Si quand on dit Grèce, vous pensez retsina, vous allez être surpris : le tout jeune Domaine Zacharioudakis a déjà une liste d’attente pour ses vins longue comme un jour sans pain. reportage et photos : frank van der auwera
La malédiction s’appelle retsina. Pendant des années, ce vin industriel a marqué l’image de la viticulture grecque. Pourtant, le pays et ses 150.000 hectares de parcelles viticoles, possède plus de 300 cépages que l’on ne trouve nulle part ailleurs : assyrtiko, xinomavro, mavrodaphne, moschofilero ou agiorgitiko, pour n’en citer que quelques-uns.
Et rares sont ceux qui savent que la Grèce a depuis plus de quarante ans son propre système d’appellations, calqué sur le modèle français. Et que certains vins grecs font figure de trend-setters, oeuvre de vignerons qui continuent à investir à contre-courant, embrassent de nouvelles techniques vinicoles et affirment leur position à l’exportation.
Ange salvateur
L’une des plus grandes surprises nous vient de Crète, une région qui n’est pas connue pour la qualité de ses vins. C’est dans le petit village de Ploui (Heraklion) que se trouve le tout jeune domaine Zacharioudakis, dont la production commence à connaître un certain succès en Belgique et figure même sur la carte de quelques établissements étoilés. Ce n’est qu’en 2000 que Stilianos Zacharioudakis a planté ses premières vignes. Aujourd’hui, il exploite un vignoble de 20 hectares où il produit sa troisième récolte, soit 100.000 bouteilles. Des vins qui n’ont absolument rien à voir avec leurs concurrents grecs. Et ce, uniquement grâce à la vision très personnelle de Zacharioudakis.
" Depuis toujours, je veux élaborer un vin de terroir moderne dans une zone où l’on a toujours pratiqué la viticulture ", explique Zacharioudakis. " C’est pourquoi toutes nos décisions sont axées sur la qualité. Nous utilisons un assemblage de cépages locaux et internationaux que nous plantons en terrasse au sommet et sur les flancs de la colline Orthi Petra, qui culmine à 500 mètres. Le climat y est plus frais et plus humide que sur le reste de l’île. Nous bénéficions d’un microclimat ainsi que d’un terroir dominé par l’argile, le calcaire et la roche. Nous visons de bas rendements, que nous combinons à la culture biologique. Nous sommes aujourd’hui agréés en tant qu’entreprise viticole et agricole bio, alors que nos processus de vinification et d’embouteillage sont certifiés par la Lloyds. Tous ces facteurs nous permettent de travailler avec du raisin de première qualité. "
Le domaine Zacharioudakis a également investi dans les techniques les plus modernes. Pendant la vinification, les jus sont acheminés aux différentes étapes sans pompes mécaniques, mais en utilisant la loi de la pesanteur. La maison possède également un système d’irrigation continue, qui associe en permanence le volume d’eau présent dans le sol et la demande en eau des pieds de vigne. Les parcelles sont d’ailleurs aménagées de manière à ce que le raisin ne soit jamais trop exposé à l’impitoyable soleil crétois.
Appellation flambant neuve
Ce qui réjouit particulièrement Zacharioudakis, c’est qu’il fait partie d’une toute nouvelle appellation. " En Grèce, jusqu’à récemment, les PDO (Protected Designation of Origin) et les PGI (Protected Geographical Indication) étaient soumises à des règles datant des années 1970. Les nouvelles maisons viticoles avaient le plus grand mal à faire reconnaître leurs vins, mais la législation vient de changer : désormais, l’accent est également mis sur l’emplacement des vignobles, les cépages utilisés et les techniques de vinification. Le domaine Zacharioudakis fait partie de la nouvelle zone d’appellation Chandakas-Kandia. "
Pied de vigne séculaire
La crise économique touche aussi très durement la viticulture grecque, surtout les maisons qui dépendent du marché national. Les maisons de qualité cherchent leur salut dans l’exportation. " Vu le climat actuel, les fournisseurs étrangers de matériel ou d’emballage n’acceptent de traiter avec nous que si nous payons à l’avance. Nous n’obtenons plus de crédit et les banques grecques n’accordent pratiquement plus de prêts. " Néanmoins, Zacharioudakis croit que la crise aura un effet favorable.
" Les vignerons doivent rester créatifs, car le vin est l’ambassadeur de notre culture. Je rêve d’élaborer un vin à partir d’un pied de vigne séculaire, mais encore inconnu, que j’ai découvert sur mon domaine, près d’un ancien fouloir minoen. Il s’épanouit encore, se reproduit et je le dorlote. Si cela réussit, je le laisserai mûrir dans l’une des arcades de l’ancien labyrinthe situé sur la colline, à côté de notre domaine. "
www.zacharioudakis.com