Chaque année, L'Echo se plonge dans les comptes des institutions hospitalières bruxelloises et wallonnes. Et vous dit tout sur l'état de santé de votre hôpital. Suivez le guide.
Voilà une habitude qui remonte à 2018: inspecter, chaque année, les données financières, issues des comptes annuels et des rapports de gestion, des 37 hôpitaux bruxellois et wallons - dont certains comptent plusieurs implantations, rassemblées sous une même coupole. Tout en jetant, au passage, un coup d'œil à la situation flamande. Nous nous focalisons sur les hôpitaux généraux, en laissant de côté les institutions psychiatriques ou spécialisées. L'objectif? Ausculter la santé financière d'un secteur essentiel et pourtant en crise perpétuelle, afin de suivre son évolution.
Comme on ne change pas une équipe qui gagne, nous avons remis le couvert, avec le cru 2022 dans le viseur. La première année depuis 2020 à ne plus vraiment être marquée du sceau du coronavirus, même si ce dernier se double encore d'une inconnue financière, qui devrait être levée en 2024.
Cela étant, une année sans pandémie n'est pas forcément de tout repos. C'était écrit dans les astres: crise énergétique et inflation galopante ont sérieusement mis à mal les finances hospitalières. L'avenir ne se dessine pas forcément plus en rose, alors que la question des pensions des agents statutaires se fait de plus en plus menaçante. Venez, on vous explique tout cela.
Cet outil présente les résultats par groupe hospitalier. Vous pouvez cependant rechercher individuellement chaque hôpital de Wallonie et de Bruxelles.
ENSEIGNEMENT 1
Des mois durant, telle a été la crainte: que la pandémie lessive pour de bon des finances hospitalières déjà branlantes. Grâce au soutien des autorités, il n'en a rien été; le décompte de ce que les hôpitaux belges devront rembourser à l'État sera toutefois dressé en 2024. C'en est presque ironique: c'est l'année durant laquelle le covid a presque relâché son étreinte sur les institutions de soins que leurs comptes ont bu la tasse.
Le chiffre d'affaires n'est pas en cause. Poursuivant sa tranquille hausse (+6,67% sur un an), celui-ci s'établit à 10,87 milliards d'euros. Non, c'est le résultat courant qui plonge littéralement, terminant dans le cramoisi, à hauteur de 203,45 millions (-10.518%). De quoi signer le pire exercice, aussi loin que nos données remontent (2012). Non seulement la marge bénéficiaire des hôpitaux bruxellois et wallons est déficitaire en 2022 (-1,87%), mais elle l'est aussi sur les cinq dernières années (-0,57%).
Au total, 67,57% des institutions ont bouclé l'année passée en perte - une proportion qui passe à 90,91% à Bruxelles! Sur les cinq dernières années, “déficit” aura été le maître-mot pour un peu moins de six hôpitaux sur dix (56,76%). Un constat légèrement plus marqué à Bruxelles (63,64%) qu'en Wallonie (53,85%). Preuve ultime que 2022 fut un cru désastreux: même les hôpitaux flamands, usuellement en léger boni, ont affiché un résultat négatif, à hauteur de 30,34 millions. Une première depuis au moins 2012.
ENSEIGNEMENT 2
Votre portefeuille s'en souvient encore. Guerre en Ukraine oblige, 2022 est l'année où la facture énergétique a grimpé en flèche. Aucune raison que ce phénomène ait épargné les hôpitaux. Qui craignent d'ailleurs que, si la fièvre est retombée un brin, les prix de l'énergie ne retrouvent jamais le niveau qui était le leur en 2021. Le secteur a fait ses comptes en 2023: sur base annuelle, la douloureuse s'est alourdie de 367 millions d'euros par rapport à 2021. Autant dire que les 80 millions débloqués par le Fédéral pour la première moitié de 2023, et non reconduits depuis lors, ne suffiront guère à effacer l'ardoise.
Une crise en alimentant une autre, l'inflation a également fait des siennes en 2022, entraînant tous les coûts à la hausse et déclenchant le célèbre mécanisme belge de l'indexation. Les hôpitaux seraient-ils à la merci des hausses salariales? Partiellement, parce que leurs recettes suivent, mais à la traîne. Surtout du côté des honoraires, qui ont été revalorisés à hauteur de 2% en 2022, alors que l'inflation chatouillait la barre des 10%. Bien sûr, l'indexation de janvier 2023 avait déjà plus fière allure (autour de 8%), mais elle ne faisait que rattraper le retard, sans combler le trou - ce qui a été “perdu” en 2022 l'est pour de bon. Ni anticiper les hausses intervenues en 2023.
ENSEIGNEMENT 3
Voilà un dossier qui n'a rien de neuf. Mais qui, au fil du temps qui passe, se corse de plus en plus, au point d'endosser l'habit de la vedette au rayon des préoccupations exprimées par les rapports de gestion ou la prose des réviseurs portant sur le cru 2022. De quoi retourne-t-il? De la pension des agents nommés, au sein des hôpitaux publics donc, mais également issus du privé, s'il y a eu par le passé fusion avec une institution publique ou si du personnel en provenance de CPAS est mis à disposition.
Le problème de base, qui se pose de la même manière pour tous les pouvoirs locaux (communes et provinces en tête), est simple - si l'on fait abstraction des détails qui, eux, sont gratinés. Dans ce régime statutaire qui fait bande à part et ne concerne pas le personnel contractuel, les cotisations des personnes actives, qui se font de moins en moins nombreuses, ne suffisent plus à financer celles des personnes à la retraite.
Pour les hôpitaux concernés, le trou à combler est estimé à 203 millions pour 2024 et est amené à se creuser davantage. Puisqu'il concerne toutes les administrations locales, les fédérations hospitalières appellent à trouver une solution globale. Autrement dit, que sa résolution ne pèse pas sur le budget des soins de santé, déjà sous tension.