Parasite, Squid Game, K-pop: la Corée est à la mode, même au dîner de Noël.
Ceux qui sont familiers avec ces pays disent souvent que la Corée est à l’Italie ce que le Japon est à l’Allemagne - en matière de tempérament, de liberté de créer et de chaleur humaine s’entend. Longtemps occupée par ses voisins, la dernière fois jusqu’en août 1945, le pays dit du matin calme a connu une reconnaissance internationale plus tardive que son voisin nippon.
C’est aujourd’hui également le cas dans le domaine culinaire. Avec l’éveil à la culture culinaire coréenne qui ne se manifeste qu’au début des années 2000, l’identité de la Corée - plus que la cuisine ou les recettes - passe par la table.
Une table qui se partage d’ailleurs parce que sa conception même le veut. Lorsque l’on commande son repas, il sera composé d’au moins trois piliers: du poisson grillé, de la viande marinée et grillée et un ragoût riche en saveurs, le "doenjang jigae" à base de pâte de soja (le doenjang), et enrichi de légumes, de tofu et, parfois, de protéines animales. Il se peut qu’on ajoute du riz cuit dans un récipient en pierre.
"Mais votre repas sera bien plus étoffé que cela, car on vous apportera quantité de petits plats, les bansan, dont le nombre peut aisément atteindre la douzaine. Les légumes dominent largement, qu’ils soient blanchis comme les épinards, lacto-fermentés comme le kimchi ou fermentés par le biais de la sauce soja comme les "jangajji", entre autres", précise la cheffe Jeong Kwan (64 ans) qui porté une vision de la table coréenne singulière (entendez version vegan) à l’écran au cours de la saison 3 de la série Chef’s Table sur Netflix.
Cinq ingrédients proscrits
Moinesse bouddhiste zen, Jeong Kwan entre en 1974 comme novice au temple Baekyangsa, encore appelé l’Ermitage du Mouton blanc. Elle avait alors 17 ans et venait de perdre sa mère. "Mes parents étaient des petits fermiers; ils travaillaient dur. Je suis la cinquième d’une famille de sept enfants." Jeong Kwan se découvre très tôt une passion pour la cuisine. À l’âge de sept ans, elle réalise ses premières nouilles. "Je voulais faire la surprise à ma maman lorsqu’elle rentrerait des champs."
Si, aujourd’hui, on peut rencontrer Jeong Kwan au temple Baekyangsa, dans la province de Jeollanam-do, au sud-ouest du pays, elle passe cependant le plus clair de son temps dans son univers privé que l’on rejoint après quelques kilomètres de routes de campagne.
Entouré de collines, son petit temple fait face à la maison où elle cuisine et reçoit quelques hôtes. Partager son repas, entièrement vegan, c’est entrer dans un monde de saveurs contrastées. Il y a, d’une part, la puissance du kimchi épicé et des légumes fermentés ou cuits dans de la sauce soja ou avec de la pâte de soja. Et, d’autre part, la légèreté des légumes blanchis, des racines de lotus marinées, des préparations de riz. Pour ne donner qu’un exemple, le plat de champignons shiitake mijotés dans une sauce soja lentement réduite dépasse en arômes tous les ragoûts à base de viande.
"Si tu manges et bois des choses pures et saines, alors ton corps sera également pur et sain."Jeong Kwan
Ainsi qu’elle le précise dès la première minute du documentaire Netflix, la cuisine du temple garde votre esprit serein et statique. Elle ajoute d’emblée: "Dans la cuisine bouddhiste vegan, cinq ingrédients sont proscrits: l’oignon, la ciboulette, l’échalote, le poireau et l’ail. Ce sont des sources d’énergie spirituelle, mais un trop-plein de cette énergie empêche l’esprit de parvenir à la sérénité: elle agit comme une distraction à la méditation. Notre corps appartient à notre esprit et notre esprit appartient à notre corps. Si vous mangez et buvez des choses propres et saines, votre corps sera lui aussi propre et en bonne santé."
Vision écologique
Le bouddhisme tel qu’il est pratiqué en Corée entend insérer l’homme dans la nature, dans une vision très écologique du monde. "La constitution d’un menu répond aux besoins de l’organisme, besoins qui varient au fil des saisons. En automne, il est recommandé de manger froid et plus sucré, parce que l’organisme doit récupérer des chaleurs de l’été. En été, les notes sont salées et acides, parce que le corps transpire davantage, tandis qu’en hiver, elles sont épicées et salées et sucrées. L’amertume est indiquée au printemps pour renforcer les bronches."
Ces prémices étant posées, la cuisine que propose Jeong Kwan est composée d’ingrédients pour le moins familiers: tomates, aubergines, courgettes, potirons, piments, champignons, tofu, sauce et pâte de soja, ainsi que de nombreux légumes et plantes sauvages qui poussent dans son potager et son environnement. Ceux-ci peuvent être consommés frais ou sont séchés ou fermentés pour être utilisés hors-saison.
C’est ici qu’intervient la plus que traditionnelle préparation d’automne, le kimchi, une lacto-fermentation essentiellement à base de chou chinois et de navet coréen, à défaut de daikon. Autant que les ingrédients, toute fermentation est le fruit du temps, de la patience qu’il faut pour obtenir l’équilibre des saveurs. Car, comme pour un bon vin, les arômes secondaires se développent et s’affinent au fil du temps.
Jeong Kwan n’a pas de restaurant: elle accueille à l’occasion des hôtes dans le temple de Baekyangsa. Info et réservations https://eng.templestay.com/ (choisir Baekyangsa sous le signet Réservations).
Le menu coréen de Noël
Voici quatre recettes de Jeong Kwan pour réussir le dîner de Noël le plus surprenant et le plus sain.
- Japchae ou vermicelles sautés aux légumes
Ingrédients pour 4 personnes
- 320g de nouilles d’amidon de patate douce ou de vermicelles de soja (nouilles translucides), 4 champignons shiitake, 2 champignons Eryngii ou 4 pleurotes, 120g de courgettes, 80g de carottes en dés ou en julienne, ½ poivron rouge et ½ poivron vert taillés en julienne, 2 cuillères à soupe d’huile végétale.
- En assaisonnement: 4 cuillères à soupe de sauce soja, 1 cuillère à café de cassonade, 150ml d’eau, 1 pincée de poivre noir.
- Pour la finition: 3 cuillères à soupe de graines de sésame, 1 à 2 cuillères à soupe d’huile de sésame.
Préparation
- Cuire les nouilles dans 5 litres d’eau bouillante, 3 à 5 min selon les instructions du fabricant. Rincer immédiatement à grande eau froide. Égoutter. Réserver.
- Mélanger les ingrédients de l’assaisonnement.
- Faire sauter dans de l’huile, séparément, les champignons, les carottes, les poivrons et les courgettes.
- Chauffer l’assaisonnement et l’ajouter aux nouilles dans une casserole. Faire mijoter jusqu’à ce que les nouilles absorbent toute la sauce.
- Mélanger avec les nouilles, les légumes, l’huile et les graines de sésame.
2. Croustillants de pommes de terre
Ingrédients pour 5 à 6 personnes
- 4 pommes de terre moyennes, 1 cuillère à café de sel, huile pour friture.
Préparation
- Peler les pommes de terre et les émincer à la mandoline en fines lamelles (max 1mm). À l’aide d’une écumoire, les blanchir dans de l’eau bouillante, par petites quantités. Égoutter sur un linge, puis les déshydrater (une seule couche).
- Les frire dans une huile à 140°C. Pour ce faire, les introduire dans la friture peu à peu, à l’aide d’une écumoire. Égoutter et saler légèrement. Ces croustillants se mangent chauds ou froids.
3. Salade de radis Daikon
Ingrédients pour 4 personnes
- 300g de radis daikon, 30g d’eau, 1 cuillère à café de graines de sésame toastées, 1 cuillère à café d’huile de sésame.
- En assaisonnement: 1 cuillère à soupe d’huile de soja,
1 pincée de sel.
Préparation
- Peler le daikon, le détailler en fine julienne. Saler et presser de manière à en extraire l’eau.
- Faire chauffer l’huile de soja dans une poêle et faire sauter la julienne. Ajouter l’eau, couvrir et terminer la cuisson à feu doux, jusqu’à une texture légèrement al dente.
- Transvaser dans un bol de service, saler et ajouter l’huile et les graines de sésame.
- Consommer froid ou tiède.
- On peut également préparer ce plat en blanchissant la julienne en la plongeant dans une casserole d’eau bouillante. On applique le même assaisonnement après égouttage.
4. Ragoût de pâte de soja - Doenjang jigae
Pour 4 personnes
- 150g de courgettes, 40g de pleurotes (ou autre champignon), 80g de pomme de terre pelées, 100g de tofu, 4 branches de persil plat.
- Pour le bouillon: 600 ml de bouillon d’algues ou de légumes, 2 cuillères à soupe de doenjang (à défaut, de miso), 1 à 2 cuillères à café de piment en poudre (d’Espelette, par exemple).
Préparation
- Couper les courgettes en cubes de 2cm. Émincer grossièrement les champignons. Peler les pommes de terre, les découper en cubes de 1 à 1,5cm, les tremper dans l’eau froide à plusieurs reprises pour réduire leur teneur en amidon.
- Découper le tofu en cubes de 1,5cm.
- Mettre tous les ingrédients du bouillon dans une casserole et porter à ébullition. Ajouter ensuite les légumes à l’exception du tofu et faire cuire jusqu’à ce qu’ils soient cuits. Réduire à feu moyen, ajouter le tofu, le persil et faire bouillir encore pendant 5min.