Elle était princesse, mais aussi icône, socialite avant la lettre et muse d'artistes comme Richard Avedon et Andy Warhol. Après son mariage avec Gianni Agnelli, le patron de Fiat, Marella se mit à décorer leur douzaine de maisons. Des demeures qui se lisent comme une vie bien remplie dans un tout nouveau livre.
"J'ai passé les premières semaines sur le canapé. Je lisais des romans français et me demandais ce que j'allais bien pourvoir faire de mon temps libre." Après son mariage avec Gianni Agnelli, qui fut à la tête de l'empire Fiat entre 1966 et 1996, la créative jeune épouse commença par s'ennuyer à mourir. Avant son mariage, Marella - en réalité la princesse Donna Marella Caracciolo di Castagneto - avait été pendant un certain temps l'assistante du photographe d'art Erwin Blumenfeld à New York. Lorsqu'elle revint en Italie pour épouser Gianni, le magazine américain Condé Nast lui proposa un job de correspondante italienne. Mais cela ne seyait pas à une épouse Agnelli. Et donc, elle passait son temps sur le canapé. Mais ce n'était pas non plus du goût de Gianni. "Mon mari voyait que je n'avais aucun talent pour tenir un ménage", se souvient l'Italienne, aujourd'hui âgée de 87 ans. Une amie lui donna un conseil : "Pour attraper un homme, il faut un lit. Pour le garder, il faut (tenir) toute une maison."
Dans le domaine familial Villar Perosa, à une heure de Turin, madame Agnelli fit de son rêve sa nouvelle tâche : la restauration de l'ancien domaine familial et du jardin, avec l'architecte paysagiste anglais Russell Page. Depuis lors, Marella a décoré plus de dix maisons en Europe, au Maroc et aux États-Unis. À propos de ces bâtiments aussi glamour que la propre vie de Marella, sa nièce Marella Caracciolo Chia a écrit un livre, The Last Swan. Un surnom que Marella devait à sa gracieuse nuque, qui en fit la muse du célèbre photographe Richard Avedon.
Ferrari argentées
Avec son mariage, c'est un nouveau monde qui s'ouvre à elle : "Les Agnelli (sept enfants) se ressemblaient tous, parlaient de la même manière et riaient des mêmes plaisanteries", explique-t-elle. "Un véritable clan". Virginie Agnelli, la mère de Gianni, était décédée jeune dans un accident de voiture, alors que son époux était décédé deux ans plus tôt dans un accident d'avion. C'est ainsi qu'à 24 ans, Gianni s'était vu attribuer le rôle de pater familias. La famille était membre de la jetset, un mode de vie fait de yachts, villas de luxe, soirées glamour et maîtresses. Gianni Agnelli était connu pour les montres qu'il portait sur ses poignets de chemise, ses baignades nudistes et ses Ferrari.
Un beau jour, Marella décida de prendre le train de nuit pour se rendre à Paris. Comme on lui fit remarquer qu'elle faisait désormais partie du somptueux style de vie des Agnelli, le maître d'hôtel des wagons-lits lui procura des serviettes à ses initiales, ses soins et savons préférés, et même des fleurs fraîches. "C'est ainsi que voyageaient les Agnelli quand ils prenaient le train de nuit", explique Marella. Pourtant, rien ne va plus vite que le luxe. "Pour gagner de l'argent, il faut savoir faire quelque chose. Pour en dépenser, il faut être cultivé" était le nouvel adage.
Marella et Gianni aimaient, par exemple, inviter les Kennedy ou l'écrivain Truman Capote sur leur yacht, en Méditerranée. Capote la surnommait même European Swan Number 1, en référence au groupe de femmes de la jetset qu'il appelait affectueusement les cygnes. Dans les années soixante, Marella trônait en haut de la liste des Best Dressed du Vogue, portait du Valentino et du Balenciaga, posait pour Picasso dans une robe Dior. "Tout ce qui était visuel me procurait énormément de plaisir."
Collection de palais
Des dispositions visuelles qui allaient s'avérer un gros atout lorsque Marella s'attaqua à la décoration de leurs maisons. "En 1961, Gianni et moi avions réuni une sérieuse collection d'art. Nous ne savions tout simplement plus où l'accrocher. Par conséquent, nous avons décidé d'aménager quelques maisons spécialement pour ça." Dans le centre historique de Turin, les Agnelli possédaient une villa classique somptueuse. En Corse, le couple acheta un monastère du XVIe siècle. Et ils firent aménager leur appartement milanais par Gae Aulenti. Gianni et Marella avaient chargé l'architecte de concevoir l'environnement idéal pour leurs oeuvres d'art, notamment des Roy Lichtenstein et des René Magritte. Il fut suivi plus tard par un gigantesque appartement à Rome, au cinquième étage d'un palais de la fin du XIXe siècle, qui avait servi de résidence au Pape et à des chefs d'État. Ils achetèrent également la Villa Frescot, du XVIIIe siècle, surplombant les collines autour de Turin, où Marella opta pour l'éclectisme : elle y plaça sans hésiter des chefs-d'oeuvre classiques, tels que des portraits d'esclaves de Géricault, sur un mur orné de rayures roses et blanches ou de motifs floraux. Marella Agnelli était si engagée dans sa passion pour la décoration qu'elle dessina même une ligne de tissus pour le prestigieux label suisse Abraham-Zumsteg qui allait rester un bestseller jusqu'à la fin des années septante.
5.000 roses
Ensuite Marella se retira dans le riad Ain Kassimou à Marrakech. En chemisier de soie et tennis, elle se promenait dans l'immense jardin où elle avait fait planter 5.000 rosiers. En effet, Marella Agnelli est une femme qui a le sens du détail et, surtout, une passionnée de jardins. Non seulement elle a conçu la majorité de ses jardins, mais elle a aussi édité une ligne d'élégants meubles d'extérieur. Du reste, elle aimait placer ces meubles en osier à l'intérieur de la maison, pour les mettre pleinement en valeur. Marella a écrit deux livres sur des jardins, dont elle réalisé les photos : The Garden of Ninfa (1999) et The Agnelli Gardens at Villar Perosa (1998).
"Avec les jardins, c'est différent. Les jardins respirent et vivent, tout comme les gens. Avec un jardin, vous n'avez jamais vraiment fini. Tout comme vous n'en avez jamais vraiment fini avec la vie."
Marella Agnelli - The Last Swan le 14 octobre, aux éditions Rizzoli.