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Le cv de Vincent Darré est aussi surréaliste que son style à la Dalí : après avoir fait ses armes chez Saint Laurent, Moschino, Ungaro et Lagerfeld, il fonde sa Maison et signe la déco frappadingue de clubs, d’appartements et d’événements. reportage : thijs demeulemeester

" Ah, les Belges… J’adore leur surréalisme ! ", s’exclame en riant Vincent Darré alors que nous nous présentons. " Vous avez un humour que nous ne connaissons plus à Paris ". C’est ce que dit l’homme qui, dans la Ville Lumière, gagne (très) bien sa vie avec le surréalisme et l’humour. Et plus précisément, en tant que décorateur d’intérieurs, de fêtes et de clubs.

On l’appelle parfois le " Dalí des architectes d’intérieur ", ce qui n’est pas exagéré : le style de Darré se caractérise par des bizarreries et des mix frappadingues. Un coup d’œil chez lui vaut toutes les descriptions : une lampe de chirurgien, un lit Napoléon III doré avec baldaquin en tissu à pois seventies. Sur sa table de nuit, une tourterelle empaillée, un poumon en plastique et une icône de la Vierge Marie. Dans son hall : du papier peint avec des insectes géants, un miroir Michelin en forme de pneu et un paravent orné de girafes, d’autruches et de grenouilles. Bref, c’est tellement étrange que c’en est interpellant : " Le bon goût, le mauvais goût, who cares? Pour moi, les personnes de goût sont celles qui n’ont pas peur de faire exactement ce qu’elles veulent. Si, en 2011, on vit dans du beige, avec une orchidée blanche ici et une photo en noir et blanc là, c’est avoir peur et être conservateur. Ce sont justement ces gens-là qui viennent me dire : " Vincent, ton travail est génial ! Enfin un autre style que celui auquel nous sommes habitués. C’est rafraîchissant. "

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Ma conclusion : quand un intérieur est aménagé avec humour et beaucoup de naturel, il plaît. Cela explique le succès de la Maison Darré. "

Curiosités

La Maison Darré sa galerie est située entre l’hôtel Costes et les Tuileries chapeaute plusieurs affaires. D’abord, la boutique dans laquelle Darré vend d’excentriques objets trouvés aux puces ou tout droits sortis de son imagination. En trois ans, il a créé deux collections : Ossobuco, inspirée de squelettes et d’os, et A l’Eau Dalí, entre surréalisme et coquillages. " Ma troisième collection s’inscrit de nouveau à fond dans cette atmosphère surréaliste. C’est mon obsession ! ", s’excuse Darré. " Ne prenez pas mes meubles trop au sérieux. Je les dessine pour le fun : croyez-vous qu’une armoire dorée en forme de homard soit réellement sérieuse ? C’est vrai, je vends ces meubles dans ma galerie mais, chaque fois que quelqu’un en achète un, je me demande s’il trouve ça vraiment assez beau pour chez lui. " La Maison Darré, c’est aussi un bureau de design d’intérieur réservé aux audacieux, évidemment . " J’ai récemment décoré les habitations de Inès Sastre et de Suisses excentriques ", explique Darré. " j’ai mixé mes collections et des objets chinés aux puces, pour un résultat très cabinet de curiosités contemporains sous influence surréaliste. "

Noctambule

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Si pour l’instant les clients de Darré sont surtout européens, cela pourrait bien changer. Le Baron de Chinatown, " le club qui doit sauver la nuit new-yorkaise ", ouvrira ses portes en octobre. Vincent Darré en signe la déco, u n service rendu à son ami André Saraiva, roi des nuits parisiennes, propriétaire d’adresses telles que le club Paris Paris, Le Montana, l’Hôtel Amour et le restaurant La Fidélité. " Pour Le Baron, André ne voulait pas un look designer trop typé. Son choix s’est donc porté sur moi et mon style anti-design ", explique Darré. " Nous nous sommes inspirés de la Chine des années trente, comme si le club avait été aménagé il y a des décennies : prints de bambou, pagodes énormes, lanternes rouges, photos de nus féminins .... bref : c’est une chinoiserie érotique, une folie orientale. "

En 2009, Darré avait créé la déco du Montana à Paris pour le même Saraiva. Tables en défenses d’éléphant, papier-peint à motif végétal, tabourets de bar en ossement, il n’en fallait pas plus pour faire du Montana the place to be. Le Baron va-t-il connaître le même succès ? " C’est fou : je ne sors plus et, pourtant, on me demande de décorer des clubs. C’est le monde à l’envers. "

En octobre, Darré se chargera de la déco de la fête anniversaire du magazine L’Officiel au Maxim’s. " Personne ne réalise que L’Officiel a une aussi longue histoire que Vogue et Harper’s Bazaar ", explique Darré. " Je veux remettre cette ancienne gloire à jour. En entrant dans le club, on sera projeté en 1921, année du lancement de L’Officiel.

Il y aura une fête par étage, avec une déco différente, associée à une époque différente. Je mixerai typographies constructivistes, photos de la taille d’un mur, thématique Schiaparelli et même un salon Gainsbourg. "

Stop fashion

Quand la Maison Darré ouvre ses portes, en 2008, cela n’étonne personne : que Darré désire fonder sa propre maison après vingt ans dans la mode était un secret de Polichinelle. Seulement, il n’entend pas le terme " Maison " au sens de maison de couture : il préfère l’exemple des Wiener Werkstätte, atelier d’art total dédié à la mode, à la décoration, aux accessoires, aux bijoux, à la verrerie et au mobilier. " Dès que je me suis mis à créer, j’ai constaté que dessiner des meubles, c’était beaucoup plus amusant que la mode. "

Il n’en a pas toujours été ainsi : Darré a travaillé en tant que styliste et directeur créatif pour, notamment, Yves Saint Laurent, Moschino, Ungaro, Prada, Karl Lagerfeld et Vogue. De quelle collaboration a-t-il gardé le meilleur souvenir ? " Moschino, la plus rebelle ! ", répond-il. " Un jour, nous avons fait défiler les mannequins avec un dossard, comme des marathoniens. Au moment où la collection devait être présentée, elles se sont toutes mises à se balancer, comme si elles prenaient le départ d’une course. La plupart des filles adorent ce genre d’idées. Pour un autre défilé, en plein milieu du show, Moschino a fait défiler une fille brandissant une pancarte qui disait Stop Fashion : tous les mannequins ont filé en coulisses et tous les journalistes ont été jetés dehors. Une manière punk de proclamer que la mode est un abominable manège que nous devons arrêter. Aujourd’hui, plus personne n’oserait. "

Après Moschino, Darré se retrouve chez Ungaro, un monde de différence en termes de culture d’entreprise. " Ils prenaient la mode tellement au sérieux ! Je sentais que j’étais au point mort : ça faisait plus de vingt ans que je travaillais dans ce milieu, il était temps de tirer ma révérence. D’ailleurs, Schiaparelli et Dior n’ont, eux aussi, travaillé que pendant une seule génération. La mode, c’est éphémère. Chez Ungaro, je ne sentais plus l’enthousiasme des premiers jours, il était temps de réfléchir. "

Sens de l’humour

Pour se ressourcer, Darré va au Centre Pompidou voir une expo sur le dadaïsme et le surréalisme. " Schiaparelli, Dalí, Man Ray, Cocteau : rien que des personnalités dotées d’un sens de l’humour extraordinaire. Quel soulagement ! Leur combinaison éclectique de mode, design, mobilier et arts appliqués me parlait. " Affirmer que, depuis cette expo à Beaubourg, Darré est toujours sous l’influence du surréalisme et du dadaïsme est un understatement. Il suffit de regarder sa ligne de meubles ou ses invitations pour s’en convaincre. Pourra-t-il encore s’adonner à de telles folies lorsqu’il aura une clientèle internationale ?

" Pour l’instant, je suis connu en France et en Europe. Je ne peux pas m’imaginer qu’un Américain dise bientôt : je veux une déco comme celle du Baron à Chinatown ! ", se marre Darré. " Quoique… Aménager cet intérieur pour une vedette bling bling de Miami Beach, ça doit être fantastique ! Je devrais peut-être tenter ma chance au Moyen-Orient ou en Russie... Non, sérieusement, je voudrais d’abord travailler à Paris, faire tourner ma Maison et créer mes collections. Pour le reste, on verra : il n’y a rien de plus ennuyeux que de se fixer un avenir. Mieux vaut laisser jouer le hasard et ses rêves. Comme les surréalistes. " S

Maison Darré : rue du Mont Thabor 32, 75001 Paris, www.maisondarré.com

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