Même si leur relation a pris fin voici trente ans, Jane Birkin est toujours citée dans le même souffle que Serge Gainsbourg et que leur duo controversé " Je t’aime … moi non plus ". Vendredi, elle lui déclarera pour énième fois sa flamme au Handelsbeurs de Gand. " le meilleur amant de tous les temps." reportage : iris de feijter
Café, gâteaux et visites : manifestement, les grandes stars fêtent leur anniversaire comme vous et moi. La veille de notre interview, à l’occasion de ses 65 ans, Jane Birkin a invité sa famille et ses amis dans son domicile parisien. On peut imaginer l’ambiance : un joyeux mélange d’enfants et de petits-enfants qui jouent, des discussions animées et peut-être quelques succès de Serge Gainsbourg. Mais le mot retraite n’a pas franchi ses lèvres. Il faut dire que l’actrice/musicienne/bienfaitrice humanitaire n’y songe pas. Mieux encore : elle vient d’entamer, il y a quelques mois, une tournée mondiale de grande envergure.
Dans son nouveau spectacle, Serge Gainsbourg & Jane via Japan, elle interprète, une fois de plus, les titres de son ancien amour Serge Gainsbourg avec un groupe de musiciens japonais. " Après le tsunami qui a frappé le Japon en mars 2011, la plupart des étrangers ont quitté le pays. Moi, j’ai voulu aller à contre-courant : j’ai acheté un billet d’avion pour Tokyo, rien n’aurait pu m’en empêcher, même pas la menace nucléaire. Je devais faire quelque chose pour les victimes. Beaucoup d’Européens pensent que les Japonais sont riches, mais le nord du pays, où les dégâts sont les plus importants, est principalement peuplé de pêcheurs et de paysans extrêmement pauvres. J’ai demandé à mon producteur Sachiko Nakanishi de former un groupe avec des musiciens locaux. Il y a quelques jours, pour les soutenir, j’ai donné un concert gratuit au Club Quattro, à Tokyo. Les musiciens étaient fantastiques : ce n’était pas du folklore japonais, mais un son très jazzy, avec violon, trompette, trombone, piano et batterie. Et ils connaissaient toutes les chansons de Serge par cœur ! Là-bas, Serge est culte : ils continuent à passer Je t’aime moi non plus, que nous avions tourné en 1976, dix ans après le hit ", me confie Jane avec enthousiasme.
Telle mère, telle fille : l’actrice Judy Campbell, la mère de Jane, s’était envolée pour New York le lendemain du 11 septembre pour interpréter A Nightingale Sang sur les décombres des Twin Towers. " Quand elle a fait ça, ma mère avait 85 ans. La première fois qu’elle a interprété cette chanson, c’était en 1940 et, pendant la représentation, Londres a subi les premières attaques aériennes. Bien sûr, on ne peut pas résoudre une catastrophe en donnant un concert, mais c’est mieux que rien. Et chanter est l’une des rares choses que je sache faire. Dès qu’il y a une catastrophe, je tiens à me rendre sur place pour que les victimes sachent que je pense à elles. Dans les années nonante, je suis partie à Sarajevo : j’ai acheté un billet d’avion et j’ai logé chez des gens, par terre. Après le tremblement de terre en Haïti, j’ai pris l’avion pour aller chanter dans les rues. " Si ce concert de Tokyo a connu une suite, c’est en grande partie grâce au caractère très spécial de l’année 2011 : cela faisait vingt ans que Gainsbourg était décédé, et quarante ans qu’il avait sorti avec Jane l’album Histoire de Melody Nelson, qui vient de ressortir en édition Super Deluxe.
Eloges éternels
" Bien sûr, ces anniversaires sont une belle occasion de faire une tournée, mais ça fait vingt ans que je me produis sur scène avec la musique de Serge : avec un quatuor à cordes, ou des influences arabes ou dans des arrangements pop, etc. Je me suis dit que le public devait commencer à en avoir assez. J’ai donc demandé aux Japonais de m’accompagner en tournée. En partie pour des raisons de bienfaisance, mais surtout parce qu’ils sont vraiment merveilleux. Nous en sommes déjà à une bonne vingtaine de concerts. Les critiques sont dithyrambiques et nous nous amusons énormément. Quand nous avons eu une standing ovation à Berlin, j’ai vu des larmes briller dans leurs yeux. Un moment inoubliable. "
D’accord, le public a encore et toujours envie d’écouter les chansons de Gainsbourg dans une version différente, mais reste la question suivante : pourquoi, après tant d’années après la fin de leur relation, Jane Birkin continue-t-elle à jouer sa musique ? Ne peut-elle donc pas le lâcher ? Ou bien estime-t-elle qu’en tant que muse, son devoir est de promouvoir son héritage ?
" A la mort de Serge, beaucoup de gens pensaient qu’il était avant tout une personnage de la télé, toujours imbibé d’alcool. Chez les Anglais surtout, c’est cette image qui prédominait. Je me souviens encore d’interviews avec des tabloïds britanniques, qui ne cessaient de demander si j’allais faire une nouvelle chanson dirty et si Serge vivait vraiment d’alcool et de cigarettes. Ils préféraient écrire là-dessus plutôt que sur sa musique. Je ne pouvais pas le supporter. J’ai donc demandé à un ensemble de sommités françaises comme François Mitterrand, Jacques Chirac, Jean-Luc Godard, Brigitte Bardot et Yves Saint Laurent de décrire en deux phrases ce que Gainsbourg signifiait pour eux. Selon Mitterrand, avec la disparition de Serge, nous avions perdu notre Baudelaire. Quant à Chirac, il le comparait à Rimbaud et Apollinaire. J’ai traduit ces éloges en anglais et cela m’a permis de rectifier son image. Maintenant, vingt ans et plus de mille concerts plus tard, Serge n’a plus besoin de mon soutien. En France, on donne même cours sur lui dans les universités ! ", explique fièrement Jane. " Mais je trouve qu’il n’a pas pu donner suffisamment de concerts. Donc, quand je peux l’emmener à des endroits où il n’était jamais allé Amérique, Canada, Turquie, Chine, Australie , je le fais avec plaisir. Je ne sais pas si je le fais bien. Tout le monde me trouve charmante ou belle, mais personne ne m’a encore jamais dit que je chante vraiment bien. Ce serait le plus beau compliment que l’on puisse me faire. "
Jane Birkin s’est mariée à dix-neuf ans avec le compositeur John Barry. Un an plus tard, en 1966, elle perçait grâce à Blow-Up, un film d’Antonioni. Un petite rôle, mais qui avait fait des vagues car on la voyait nue. Ses tenues non-conformistes faites de mini-jupes et de seins à peine voilés, l’élevèrent au rang d’icône des sixties. C’est à cette époque qu’elle part en France fraîchement divorcée de Barry pour l’audition de Slogan. Sans parler un traître mot de français, elle décroche le rôle. C’est sur le plateau qu’a lieu sa rencontre avec Serge Gainsbourg.
Pianiste de bar
Alors âgé de quarante ans, il était déjà assez connu en France, notamment à cause de son histoire sensuelle et sans suite avec Brigitte Bardot. Jusqu’à trente ans, Gainsbourg, qui voulait devenir peintre, gagnait sa vie en jouant du piano dans les bars avant de décrocher les étoiles en tant qu’auteur-compositeur pour, notamment, France Gall et Françoise Hardy. " Serge était incroyablement timide, il manquait de confiance en lui. Il ne savait même pas danser ! J’ai immédiatement craqué pour lui. Serge était le meilleur amant que j’aie jamais eu. A mon avis, justement parce qu’il manquait tellement de confiance en lui. Il était aussi incroyablement généreux avec ses amis. Il avait toujours une valisette pleine d’argent et il payait tout, avant même que les autres n’aient le temps de sortir leur chéquier. Et il donnait de l’argent à tous ceux qui pouvaient en avoir besoin. "
Leur relation était déjà terminée depuis un moment avant le décès de Serge Gainsbourg fils d’immigrants juifs né Lucien Ginsburg il y a vingt ans. Jane ne pouvait plus supporter le style de vie de Serge fait de nuit blanches, d’alcool et de Gitanes. Lorsque Birkin a rencontré le réalisateur Jacques Doillon, elle a continué sa route avec lui, mais Gainsbourg est toujours resté l’amour de sa vie. " A la fin de sa vie, nous étions les meilleurs amis du monde. C’est cet ami qui me manque. Lui parler au téléphone. Aller rue de Verneuil pour qu’on se raconte des blagues. Il était incroyablement drôle. Nous riions tellement que nous faisions dans notre pantalon ! C’est une facette de lui que personne ne connaît, et c’est celle qui me manque le plus. Hier, sa sœur jumelle Liliane est venue à mon anniversaire. Elle a 83 ans. Serge aurait dû être assis à côté d’elle ", évoque Jane avec tristesse. " J’aurais aimé vieillir avec lui. Je nous voyais déjà : nous deux, à la terrasse d’un bar sur un boulevard parisien, à regarder les passants. Vieillir ne me pose absolument aucun problème, je n’ai jamais songé à la chirurgie esthétique, aussi parce que j’avais trop peur que mon visage ne soit plus lifté d’un côté que de l’autre. Je ne gagne plus de concours de beauté, mais je suis satisfaite de la personne que je suis aujourd’hui. Pourtant, lors des froides soirées d’hiver, assise devant la cheminée, j’aimerais parfois avoir quelqu’un à mes côtés. Si quelqu’un tombe amoureux de moi maintenant, je serai heureuse. Mais il devra me prendre telle que je suis ! "
It girls
Les trois filles de Jane étaient également présentes à son anniversaire. Même si elles sont toutes trois de pères différents, Kate Barry (44), Charlotte Gainsbourg (40) et Lou Doillon (29) sont indéniablement sœurs. Elles ont hérité de leur mère leur silhouette élancée, leurs longs cheveux bruns et leur sens de la mode et de l’élégance. " Hier soir, lorsque je les ai vues assises côte-à-côte sur le canapé, j’ai été frappée par leur ressemblance, surtout dans leurs attitudes et leurs mimiques. Même si ma fille aînée, Kate, me ressemble de plus en plus. " Birkin est très fière de ses girls, comme elle les appelle. A juste titre, car elles se sont toutes les trois faites un prénom. Kate, la fille du compositeur John Barry, est une photographe respectée qui se consacre aux plus faibles de la société. " C’est quelqu’un qui recueille les âmes perdues. Il y a quinze ans, elle a fondé son centre d’accueil pour les alcooliques et les drogués. Je connais beaucoup de gens qui affirment que Kate leur a sauvé la vie. Contrairement à Kate, Charlotte et Lou attirent l’attention des médias. Lou, la fille du réalisateur Jacques Doillon, est actrice, musicienne, modèle et it girl. " Lou va bientôt présenter son album. Elle a non seulement écrit les textes, mais aussi la musique. Elle chante avec un accent américain à la Patti Smith et ses textes sont aussi drôles que ceux de l’écrivain américain Dorothy Parker. Elle joue en outre dans Un enfant de toi, le nouveau film de son père. 2012 sera véritablement l’année de Lou. Charlotte a déjà eu beaucoup de succès. Maintenant, c’est au tour de sa sœur. "
En effet, Charlotte s’est retrouvée sous les projecteurs dès l’âge de treize ans, après avoir enregistré avec son père le duo très limite et très contesté Lemon Incest. La même année, elle interprétait son premier rôle au cinéma. " Charlotte est une actrice-née, contrairement à moi. J’étais plutôt une personnalité. Charlotte ne peut pas vivre sans musique ni jouer, même si sa famille passe toujours avant. Elle fait ça mieux que moi : j’ai trop souvent sacrifié ma famille pour passer du temps avec d’autres. J’ai donc raté beaucoup de choses qui sont arrivées à mes enfants et je le regrette énormément. Pendant des années, j’ai espéré que quelqu’un me dise que j’étais une bonne mère, mais ça ne s’est jamais produit. Finalement, quand je regarde mes filles, je sais que j’ai fait un bon travail. "
Outre la musique, les bonnes causes et le cinéma, nombreux sont ceux qui connaissent aussi Jane Birkin grâce au Birkin de la maison Hermès. L’idée de ce sac est née il y a vingt ans, lors d’une rencontre fortuite entre Jane et Jean-Louis Dumas, directeur de Hermès. Lors d’un vol entre Paris et Londres, ils se sont retrouvés assis l’un à côté de l’autre. En mettant son sac dans le compartiment réservé aux bagages à main, tout son contenu est tombé par terre. Dumas a alors immédiatement proposé de créer pour elle le sac de week-end idéal. Depuis lors, et malgré son prix astronomique compris entre 7.000 en 115.000 euros, son sac jouit d’une immense popularité. " Il y a un peu plus de six mois, j’en ai vendu un sur eBay pour réunir des fonds en faveur de la Croix Rouge japonaise. Le sac a rapporté 125.000 euros. J’ai vendu les deux précédents en faveur de la Tchétchénie et des Restaurants du Cœur à Paris. Je me demande quand je vais vendre mon actuel Hermès aux enchères. "
Jane Birkin sera au Handelsbeurs de Gand le vendredi 27 janvier. Il reste encore des places (30 euros en prévente, 33 euros le soir même).