En 2016, Hannes De Wachter fondait Mindspeller avec Marc Van Hulle, professeur de neurosciences. La spin-off de la KU Leuven cartographie notre inconscient sémantique. “En 2030, les marketeers ne suivront plus guère leur instinct.”
Une analyse de données fondée sur la recherche scientifique: tel est, selon Hannes De Wachter, le futur du marketing. “Rien n’a autant d’impact que les associations inconscientes sur la décision d’achat finale.”
Hannes De Wachter puise son inspiration dans les travaux de Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie en 2002. Avec son best-seller Thinking, Fast and Slow, ce dernier avait établi les bases de l’idée selon laquelle 95% des décisions d’achat ordinaires sont déterminées par des processus inconscients qui ont cours dans le cerveau.
Pendant que Hannes De Wachter s’enthousiasmait pour les conclusions de Daniel Kahneman, le professeur Marc Van Hulle planchait sur une technique d’électroencéphalogramme (EEG) innovante dans son laboratoire de neurosciences à la KU Leuven. Il est ainsi parvenu à mesurer des signaux cérébraux qui indiquent à quel point un individu associe inconsciemment deux concepts.
Fraction de seconde
“Inconsciemment” parce que cette technique EEG capte des variations de signaux cérébraux sur quelques dixièmes de millisecondes. Un laps de temps trop court pour en être conscient et donc formuler une réponse rationnelle.
Nous calculons la distance entre, d’une part, les associations à la marque qu’établit spontanément le consommateur et, de l’autre, les associations que cette même marque veut susciter.
À l’origine, le Pr Van Hulle avait développé cette technique pour faire communiquer des patients souffrant du locked-in syndrome – ils sont conscients de l’environnement mais ne peuvent ni bouger ni communiquer en raison d’une paralysie complète. Après une rencontre avec le professeur, Hannes De Wachter a imaginé d’appliquer sa découverte dans le marketing. Mindspeller était née.
Inconscient
La spin-off a cartographié un réseau sémantique de 2 millions d’associations inconscientes, réseau validé ensuite par la technique du Pr Van Hulle.
“Ce réseau est une approche pertinente de l’inconscient du consommateur moyen. Par la suite, nous avons développé des algorithmes afin de positionner les stimuli utilisés par les marketeers (noms de marque, logos, images, vidéos, odeurs, etc.) dans ce réseau. Nous pouvons ainsi calculer la distance entre, d’une part, les associations à la marque que fait spontanément un consommateur et, de l’autre, les associations que cette même marque veut susciter.”
L’algorithme conseille
Cela peut sembler de la science-fiction mais ne vous y trompez pas: le marché du neuromarketing est en train de s’ouvrir. “Les neuromarketeers peuvent aider les annonceurs, agences de publicité et agences de contenu avant et pendant la création d’une campagne.”
“Dans la phase conceptuelle, notre algorithme recherche les associations à la marque souhaitées à partir de l’input du client. Dans la phase de création, il recommande un contenu concret qui fait évoluer la position de la marque en direction des associations souhaitées.”
Disparition de l’instinct
Cette technologie permet d’attribuer plus aisément une valeur à une marque. “Il n’existe pas encore de système de mesure scientifique dans ce domaine. Par conséquent, cette valeur est souvent sous-estimée au bilan des entreprises. Grâce au neuromarketing, il est possible d’établir des KPI pour l’impact des concepts créatifs de campagnes publicitaires souvent coûteuses.”
Cette tendance créera des fonctions totalement nouvelles dans le marketing. “Je pense à des neuromarketeers qui conseilleront des concepteurs créatifs sur la meilleure manière de susciter certaines associations à la marque. L’instinct, dont nous savons tous qu’il peut avoir tort, disparaîtra peu à peu de l’équation.”