L’actrice, réalisatrice et militante humanitaire Angelina Jolie revient avec "Atelier Jolie", une marque de mode engagée, et ouvre dans la foulée une boutique à New York.
Lorsqu’on google Angelina Jolie, on obtient des résultats beaucoup plus diversifiés que pour la plupart de ses consœurs. Si sa filmographie apparaît certes en première ligne, elle est rapidement suivie par des détails sur sa vie amoureuse, ses enfants adoptés, les jumeaux qu’elle a eus avec Brad Pitt, son rôle d’ambassadrice des Nations Unies ainsi que le soutien qu’elle apporte à de nombreuses œuvres caritatives. Depuis le début de l’année, un nouveau chapitre vient s’y ajouter: Angelina Jolie dirige désormais sa propre marque de mode, Atelier Jolie.
L’actrice revient ainsi sur le devant de la scène avec sa marque éthique, elle qui s’était fait discrète ces derrières années. En effet, on l’apercevait plutôt dans des magazines qui ne s’intéressaient pas nécessairement à sa carrière. Bien que des milliers d’articles aient été publiés sur son style vestimentaire chic, ils soulignent davantage qu’elle porte généralement des pièces de créateurs sans étiquette ostentatoire. Anti-conformiste, elle est rarement aperçue aux premiers rangs des défilés et elle est en outre une fervente adepte du vintage.
Mais pour Angelina Jolie, ce n’est qu’un détail, du moins, c’est ce qu’elle le laisse transparaître sur son site. Selon elle, nul besoin d’avoir un goût pointu ou un talent exceptionnel pour se lancer dans la mode. "Tout le monde peut créer", déclare-t-elle dans un communiqué où, fidèle à son habitude, elle ne mâche pas ses mots. "Pourquoi cette fascination pour les marques de créateurs? Pourquoi acheter les créations d’autrui quand on peut les concevoir soi-même? Après tout, le summum de l’expression personnelle et le plus grand plaisir résident dans le fait de créer pour soi."
"Pourquoi acheter les créations d’autrui quand on peut en concevoir soi-même? Après tout, le summum de l’expression personnelle et le plus grand plaisir résident dans le fait de créer pour soi.
Des robes aux capes
Atelier Jolie, c’est ainsi ce concept novateur dans lequel les clientes et clients jouent le rôle de créateurs. Angelina Jolie crée un lieu où les personnes créatives pourront collaborer avec des artisans et tailleurs du monde entier. Elle n’ignore pas pour autant que la mode est un métier exigeant plusieurs années de formation solide. "La mode est un art, et j’ai eu l’opportunité de m’y essayer ces dernières années. J’ai dessiné des vêtements et étudié les patrons auprès des meilleurs tailleurs."
D’ailleurs, ce sont les petites mains qu’elle entend mettre en lumière. Celles de l’ombre. "Les créateurs font des croquis ou approuvent des créations, mais ce sont les tailleurs qui font la différence. Pourtant, ces derniers reçoivent rarement la reconnaissance et le respect qu’ils méritent."
Une lecture attentive laisse entendre que sa contribution est toutefois réelle, mais que le processus créatif sera en grande partie porté par son équipe. Ainsi que par Gabriela Hearst. En effet, la toute première collection capsule présentée en début d’année, composée de blouses, jupes, robes, vestes et capes, est le fruit d’une collaboration avec l’ex-créatrice de la maison de mode française Chloé. Ce qui n’est pas un hasard, car Chloé a été la première marque de luxe à recevoir la certification B lab, un label réservé aux entreprises engagées dans des questions sociétales et climatiques - autant d’enjeux chers aux yeux d’Angelina Jolie. D’ailleurs, une partie des bénéfices d’Atelier Jolie sera réinvestie dans des programmes de stages destinés aux créateurs de patrons et aux petites mains.
Ce n’est évidemment pas un hasard si Angelina Jolie lance une ligne de vêtements précisément maintenant. Ces dernières années, son CV n’a guère été alimenté par de nouveaux films. Depuis son divorce d’avec Brad Pitt en 2016 et le tapage qu’il a provoqué dans les tabloïds, elle n’a joué que dans une poignée de films. Sa vie de famille — elle a six enfants — était sa principale préoccupation, et plus d’un celebrity watcher a affirmé qu’elle s’employait à construire l’Angelina Jolie 2.0, une célébrité qui souhaite briller dans les pays en développement plutôt que sur le tapis rouge. Une Lara Croft aux intentions nobles, une bienfaitrice sauvage pour tous ceux qui n’ont pas la chance de grandir dans un pays prospère. Une femme qui respire aussi la crédibilité — une qualité essentielle lorsqu’on souhaite se repositionner sur le marché.
Atelier Jolie n’utilisera que des tissus provenant de stocks dormants et vintage, réduisant ainsi son impact sur l’environnement.
Stage pour réfugiés
Quel regard porter sur sa maison de couture? Atelier Jolie n’est certainement pas une simple lubie entre les mains d’une quelconque célébrité, comme c’est parfois le cas pour d’autres stars, d’autant que l’actrice ne prétend pas dessiner chaque pièce personnellement.
Car elle s’est investie. Soutenue par une équipe créative compétente, et avec un business plan irréprochable, l’actrice a poussé la réflexion plus loin: elle veut plus qu’un joli concept. L’atelier utilisera uniquement des tissus issus de stocks dormants et des tissus vintage, réduisant ainsi considérablement son impact environnemental.
Atelier Jolie propose également d’upcycler les vêtements existants des clients pour les rendre à nouveau tendance. Autre point fort: des stages sont prévus pour les talents ayant le statut de réfugiés ainsi que pour "d’autres groupes sous-estimés". Une initiative audacieuse, surtout à un moment où le débat sur l’immigration fait de nouveau rage aux États-Unis. Les mauvaises langues pourraient insinuer que cette décision serait un moyen d’offrir une certaine crédibilité au projet, alors qu’en parallèle le monde de la mode reste accusé d’exploiter les travailleurs au Bangladesh et ailleurs.
Warhol et Basquiat
Quoi qu’il en soit, Atelier Jolie n’a pas raté son lancement. Même le bâtiment qui accueille la première boutique (dont le loyer était annoncé à 60.000 dollars par mois, bien qu’un collaborateur d’Atelier Jolie ait indiqué un montant inférieur) se targue d’une histoire fascinante. Situé au cœur du quartier new-yorkais du Bowery, au 57 Great Jones Street, le bâtiment de deux étages a appartenu dans les années 70 à Andy Warhol. Celui-ci y reçoit d’ailleurs tout le gratin de l’élite new-yorkaise avant de louer le second étage à Jean-Michel Basquiat, qui y a peint ses œuvres cultes, de 1983 à 1988. C’est aussi dans ce bâtiment, sur lequel est apposée une plaque commémorative, que le "Radiant Child" meurt, à 27 ans, d’une overdose en 1988. Afin de respecter l’esprit des lieux et rendre hommage à ce pionnier de la mouvance underground, Angelina Jolie s’est engagée à ne pas toucher aux graffiti peints sur la façade.
Aujourd’hui, le bâtiment abrite également un café, Eat Offbeat, tenu par des chefs réfugiés et immigrés. Les visiteurs peuvent y créer ou acheter des patchs à coudre sur leurs vêtements. Angelina Jolie prévoit aussi d’y organiser des ateliers: techniques de sérigraphie, création de studs ou broderie. À l’étage, une cabine d’essayage accueillera sur rendez-vous les clientes en quête de haute couture — par exemple pour la création d’une robe de mariée.
Angelina Jolie deviendra-t-elle une figure de la mode à part entière en 2024? Va-t-elle faire ses adieux au cinéma pour se consacrer pleinement à sa marque de mode? Pas nécessairement. En effet, elle semble émerger progressivement du cocon dans lequel elle s’est réfugiée ces sept dernières années. Elle est impliquée cette année dans plusieurs projets cinématographiques, le plus notable étant le biopic consacré à la diva Maria Callas; elle vient d’achever son cinquième projet de réalisation, "Without Blood", un film de guerre avec Salma Hayek Pinault et Demián Bichir dans les rôles principaux; et elle sera également de retour dans le troisième volet de «Maléfique».
Atelier Jolie et ces longs métrages en cours semblent s’inscrire dans le cadre de la renaissance d’Angelina Jolie, qui se définit plus artiste que femme d’affaires. Mais ne dit-on pas que les femmes savent (bien) faire plusieurs choses à la fois?
La mode des stars
Angelina Jolie est loin d’être la seule célébrité à avoir investi l’univers de la mode. Victoria Beckham, par exemple, a su tirer parti du succès des Spice Girls pour créer sa propre maison de couture. Les sœurs Olsen, Gwyneth Paltrow, Reese Witherspoon, Kim Kardashian, Rihanna, Kylie Jenner, Beyoncé et Sarah Jessica Parker arborent également leurs propres créations.