Un Belge versus James Bond

Il incarne l'assistant du méchant dans le prochain bond, 'Spectre'. Il a également joué 'Dheepan' qui a remporté cette année la Palme d'Or à Cannes et sera au générique du prochain film des frères Dardenne. Rencontre avec Marc Zinga, comédien, réalisateur et musicien bruxellois, mais surtout un talent de demain au 007ème ciel.

Il s'est excusé dix fois pour son retard. Un fameux jetlag. Nous sommes en milieu d'après-midi et Marc Zinga a atterri ce matin, de retour des États-Unis. Dans le cadre prestigieux de la Villa Empain, le jeune acteur bruxellois (31) se confie à Sabato à quelques jours de la sortie en salles du 24ème volet de la cultissime saga des James Bond. "Quant à mon rôle, et bien, c'est la toute première fois ici que je peux en parler ouvertement".

L'architecture Art Déco n'est pas sans rappeler l'atmosphère des longs-métrages de l'agent secret britannique le plus célèbre du monde. Dans 'Spectre', le Bruxellois s'immisce dans la peau d'un ennemi de James Bond, incarné pour la quatrième fois par Daniel Craig. Le casting est complété par Christoph Waltz (Django Unchained, Inglourious Basterds, Big Eyes), Monica Bellucci et Léa Seydoux.

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→ Lire notre critique: Faut-il aller voir le nouveau James Bond?

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Daniel Craig incarne pour la dernière fois le célèbre agent britannique. "Pierce Brosnan est plutôt dans la veine de Sean Connery, avec une pertinence dans le côté dandy du personnage. Daniel Craig amène une autre énergie et des propositions hyper intéressantes."
Daniel Craig incarne pour la dernière fois le célèbre agent britannique. "Pierce Brosnan est plutôt dans la veine de Sean Connery, avec une pertinence dans le côté dandy du personnage. Daniel Craig amène une autre énergie et des propositions hyper intéressantes."
©© 2015 Sony Pictures Releasing GmbH

Porte-parole du méchant
Si ces derniers sont plus familiers avec ce genre de grosse production, pour Marc Zinga, qui n'a que six ans d'expérience dans le cinéma belge et français, c'est une première. "Mon personnage s'appelle Moreaux. Je suis en quelque sorte le porte-parole de Franz Oberhauser (Christoph Waltz), un intermédiaire car il est tellement méchant qu'il n'adresse même pas la parole aux autres méchants."

Parlez-nous de votre expérience dans 'Spectre'. Où et quand avez-vous tourné? Quand intervenez-vous?
"J'ai participé au tournage en février 2015, pendant une semaine, à Londres et à Rome. C'est moi qui accueille James Bond lorsqu'il découvre le groupe des méchants en pleine réunion. C'est une petite participation, mais dans une scène cruciale du film."

Les méchants dans les James Bond meurent à la fin. Vous aussi?
"Je ne meurs pas. Pas que je sache du moins. Je n'ai pas lu le scénario en entier, on ne m'a donné que "ma" partie. C'est un peu frustrant car je connais l'essentiel du script, pas les détails. Les studios protègent leurs infos de toute part car, ces dernières années, il y a eu trop de fuites."

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©Anthony Dehez

Comment êtes-vous arrivé à intégrer cette grosse production?
"J'ai passé une audition à Paris. C'était un moment plutôt agréable, car j'ai réussi à faire en sorte que cela reste amusant."

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Connaissez-vous les raisons qui ont poussé les responsables du casting à vous choisir?
"Je l'ignore. Je ne m'attendais pas du tout à être choisi. Pour avoir moi-même réalisé, je suis sensible à la mise en scène autant qu'au jeu des acteurs. Je me dis qu'un metteur en scène essaye de trouver quelqu'un qui peut ouvrir le dialogue, qui le surprend. Si je me projette en tant que scénariste ou réalisateur, je n'aurais pas pensé à quelqu'un comme moi. C'est d'ailleurs peut-être une des raisons de leur choix, la surprise..."

Que pensez-vous de ce tournage par rapport à vos autres expériences?
"Les moyens, énormes! Il s'agit quand même d'une des plus grandes sagas mondiales. Et pourtant, le réalisateur, Sam Mendes, a travaillé dans une ambiance artisanale."

On imagine que le cachet doit être très différent de que vous aviez connu jusqu'ici. Pouvez-vous comparer?
"Par rapport au marché français, il faudrait que j'aie joué dans la dernière production de Luc Besson pour avoir un point de comparaison pertinent. Il n'y a rien d'équivalent dans l'industrie cinématographique française, encore moins en Belgique. 'Spectre' est une production à 150 millions de dollars. C'est compliqué de comparer."

Votre participation a-t-elle déjà porté ses fruits sur le plan professionnel?
"Il est certain que sur un CV, c'est prestigieux. On ne m'a pas présenté les choses sous cet angle, mais il n'est pas impossible que cette expérience ait été déterminante dans les propositions qui me sont parvenues depuis. Pourvu que ça dure!"

Pour ses rôles dans 'Qu'Allah bénisse la France' et 'Les Rayures du Zèbre', Marc Zinga a déjà remporté quelques prix, mais cette année, on a pu le voir dans 'Dheepan', qui a remporté la Palme d'Or au Festival de Cannes.

Avez-vous eu de bons contacts avec les deux têtes d'affiche et le réalisateur du film?
"Un excellent contact, oui. Daniel Craig, Christoph Waltz, mais aussi Sam Mendes font preuve d'un grand professionnalisme et d'une grande simplicité. Une attitude qui facilite les choses et qui m'inspire. On a l'impression que Sam Mendes a le plus grand jouet du monde en main, mais que, pour lui, cela reste avant tout un jouet. Il reste dans le plaisir. On sent sa passion. Il prend le temps d'accorder de l'attention aux détails et il cherche la surprise. On trouve chez lui une corrélation entre le plaisir enfantin et le côté artisanal de la mise en scène. Par exemple, il ne fait pas de prédécoupage. Il reste en roue libre."

Fan de l'univers de James Bond avant cette expérience?
"Oui, et c'est pour ça que c'est très impressionnant. Ces films sont dans l'inconscient collectif et donc, dans le mien aussi. Enfant, j'en ai vu plein."

Quel est votre James Bond favori, film et acteur?
"Mon préféré, c'est le dernier, 'Skyfall', qui est aussi le premier de Sam Mendes. Enfant, j'étais impressionné par 'Moonraker'. J'ai aussi aimé 'Goldfinger'. Pour les acteurs, je pense que Sean Connery, Pierce Brosnan et Daniel Craig apportent chacun quelque chose de différent. Pierce Brosnan est plutôt dans la veine de Sean Connery, avec une pertinence dans le côté dandy du personnage. Daniel Craig amène une autre énergie et des propositions hyper intéressantes."

Des rumeurs ont couru sur le fait qu'Idris Elba pourrait prendre la suite de Daniel Craig. Un acteur noir pour interpréter l'espion britannique le plus célèbre du monde? Qu'en pensez-vous?
"Ce qui est important, c'est que James Bond reste vraiment british, avec tout ce que cela implique d'élégance. La couleur de la peau n'entre pas en ligne de compte."

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L’acteur bruxellois est arrivé en 1989 en Belgique, avec ses parents. "Enfant, j’avais déjà très envie de devenir comédien."
L’acteur bruxellois est arrivé en 1989 en Belgique, avec ses parents. "Enfant, j’avais déjà très envie de devenir comédien."
©Anthony Dehez

Sur les chapeaux de roue
Ses débuts, en 2009, sont marqués par ses prestations dans 'Diamant 13' avec Gérard Depardieu, 'Mister Bob' avec Clovis Cornillac et 'Je suis supporter du Standard' de Riton Liebman. Au théâtre, en 2013, il incarne Patrice Lumumba dans 'Une Saison au Congo' d'Aimé Césaire. En 2010 est sorti le court-métrage qu'il a réalisé, 'Grand Garçon'.
Ces dernières années, son visage est apparu sur nos grands écrans dans des films salués par la critique, dont la Palme d'Or 2015, 'Dheepan' de Jacques Audiard. C'est aussi lui qui tenait le rôle principal dans le dernier film d'Abd al Malik, 'Qu'Allah bénisse la France' (2014) et dans 'Les Rayures du zèbre' de Benoît Mariage (2014), aux côtés de Benoît Poelvoorde. Pour ce dernier, Marc Zinga a obtenu le Magritte 2015 du Meilleur espoir masculin.

Quels sont vos projets?
"Plusieurs choses se dessinent, aux États-Unis et en France. En Belgique aussi: les frères Dardenne m'ont proposé une participation dans leur prochain film, 'La fille inconnue'. J'ai répondu présent sans même lire le script, je suis fan de leur travail."
"Je rentre aussi des États-Unis, de Saint-Louis plus exactement, où j'étais pour la préparation du prochain film d'Abd al Malik. C'est une histoire d'amour -je ne peux pas en dire plus pour le moment. On commence à tourner l'année prochaine et le film devrait sortir en 2017. Je viens aussi de terminer une comédie française sur la problématique de l'intégration, 'Le Docteur de Kinshasa' de Julien Rambaldi. C'est l'histoire d'une famille zaïroise dans les années 70 qui s'installe dans un village français où le père ouvre un cabinet de médecin."

Justement, ce voyage du Congo vers l'Europe, vous-même l'avez vécu...
"Oui. Je suis arrivé en Belgique en 1989, à l'âge de 5 ans, et j'ai grandit à Bruxelles. Pour mes parents, il s'agissait juste de nous offrir une vie meilleure."

Estimez-vous que les rôles qui vous sont proposés tournent souvent autour de vos origines?
"Des rôles déterminés par mes origines africaines, c'est très fréquent, mais la seule chose qui compte, c'est la qualité de l'histoire. Pour moi, c'est un paramètre comme un autre d'être noir ou blanc, grand ou petit."

Il y avait une dimension d'engagement politique à mon niveau dans les films 'Une saison au Congo' et 'Mister Bob'.
Marc Zinga

Vous avez interprété deux personnalités congolaises majeures, Mobutu dans 'Mister Bob' et Lumumba dans 'Une Saison au Congo'. C'était important pour vous?
"Jouer ces deux personnages, c'était l'occasion de porter l'histoire du Congo. Il y avait une dimension d'engagement politique à mon niveau. 'Une saison au Congo' est une oeuvre qui se déploie dans sa dimension politique et poétique. C'était une expérience bouleversante. Une des plus grandes rencontres par rapport à un rôle. Cela combine tout ce que je peux attendre du fait de raconter des histoires: être en dialogue immédiat avec le public sur une vraie question humaine et palpable, car historique. C'était l'occasion de dépeindre un vrai héros, une personnalité utile à l'humanité et, ce, à travers la langue d'Aimé Césaire, un des plus grands auteurs d'expression française. Ce rapport à l'engagement politique et aux racines, c'est quelque chose qui ne m'est pas indispensable, mais, quand c'est là, je ne peux que l'accueillir. Humainement, ce genre de rôle m'élève."

Quand et comment vous est venu cette envie d'être acteur?
"Enfant, j'avais déjà cette envie. Très tôt, j'ai choisi le théâtre. Dès l'école primaire, j'ai joué dans des pièces et des comédies musicales à l'école et en colonie de vacances. Le premier rôle qui m'a réellement marqué, c'est celui que j'interprétais, adolescent, dans 'Escurial' de Michel de Ghelderode. Très jeune, j'ai aussi passé beaucoup de temps avec le chanteur Willem Vermandere. Il m'a ouvert aux questions artistiques. Cela fait partie des relations qui m'ont donné envie de ça et la volonté d'y arriver. Plus tard, j'ai suivi une formation de comédien au Conservatoire de Bruxelles. Avant cela, j'avais été à l'IAD, en réalisation, mais je n'ai pas terminé ce cursus. J'avais surtout envie de comprendre le fonctionnement de ce métier avant de me lancer."

Vous étiez également chanteur pour 'The Peas Project'.
"J'ai toujours été mélomane. Un jour, par hasard, on s'est retrouvé à faire un groupe de musique funk, très éclectique. C'est un des éléments qui m'a beaucoup formé à l'exercice d'une activité artistique."

Et cela ne vous manque pas?
"Si, bien sûr. On était un groupe de onze musiciens qui a joué pendant dix ans. J'y ai pris beaucoup de plaisir, ça m'a fait grandir, mais j'ai dû faire un choix douloureux. Le travail de comédien est exigeant et j'ai envie d'avoir une vie privée. Comme j'ai un rapport passionnel avec les histoires, la langue du théâtre et la force visuelle du cinéma, j'essaie de me prémunir, de garder une certaine distance pour préserver un équilibre."

Marc Zinga a fait partie d’un groupe de funk pendant dix ans, The Peas Project. Il y a mis fin pour se consacrer pleinement à sa carrière de comédien tant au théâtre qu’au cinéma avec le succès que l’on connait.
Marc Zinga a fait partie d’un groupe de funk pendant dix ans, The Peas Project. Il y a mis fin pour se consacrer pleinement à sa carrière de comédien tant au théâtre qu’au cinéma avec le succès que l’on connait.
©Anthony Dehez

Pouvez-vous nommer des personnalités avec qui vous souhaiteriez travailler?
"Il y beaucoup de gens qui m'inspirent. Je citerais Daniel Day-Lewis dont la dynamique d'acteur m'inspire. Il y a aussi le metteur en scène Steve McQueen qui apporte quelque chose de novateur, c'est une force vive du cinéma mondial."

Où vous imaginez-vous dans 10 ans?
"La mise en scène m'intéresse beaucoup, mais je ne suis pas pressé. Je ne peux rien prédire. J'espère juste pouvoir continuer à exercer ce métier. J'ai envie de pouvoir développer des histoires en tant qu'acteur, sans nécessairement les réaliser, en me basant sur un roman et collaborer avec un scénariste sur le modèle qui se pratique au USA. Plusieurs thématiques m'interpellent, par exemple, celle évoquée dans 'Le Loup de Wall Street', l'excès et la perte des valeurs quand on vit dans l'abondance."

Vous arrive-t-il de vous pincer quand vous pensez à ce qui vous arrive?
"Oui! Sur une période assez courte, j'ai eu la chance de travailler avec Audiard, Mendes et les Dardenne... Je suis dans un processus excitant et j'évolue dans des registres totalement différents, c'est même le grand écart. Je suis heureux que cela m'arrive à cette échelle-là! J'ai la chance d'être bien entouré et j'essaie de me prémunir pour ne pas perdre pied. Le fait de jouer depuis mon enfance m'aide aussi à garder la tête froide."

'Spectre' , à partir de ce mercredi 4 novembre en salles.
Nos sincères remerciements à la Fondation Boghossian-Villa Empain. www.villaempain.com

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