Il fulmine, gronde et menace. Non, nous ne parlons pas de Frank Cornelissen, mais de l'Etna, le volcan de sicile sur les flancs duquel ce Belge fait des vins appréciés dans le monde entier. Bienvenue chez Vulcain.
Pourquoi diable voudrait-on planter des vignes sur l'Etna, volcan sicilien toujours en activité ? "Je cherchais un environnement qui offre une complexité naturelle", explique Frank Cornelissen. "La végétation est unique et le microclimat est, lui aussi, très particulier: les trois quarts de la montagne sont exposés à la mer ou à une grande plaine. Au nord, il y a les Monts Nedrodi qui génèrent une sorte d'effet "tunnel de vent". Mes vignes sont à 30 kilomètres de la mer, dans un climat continental sec. Et la chaleur est modulée par l'altitude. Bref, c'est l'endroit idéal pour faire du vin. En hiver, il y a toujours de la neige, ce qui est important pour les vieilles vignes. Les pieds les plus jeunes ont 50 ans."
Frank Cornelissen n'a jamais été un vigneron lambda. Et il ne le sera jamais. Il a commencé en achetant d'anciens chais qu'il revendait à des collectionneurs étrangers, comme les perles que sont Château Pétrus et Romanée-Conti. À la fin des années nonante, il souhaite faire son propre vin et, comme il n'a aucune idée de ce qu'implique la vinification, il commence à petite échelle.
"Mon premier millésime, le 2001, comptait mille bouteilles. Le suivant, deux mille et, ensuite, quatre mille. C'est que j'ai fait des progrès. Au début, c'était un travail de pionnier. J'ai tout appris moi-même, en faisant des essais et des erreurs, mais surtout en éliminant. Pour moi, supprimer est plus important qu'ajouter. C'est ma façon de travailler. Je laisse tomber ce qui est inutile."
Bouteilles anciennes
Les vieux vins français lui ont montré la voie à suivre. "Ils m'ont ramené aux classiques. Je ne voulais rien faire d'autre que des vins qui expriment leur terroir. Sans ajouter de soufre, ni corriger l'acidité. Pas de bois non plus, parce qu'il dépose une sorte de voile sur les arômes et enlève une partie de la précision des vins. C'est ce que j'ai appris en dégustant tous ces vieux vins. Quand je bois des Bordeaux ou des Bourgognes modernes, je ne ressens plus la même émotion qu'avec les bouteilles anciennes. Et ce n'est pas seulement de la nostalgie."
"Je fais des vins artisanaux qui expriment leur terroir. Je ne fais pas de vins naturels, je travaille de manière biologiquement certifiée. Mais tant que je ne sais pas ce qu'est un vin naturel... non. J'ai bien mon idée sur la question, vous savez: pour moi, un vin naturel, c'est un vin qui est, au minimum, issu de raisins cultivés de manière biologique et biologiquement certifiée et auxquels rien n'est ajouté au cours du processus de production. Rien du tout. Encore une fois, je reste fidèle à mon concept d'élimination."
Oliveraies et vignobles
La devise du viticulteur est de "travailler avec et dans la nature", ce qui se reflète également dans le choix de ses cépages. Il utilise des plants sans porte-greffe, c'est-à-dire sans intervention, "pour la pureté". Du reste, il ne cultive pas seulement des vignobles sur les flancs du volcan, mais aussi des oliviers et des arbres fruitiers. "La monoculture appauvrit l'environnement." Le Belge possède aujourd'hui 18 hectares de vieilles vignes: "Je songe sérieusement à en planter d'autres d'ici quelques années. Je pense aller jusqu'à 25 hectares."
Il ne fera pas pour autant de concessions pour le commerce. Donc, pas de vins bien arrondis et joliment pleins, mais plutôt remarquablement concentrés, élaborés avec des cépages autochtones. "Cela n'a pas tellement d'importance. Je considère les cépages comme un véhicule. Prenez notre nerello: il reflète à merveille son terroir, mais, cette expression, on peut sans doute aussi la déguster à travers d'autres cépages. On peut transplanter un cépage, pas un terroir. C'est d'ailleurs la même chose pour d'autres grands terroirs, comme le Bourgogne ou le Barolo. C'est une question de choix et de priorités. Si l'on plantait partout autant de nebbiolo que de merlot, le Barolo ne séduirait certainement pas le monde entier comme c'est le cas. En ce sens, avec le recul, j'ai fait le bon choix en choisissant la région de l'Etna."
Les vins de Frank Cornelissen sont appréciés dans le monde entier. "C'est très bien, mais cela me donne surtout un sentiment d'humilité et non l'inverse, comme on pourrait le croire. Ça me met même mal à l'aise, car les attentes de plus en plus élevées sont source de pression."
Les vins de Frank Cornelissen sont importés en Belgique par Divino. Zandstraat 40 à Termonde. Tél. 052.38.02.80. www.divino.be