitent attirer les bonnes personnes dans une guerre des talents de plus en plus intense”, estime Linda Cappelle, CEO de Bright Plus, entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres multilingues. “Auparavant, les candidats devaient se vendre. Désormais, ce sont les entreprises qui doivent se mettre en avant.”
Dans la guerre des talents, les entreprises doivent parfois jongler avec des “signing fees” pour ceux qui signent un contrat de travail, ou promettre des salaires élevés. Est-ce une bonne stratégie ?
“Ces pratiques ont une certaine logique. Aujourd’hui, il n’existe pas suffisamment de candidats disponibles pour pourvoir tous les postes vacants, c’est pourquoi les entreprises tentent d’attirer des personnes de talent avec des salaires élevés. Or, l’effet de ce salaire élevé s’estompe après quelques mois. Bien entendu, la rémunération doit être correcte, mais il faut surtout que les candidats aiment la fonction qui leur est proposée. Dans cette démarche, il faut tenir compte de trois éléments. Tout d’abord, la personne doit correspondre à l’emploi et disposer des soft et hard skills nécessaires. Ensuite, elle doit se sentir à l’aise au sein de l’organisation. Enfin, elle doit s’intégrer parfaitement dans son équipe.”
Comment l’employeur et le candidat peuvent-ils savoir s’il y a ou non “adéquation” avec l’équipe que ce dernier est appelé à rejoindre ?
“Le travail hybride et le travail ‘activity based’ sont devenus la nouvelle norme. Ces principes peuvent parfaitement être étendus au processus de recrutement. Le premier entretien peut sans problème avoir lieu en ligne. Les organisations pourraient présenter l’équipe au sein de laquelle le candidat devra travailler via une courte vidéo, avant de passer à une rencontre en présentiel. Et les participants pourraient prendre part à un ‘speed dating’ avec les futurs membres de leur équipe, et ainsi voir immédiatement avec qui ils travailleront, tandis que l’équipe pourra indiquer si elle pense qu’il y a ou non adéquation.”
Que le salaire soit ou non élevé, les collaborateurs recherchent surtout un bon équilibre entre vies privée et professionnelle.
Qu’en est-il du “purpose”, du sens que l’on donne à son travail? De nombreux talents ont un objectif clair en tête ou s’attendent à ce que leur employeur fasse des choix socialement responsables. Quelle est l’importance de ces éléments dans le processus de recrutement?
“S’il y a adéquation entre un candidat et l’entreprise, cela renforcera la satisfaction de la personne à long terme. En retour, si un collaborateur est heureux dans son travail, il participera à la croissance et au succès de l’entreprise. Les valeurs ont dorénavant un pouvoir d’attraction nettement supérieur à celui d’un salaire élevé. En tant qu’employeurs, nous y prêtons une grande attention. Les organisations doivent expliquer clairement ce qu’elles représentent et communiquer de manière transparente et authentique sur leur raison d’être. Les exemples de réalisations concrètes renforcent leur réputation en tant qu’employeurs. Bien entendu, les entreprises doivent tenir leurs promesses; il ne peut s’agir d’un discours de pur marketing.”
Les employeurs peuvent-ils ou doivent-ils faire la différence via le reskilling, l’upskilling et les formations?
“Absolument. Hire for attitude, train for skills, voilà qui est essentiel. Les organisations peuvent renforcer et élargir les compétences de leurs collaborateurs, mais elles auront plus de mal à influencer leur attitude. L’adéquation entre l’entreprise et ses collaborateurs – c’est-à-dire leur capacité à participer au développement de l’entreprise, le fait qu’ils manifestent des qualités telles que la flexibilité et la résilience – l’emporte sur les compétences proprement techniques. Il est capital de pouvoir offrir aux collaborateurs la possibilité de se développer aux plans personnel et professionnel grâce à des formations ponctuelles ou continues.”
Les valeurs de l’entreprise ont dorénavant un pouvoir d’attraction supérieur à celui d’un salaire élevé.
Quelles sont les mises en garde que vous souhaitez faire aux entreprises qui recrutent?
“Je leur dirais: accordez suffisamment d’intérêt aux candidats qui ne sont pas sélectionnés! Expliquez-leur de façon constructive pourquoi ils n’ont pas été invités à participer au tour suivant du processus de recrutement, ou pourquoi ils correspondent moins que d’autres à l’emploi proposé ou à l’organisation. De cette façon, ces candidats repartiront en ayant vécu une expérience positive dont ils pourront tirer des leçons. Et vous minimisez le risque qu’ils fassent circuler des propos négatifs sur votre société. Car ils sont aussi des ambassadeurs de la qualité et de la crédibilité de l’entreprise en tant qu’employeur.”
Quel rôle jouera selon vous le package salarial dans la guerre des talents dans quelques années?
“Certes, la rémunération demeurera un élément important du processus de sélection, mais si une personne ne se sent pas bien au sein de l’entreprise, elle ne restera pas. Autrefois, beaucoup de collaborateurs vivaient pour leur travail; désormais, ils travaillent pour vivre. Que le salaire soit ou non élevé n’y changera rien: au bout du compte, les collaborateurs recherchent un bon équilibre entre vies privée et professionnelle et une organisation au sein de laquelle ils se sentent heureux.”