Une splendide limousine est devenue une bibliothèque. Des poubelles de rue d’Amsterdam se sont transformées en pieds de table. Les habitants de cette maison contemporaine ont upgradé le recyclage comme jamais. reportage : Iris De Feijter photo : Thomas De Bruyne
Colline ? Bunker ? Vous n’y êtes pas du tout : il s’agit d’un magnifique exemple d’architecture durable, niché dans une réserve naturelle qui se trouve à quelques encablures d’Amsterdam. Cette maison familiale présente la particularité d’être à moitié enterrée. " L’entrée fait un peu penser à un bunker : une grande porte d’acier rouillé entièrement recouverte d’herbe. Une fois à l’intérieur, on se retrouve dans un hall qui est le faîte de la maison. Et soudain, on débouche sur un grand living entièrement vitré avec une vue magnifique. " Cet effet de surprise est dans l’esprit d’Alice au pays des merveilles ", explique Sanne Oomen, architecte. Elle a emménagé dans cette maison il y a un peu plus d’un an avec son mari, le publicitaire Lucas Mol, et leurs deux enfants.
La boîte aux lettres affiche le nom de la maison, Mol’s hoop, clin d’œil au nom de famille de Lucas, qui signifie taupe. " Aux abords d’Amsterdam, les terrains à bâtir sont rares. Cette parcelle, située dans la réserve naturelle du Gooi, était à vendre depuis trois ans déjà : elle ne trouvait pas preneur parce que la construction était soumise à de nombreux critères. Nous avons relevé ce défi écologique : pour que la maison se fonde dans son environnement, une réserve naturelle vallonnée, nous l’avons partiellement enterrée. Sur la face sud, nous avons fait placer une façade en verre de plus de 15 mètres de large et de 4 mètres de haut, ce qui la rend lumineuse malgré le fait qu’elle soit en partie sous terre. La lumière et l’espace sont ses principaux atouts. "
Dutch mountain
Pour construire une maison dans une réserve naturelle, il faut des autorisations. " Nous nous sommes rendus à la commune avec les plans. Nous avons su les séduire, notamment parce qu’il s’agit d’une construction durable. Cet accord nous a permis d’obtenir les permis provinciaux. Finalement, la réalisation du projet a pris quatre ans, dont deux rien que pour les permis. Pourtant, nous ne nous sommes jamais découragés, nous n’avons jamais cessé d’y croire même si c’était stressant. Cette maison est la toute première réalisation de mon bureau d’architecture, créé en 2008 avec deux associés. "
En termes d’écologie, cette maison met effectivement la barre très haut. Il n’y a que des ampoules LED, les appareils électriques fonctionnent sur panneaux solaires et la maison est chauffée avec des pellets neutres en CO2, des galets de petites chutes de bois compressées offrant un rendement calorique élevé.
" Aujourd’hui, l’écologie a dépassé le stade de la hype. Personne ne peut plus ignorer que nous devons construire différemment, surtout les jeunes architectes. Le durable, ce n’est plus un petit vernis pour rendre un projet plus intéressant : elle est à la base même de celui-ci. " Par exemple, la construction en béton de cette maison enfouie dans une colline accumule bien la chaleur en hiver, alors qu’en été, elle offre de la fraîcheur. En outre, la maison est orientée pour profiter le mieux possible du soleil.
L’aménagement et la décoration sont également respectueux de l’environnement. Recyclage, récupération et réutilisation sont ici particulièrement bien mis en valeur.
Nouveau et récupéré
" C’est motivé à la fois par la perspective de la durabilité, mais aussi parce que Lucas et moi n’aimons pas les objets neufs. Nous collectionnons tout, des pièces africaines aux curiosités, en passant par l’art contemporain. On le voit bien dans notre maison. Par exemple, nous avons acheté toutes les portes chez des marchands de matériaux de construction de récupération et, donc, elles sont toutes différentes. De ce fait, la maison ne donne pas l’impression d’être d’une construction neuve. Elle a eu une âme dès le départ ", commente l’architecte.
Elle a dessiné seule les grands éléments fixes, comme la cuisine, mais c’est le couple qui a choisi l’aménagement. " Les supports de table sont faits à partir d’anciens radiateurs, de bornes de rues d’Amsterdam et de poubelles. Nous avons trouvé un barbecue fabriqué avec une vieille bouteille de gaz et des chaises réalisées avec des barils de pétrole. Nous avons trouvé tout ça sur le site d’annonces Marktplaats. "
Il y a encore un escalier réalisé en skateboards et une vitrine suspendue à l’envers. Mais l’apothéose du recyclage, c’est la Daimler V12 grise de 5 mètres de long. " Notre ancienne voiture ! " s’exclame Oomen en riant. " Comme ce n’était pas un modèle écologiquement responsable, nous lui avons offert une seconde vie. Nous l’avons fait installer pendant la phase de gros œuvre. Elle est accrochée au mur avec des chaînes et sert d’étagère. Les clés se trouvent toujours dans la boîte à gants. "