Un hommage | L'architecte Mathieu Luyens dévoile sa collection de design

L'architecte Mathieu Luyens nous ouvre les portes de sa maison, dont l'intérieur est un hommage à la passion pour le design de sa mère Brigitte De Lange.

La maison des architectes Mathieu Luyens (40 ans) et Julie van De Keere illustre comment les objets peuvent acquérir une dimension immatérielle. Ici, rien n'est laissé au hasard: presque tout le mobilier vient de la mère de Luyens, décédée en 2022.

Bout de canapé "Backenzahn" E15 et canapé "Soriana", Afra & Tobia Scarpa pour Cassina.
©Alexander D'Hiet
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"Quand j'étais étudiant, elle s'est consacrée à l'aménagement de mon studio. J'ai acheté le canapé 'Soriana' de Tobia Scarpa pour Cassina sur ses conseils. Je le considère comme le début de ma collection. À l'époque, il n'était pas aussi prisé: il m'a coûté 1.000 - 1.500 euros. Pour un canapé d'occasion, cela me semblait beaucoup, mais ma mère m'a appris qu'une pièce spéciale a son prix."

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Aujourd'hui, ce canapé, devenu très tendance, vaut dix fois plus. "Je n'en ai jamais eu d'autres", confie Luyens. "Quand nous avons emménagé ici, nous l'avons fait retapisser. J'envisage depuis un moment d'acheter un canapé plus grand, mais cela impliquerait de me séparer de tellement d'autres pièces, comme ses chaises Eames, que c'est hors de question. Ma mère m'a offert la chaise 'AWC Windsor Chair' et les fauteuils 'Barcelona Chairs' de Ludwig Mies van der Rohe pour Knoll Studio lors de mon installation dans un vrai appartement."

©Alexander D'Hiet
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Pas de cacophonie

La mère de Luyens, Brigitte De Lange, lui a légué des créations de l'architecte et designer française Charlotte Perriand, comme les chaises chromées 'Les Arcs' avec assise en cuir. "J'ai acheté des rééditions de Perriand comme la table basse, les tabourets, ainsi que la table de réunion et les chaises de bureau", précise Luyens. "De temps en temps, nous intégrons une nouvelle pièce qui s'harmonise avec les pièces héritées, comme la table de cuisine de Knoll et les chaises 'Tulip Armchairs' d'Eero Saarinen en noir. Ou le tabouret de bar 'Bertoia', la lampe de cuisine et la table en aluminium de Fractall. Notre intérieur est un mélange, mais sans cacophonie. C'est un assemblage éclectique, où tout trouve sa place."

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"Forte" est le premier qualificatif qui vient à l'esprit de Luyens pour décrire sa mère. "Lorsqu'elle entrait quelque part, on la remarquait tout de suite. Elle était joviale et appréciée, et elle adorait bavarder. Elle savait donner aux gens l'impression qu'ils venaient de rencontrer leur nouvelle meilleure amie, et elle ressentait la même chose. Mais elle pouvait aussi être ferme et directe."

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"Dans les années 90, elle se rendait chaque mois dans son magasin préféré à Merelbeke, que ce soit pour acheter un coquetier ou un fauteuil de B&B Italia, ou une pièce de Vitra ou d'Alessi. À Ostende, elle se rendait chez White Interiors: c'est là que son goût pour le vintage s'est développé: elle y a acheté cette 'Lounge Chair' et cet 'Ottoman' de Charles et Ray Eames."

De Lange adorait acquérir de nouvelles pièces, mais vu l'espace limité, beaucoup ont été stockées. "C'est dommage", explique son fils, "car l'humidité et la moisissure peuvent les abîmer. Lorsque mon frère et moi avons quitté la maison, nous avons pu choisir des pièces pour nos appartements. Ce transfert s'est fait de manière progressive. Comme mon frère Laurens s'intéresse moins au design, c'est ma mère qui a aménagé son intérieur, ce qui fait qu'il possède des pièces très tendance. Après son décès, il nous a suffi d'une demi-heure pour nous répartir ses biens, sans estimations."

"Ma mère avait tout en triple, y compris les assiettes, les couverts et les verres. C'est magnifique, et je lui en suis reconnaissant, mais j'ai réalisé que les héritages peuvent aussi être contraignants: il y a peu de choses que j'ai choisies moi-même. Nous avons également hérité de sa "casa payesa", une des plus anciennes fermes authentiques d'Ibiza. Mais Julie et moi ne tenons pas vraiment à une résidence secondaire, car nous aimons parcourir le monde. C'est ce qu'on appelle un problème de luxe. À Ibiza, ma mère a également acheté les ruines d'une ancienne finca. Elle était fascinée par son histoire et rêvait de ce qu'elle pourrait en faire. Nous sommes en train d'y construire quelque chose pour nous. J'ai hâte de l'aménager, mais encore une fois, je n'aurai pas besoin d'acheter grand-chose. Sa maison d'Ibiza est déjà remplie de design et elle avait même installé deux conteneurs dans le jardin pour stocker le reste."

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Lampe "Snoopy" édition limitée en noir mat, Flos.
©Alexander D'Hiet

Véritables trésors

"Nous possédons facilement une centaine de meubles. Quand elle voulait vraiment quelque chose, le budget n'avait plus d'importance. Cela ne veut pas dire pour autant qu'elle n'achetait que des pièces onéreuses. Elle dénichait aussi de véritables trésors dans les brocantes et sur les marchés aux puces. Elle vendait rarement – on peut dire qu'elle avait tendance à tout conserver. Vers la fin de sa vie, elle avait même développé une petite addiction au shopping, également en matière de mode. Mais les meubles vintage, c'est comme une bonne voiture de collection: en général, on récupère le prix d'achat. Et les rééditions sont aussi devenues extrêmement populaires. Depuis notre déménagement, il y a moins de cinq ans, certaines des pièces achetées neuves ont déjà vu leur valeur doubler."

"Chaque pièce évoque une émotion ou raconte une histoire. Comme le seau à glace Alessi, que j'ai vu à la maison durant toute mon enfance. Parfois, il s'agit aussi du souvenir du jour où nous avons acheté un objet ou des endroits où ces pièces étaient utilisées. Chez ma mère, chez mon frère, ou là où nous avons vécu. Pour moi, ce n'est pas une question de cupidité."

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"Si ces objets sont plaisants à posséder, ils sont avant tout un hommage à ma mère, qui m'a appris très tôt à distinguer un meuble ordinaire – sans même parler des produits Ikea – d'une véritable pièce de design. Bien sûr, je peux illustrer ce savoir: prenons la table basse ronde 'Rio' de Charlotte Perriand pour Cassina. Avec ses parties dépliées, on a presque l'impression qu'elle a été découpée en morceaux. Elle est fabriquée avec des matériaux nobles, comme le bois massif et le rotin. Mais ce qui la rend unique, c'est la façon dont tout est assemblé: on ne voit pas une seule vis, comme si les éléments tenaient ensemble par magie."

"On pourrait se dire: ça, je pourrais le faire. Mais quand quelque chose semble extrêmement simple, c'est souvent le signe d'un design abouti, qui exige un véritable savoir-faire. Un peu comme les maisons de Ludwig Mies van der Rohe que nous avons vues à Chicago. Oui, ma décision de devenir architecte est sûrement liée à la passion de ma mère pour le design."

Table basse "Rio 529", Charlotte Perriand pour Cassina.
©Alexander D'Hiet
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