La mode disruptive: il n'y a plus de saisons ni de genres ni de tailles

Des hommes portant des robes de femme ou des manteaux d'hiver lors d'un défilé été: pendant des années, ce floutage des limites nous a mis mal à l'aise. Aujourd'hui, le flou règne et les codes habituels ne sont plus valables. Êtes-vous prêt à participer à ce nouveau jeu de la mode?

1. Plus de saisons

Prenez le temps d'examiner votre dressing et posez-vous la question: y a-t-il encore une différence entre les vêtements d'été et les vêtements d'hiver? Pas tant que ça: entre les chaudes journées jusqu'en octobre et les pluvieuses journées de juin, sans compter les immeubles de bureaux climatisés pour garder la même température toute l'année, nous misons plutôt sur les superpositions.

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Plus de saisons
©Inge Rylant

Chez Balenciaga, lors de la présentation de la collection hiver 18/19, les mannequins arboraient jusqu'à trois-quatre couches superposées. Prada proposait également de tout, des robes sans manches en tulle au mouton retourné bien chaud, également dans une version sans manches.

Fashion Fast de Bruno Pieters ne proposera pas de nouveautés pendant deux saisons.

Chez nous aussi, les frontières des saisons s'estompent peu à peu. Graanmarkt 13 a lancé le mouvement: l'année dernière, le concept store a largué une petite bombe dans l'univers du retail. "Nous ne voulions plus être esclaves du rythme extrêmement rapide des saisons. Nous avons donc décidé d'arrêter de travailler avec des collections saisonnières, même si cela signifie la fin de notre collaboration avec Marni et Isabel Marant, des labels que nous vendions pourtant très bien." Autre conséquence non négligeable du 'sans saisons': plus aucune veste ni robe ne sera "de la saison précédente". Cela ne complique-t-il pas l'organisation des soldes? "Nous les avons également abandonnées. Un vêtement ne perd pas de sa valeur après quelques mois, cela n'a aucun sens."

Sur le site Bloomberg.com, le journaliste Adam Minter annonce que la production mondiale de vêtements a doublé entre 2000 et 2015, mais que le port de vêtements d'occasion a diminué de 36%, voire de 70% en Chine! Pour le créateur belge Bruno Pieters, il n'en fallait pas plus pour faire un statement: le 'fashion fast', une période de jeûne visant à lutter contre le concept de 'fast fashion'. Concrètement, son label Honest By (avec lequel il s'était déjà battu pour des prix et une production équitables) ne sortira pas de nouvelles collections pendant deux saisons. Les 'anciennes' resteront disponibles, mais il n'y aura plus rien de nouveau d'ici octobre. "Honest By va jeûner, et je vais en profiter pour également étendre ce principe à ma vie personnelle: je n'achèterai pas de vêtements neufs au cours des 9 prochains mois", déclarait Pieters au printemps. "Et si j'ai besoin de quelque chose, j'irai dans une boutique vintage."

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Tim Van Steenbergen 'Collection Noir'
©rv

Si Tim Van Steenbergen n'est pas allé jusqu'à entamer un jeûne, cet automne il lance sa nouvelle 'Collection Noir', une ligne de pièces noires et intemporelles qui resteront disponibles pendant plusieurs saisons. Des jeunes créateurs optent également pour cette approche non-saisonnière, à l'instar d'Eline van Ree qui se limite à une collection par an

2. Plus de genres

Le Council of Fashion Designers of America organise chaque saison la Fashion Week à New York. En début d'année, le CFDA a lancé une nouvelle catégorie qui n'est pas passée inaperçue: la mode unisexe. Ainsi, les labels qui souhaitent participer aux défilés n'ont plus à choisir s'ils créent pour l'homme ou pour la femme. Une initiative majeure, preuve que la tendance de la fluidité des genres est devenue une réalité dans la mode. Des hommes qui portent des vêtements de femme, des femmes qui portent des vêtements d'homme, un mouvement à encourager!

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La collection knitwear de Cesar Casier a l'ambition d'ouvrir une brèche en matière de neutralité.

Petite remarque pour les insiders: oui, la jupe pour homme avait déjà été proposée par Jean Paul Gaultier en 1984, mais elle n'a pas réussi à s'imposer dans le paysage urbain. Aussi, à l'époque, c'était plus une façon de choquer, de briser la silhouette masculine typique. Aujourd'hui, par contre, c'est une tendance qui s'inscrit dans un contexte sociétal. En effet, de plus en plus de jeunes androgynes ne veulent plus s'afficher 'homme' ou 'femme', une tendance initiée il y a plusieurs années en Asie. Pour preuve, le 'Mx', soit la version neutre de M. et Mme, gagne en popularité au Royaume-Uni où de nombreux organismes officiels y ont recours.

Cesar Casier
©rv

Plus près de chez nous, le top model belge Cesar Casier a l'ambition d'ouvrir une brèche en matière de neutralité par le biais de sa collection knitwear. "Mes créations sont en grande partie unisexe. Je tiens à ce que mon label prenne les devants en matière de mode non genrée. Je pense que le genre ne doit plus dicter la façon dont on s'habille et qu'il ne doit pas coincer les gens dans une catégorie."

Browns East (Londres) modèle de boutique non-genrée.
©rv

À Londres, Browns East, la première boutique de vêtements totalement neutres en termes de genre, a ouvert ses portes à la fin de l'année dernière. Les vêtements y sont présentés par marque, avec un rayonnage dédié à Ganni, un autre à Off-White et un autre à Dries Van Noten. Par contre, on n'y trouve pas la séparation classique elle et lui. "Non que nous voulions en faire notre argument commercial", répond un collaborateur lorsque nous l'interrogeons à ce sujet. "En tant que vendeurs, nous n'allons pas défiler en jupe courte, mais nous constatons que pour beaucoup de clients, c'est un soulagement. Les hommes prennent des pièces femme dans la cabine d'essayage et vice versa, sans que personne n'y trouve à redire. Les clients affirment même qu'ils ressentent une sorte de liberté: c'est un beau compliment."

3. Plus de tailles

Ne vous réjouissez pas trop vite: tous les vêtements ne peuvent pas faire fi de la taille, ce qui n'empêche pas de très nombreux designers et labels de tenter la taille unique. Il y a quelques décennies, les créations plissées de l'ingénieux Issey Miyake avaient posé les premiers jalons, proposant des robes allant aussi bien aux silhouettes Small que Large. Cependant, cette tendance de la taille unique s'étend à d'autres collections, grâce à l'évolution technique survenue dans l'industrie textile qui permet aux tissus de s'étirer et de se rétracter à l'envi sans perdre ni élégance, ni qualité.

Valentine Witmeur Lab
©rv

Les sweaters en maille de la Belge Valentine Witmeur en sont un bon exemple. En théorie, c'est une taille 38, mais ils peuvent tout aussi bien être portés par des tailles 36, 40 et 42. L'avantage: simplifier la production en se limitant à une seule taille. Le label néerlandais Extreme Cashmere fait presque la même chose, mais de manière encore plus extrême, bien sûr: il enfreint toutes les règles et fait de la mode sans taille, sans genre et sans saison. Ce qui pourrait bien être la 'slow fashion' parfaite.

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