L'architecture japonaise en péril

Tomas Maier veut sauver de la démolition un joyau architectural du modernisme japonais, l'hôtel Okura. LE Directeur artistique de Bottega Veneta sait que, si on ne fait rien, "ce bâtiment disparaîtra et il sera trop tard pour pleurer."

James Bond y a siroté son Martini Dry et Barack Obama y a fait de beaux rêves. Et si Don Draper sortait de Mad Men, il viendrait s'accouder au bar moderniste pour prendre un bourbon. Moquette vert olive, lustres hexagonaux, panneaux en bois ajouré et façade avec incrustations dorées: l'hôtel Okura de Tokyo est un des symboles de la renaissance du Japon après la Seconde Guerre mondiale. Malgré ce pédigrée, il sera démoli cet été. "Incroyable", soupire Tomas Maier, directeur artistique du label Bottega Veneta. "La nouvelle m'a scotché. Des bâtiments comme l'hôtel Okura sont le visage de la capitale japonaise. Ce matin, en regardant Tokyo par ma fenêtre, je me faisais la réflexion qu'il y avait les mêmes bâtiments que partout ailleurs."

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Le mythique hôtel Okura, œuvre des architectes Yoshiro Taniguchi et Hideo Kosaka, a reçu de nombreux hôtes de marque dont nombre de présidents américains - Richard Nixon, Jimmy Carter, Ronald Reagan, George W. Bush, Bill Clinton et Barack Obama.
©Bottega Veneta

Maier a décidé de s'occuper personnellement du sort de l'hôtel Okura. Il s'est donc lancé dans une croisade pour sauver le bâtiment. "Les Jeux Olympiques sont la cause de la condamnation de nombreux bâtiments modernistes", explique-t-il. Ainsi, l'aile principale de l'hôtel Okura doit faire place à deux tours de verre et un hôtel cinq étoiles qui devraient être prêts pour 2020. Ironie du sort, l'hôtel Okura avait ouvert en 1962, également durant la période qui a précédé les JO de Tokyo en 1964. Le Yoyogi Gymnasium, qui date de la même époque, est, lui aussi, menacé. "Contrairement à de nombreux bâtiments historiques et religieux, ces joyaux architecturaux ne sont ni protégés, ni classés", explique Maier. "Nous devons donc prendre l'initiative. Ces bâtiments ne doivent pas devenir des pièces de musée: ils ont juste besoin d'une bonne rénovation."

Le gymnase national de Yoyogi à Tokyo.
©Bottega Veneta

Twitter et Instagram
Non que Maier veuille rénover personnellement ces bâtiments japonais. "L'objectif est de sensibiliser le grand public. Les médias sociaux, comme Twitter et Instagram, sont l'idéal pour faire prendre conscience et réagir le grand public."

Bottega Veneta a lancé le mouvement sur les médias sociaux via #MyMomentatOkura où les visiteurs sont invités à partager leurs souvenirs de l'hôtel emblématique. "Nous devons montrer que nous sommes vigilants. Si nous ne réagissons pas, ces bâtiments disparaîtront et il sera trop tard pour pleurer."

L'objectif est de sensibiliser. Ces bâtiments disparaîtront si nous ne nous mobilisons pas pour les protéger.
Tomas Maier

La conservation et la rénovation du patrimoine historique sont un sujet sensible pour le secteur du luxe italien. Tod's, le label de souliers et d'accessoires, participe au financement de la rénovation du Colisée. Fendi soutient la restauration des fontaines de Rome. Bulgari a donné à la ville de Rome 1,5 million d'euros pour la piazza di Spagna. Quand nous lui demandons s'il va vraiment sponsoriser ou racheter des bâtiments historiques, Tomas Maier reste évasif. "Peut-être, mais, pour le moment, nous voulons surtout sensibiliser les gens."

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Le magazine Monocle a embrayé avec une pétition en faveur de l'hôtel, 'Save the Okura'. Une attention qui profite à l'hôtel, car, pour environ 4.000 dollars, on peut réserver une nuitée spéciale dans la bien nommée suite 'See it while it lasts'.

©Bottega Veneta

Sobriété chic
Ce n'est pas surprenant que Tomas Maier, directeur artistique de Bottega Veneta depuis 14 ans, s'intéresse aux bâtiments japonais: l'architecture est son grand amour. "Mon père était architecte", explique-t-il. "Enfant, je regardais ses plans et je l'accompagnais au bureau, où je pouvais passer des heures à le regarder dessiner." Mais pourquoi le Japon? Non seulement le label y possède de très nombreux magasins, mais le directeur artistique chérit jusqu'à l'obsession les valeurs culturelles à la fois sobres et chic de ce pays. Ainsi, il s'est inspiré de motifs japonais pour certains tissus et il a demandé au photographe Nobuyoshi Araki de réaliser la nouvelle campagne printemps.

©Bottega Veneta

Il supervise également l'aménagement des enseignes Bottega Veneta où l'on retrouve de nombreuses influences japonaises telles que le chêne clair, le noir et blanc et une touche de zen moderniste. L'Allemand est connu pour ses lignes très épurées. Lors de sa nomination au poste de directeur artistique de Bottega Veneta, il a immédiatement décidé d'opter pour encore plus de luxe et d'abandonner complètement les logos m'as-tu-vu-quand-je-fais-péter-l'Amex-black. "J'aime l'esthétique épurée, efficace et simple de l'architecture moderniste. Une philosophie esthétique que l'on retrouve également dans mes projets", explique-t-il.

Tomas Maier est tellement focalisé sur le 'less is more' qu'il a même revu l'orthographe de son prénom, éliminant le H. "Parce que, d'un point de vue esthétique, il était trop lourd."

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