Le centre d’accueil de l'arboretum
Le centre d’accueil de l'arboretum
© Jean-Pierre Gabriel

Philippe de Spoelberch (AB InBev) nous parle de son arboretum dans les Ardennes

Philippe de Spoelberch (AB InBev), inaugure à Marche-en-Famenne un arboretum de 73 hectares, primé pour son centre d’accueil durable et innovant.

"S’il fallait trouver une formule lapidaire, nous pourrions dire que nous avons déposé une colline jardinée sur la colline existante." Voilà comment Gauthier Wislez, du bureau AW architectes, décrit le centre d’accueil de l’Arboretum de Marche dont la construction a duré six ans. L’aventure a commencé par un repérage du site en compagnie de Philippe de Spoelberch, l’homme qui confie avoir "voulu doter le sud de la Belgique d’un véritable arboretum éducatif". Cette promenade de découverte a permis de sélectionner le lieu le plus approprié afin d’y ancrer une nouvelle construction.

"S’agissant d’un lieu destiné à accueillir des visiteurs, le paysage offert a constitué un critère de premier plan", explique l’architecte. "C’est ainsi que nous nous sommes arrêtés sur ce point culminant qui embrasse la vallée et qu’on appelle la dépression de la Famenne." À l’horizon, on aperçoit la tour Circus et ses 70 mètres de haut qui domine la ville de Marche-en-Famenne.

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© Jean-Pierre Gabriel

Phytophile

Ce récent arboretum ouvert au public en 2023, qui est par essence un lieu en devenir, n’est pas un coup d’essai de Philippe de Spoelberch. De sa biographie, on peut retenir qu’il est un des hommes clefs du groupe brassicole AB InBev, ses participations ayant pour origine le groupe familial de la brasserie Artois.

Son curriculum vitae est cependant bien plus étoffé dans le monde de la dendrologie. Plus qu’une passion, les arbres et les plantes sont entrés dans son parcours lors de ses deux premières années d’études d’agronomie à Louvain. L’homme d’affaires aime souligner que la botanique y est alors enseignée par deux grands noms, les professeurs Pierre Martens et William Mullenders, qui lui ont transmis le virus de la systématique végétale.

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"Le résultat ne s’est pas fait attendre: en peu de temps, on a dénombré onze des quinze espèces d’orchidées sauvages de Belgique, réapparues spontanément."

"Mon père aussi a joué un rôle déterminant ; il aimait la forêt, les grands et beaux arbres, les hêtres, les chênes. Je me souviens qu’il s’est moqué de moi parce que je ne pouvais pas faire la différence entre les feuillages d’un hêtre et d’un charme. Je me suis donc rendu dans une pépinière pour en acheter afin d’être à même de les distinguer."

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À la fin des années 60, Philippe de Spoelberch effectue un MBA à l’université de Columbia, mais la passion des plantes et leur collection l’a déjà gagné. Sa terrasse est envahie de caisses en bois du laitier. Il y fait pousser arbres et arbustes avec les graines collectées en automne dans la nature ainsi que dans les parcs et jardins botaniques qu’il a visités.

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Centre d’accueil de l’Arboretum de Marche

Route d’Hassonville 122, 6900 Marche-En-Famenne.
Prochaines visites: les dimanches 20 avril et 18 mai.
| www.arboretumdemarche.be |

Grote Baan 63, 3150 Haacht-Wespelaar
Ouvert le mercredi et le dimanche, du 1er avril au 15 novembre.
| www.arboretumwespelaar.be |

Dans ses valises, il ramènera 150 plants, dont 15 séquoias de Californie. Ce sont aujourd’hui les plus grands arbres de Herkenrode, le parc qu’il a planté au sein du domaine familial et qui sera à la source de l’arboretum de Wespelaar, initié en 2001 par la fondation éponyme. "Quelle que soit la collection que l’on a créée et que l’on souhaite léguer, on se doit de lui donner les moyens de perdurer, et donc engager du personnel spécialisé, soit une dizaine dans le cas de la fondation Arboretum Wespelaar."

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Un arboretum qui se respecte repose sur une collection, la plus riche possible. Le domaine familial que Philippe partage avec ses frères et sœurs compte aujourd’hui une dizaine de milliers de plantes, d’arbres et d’arbustes différents, dont 2.300 répartis sur une vingtaine d’hectares dans le seul arboretum. Leurs graines, greffons ou boutures venus du monde entier ont été patiemment élevés et observés en pépinière avant d’être transplantés. Nombre de spécimens atteignent aujourd’hui une taille imposante, à l’image des magnolias qui, au mois d’avril, sont en pleine floraison ou des érables qui, en automne, brillent de mille feux.

"Les inventaires font état de 15.000 plantes ligneuses", précise le passionné. "Au cours des 50 dernières années, nous en avons perdu ou éliminé 10.000 parce qu’elles ne se sont pas adaptées à nos conditions ou qu’elles ne convenaient pas. J’accorde beaucoup d’importance à l’aspect esthétique. Il faut que les axes soient dégagés et que les arbres et arbustes ne se fassent pas concurrence. Un exemple: dans le parc d’Herkenrode, là où tout a commencé, j’ai déplacé quantité de rhododendrons pour les replanter en les associant par coloris, au sein de sections botaniques ou groupes d’espèces."

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 Ancré dans le calcaire, couronné de roches de lave et de végétation: ce n’est pas un toit, c’est un balcon sur la vallée.
Ancré dans le calcaire, couronné de roches de lave et de végétation: ce n’est pas un toit, c’est un balcon sur la vallée.
© Jean-Pierre Gabriel

Coup de foudre

Il a fallu une vingtaine d’années avant qu’un nouveau projet voie le jour, à savoir l’arboretum de Marche, un joyau en devenir déniché dans les contreforts de l’Ardenne par Guy de Brocqueville, président de la Fondation Arboretum Wespelaar. "Dès les premiers instants, j’ai été bluffé par cette vallée qui se déployait sous nos yeux, un véritable écrin marqué par une belle déclivité. Le point le plus haut sur le toit du bâtiment est à 307 mètres et le plus bas, à 235 mètres."

"Nous sommes dans des univers différents», explique Christophe Crock, chef jardinier de la Fondation. "La base de Wespelaar est un parc paysager du XVIIIe siècle ; les sols sont limoneux, lourds et acides. Il y a de l’eau en abondance. À Marche, on dispose d’une plus grande diversité: des roches calcaires, des vallées argilolimoneuses plutôt riches et des affleurements de schiste. L’eau y étant plus rare, nous avons creusé un chapelet d’étangs sous la guidance de l’association Natagora."

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Favoriser la biodiversité

"Nous avons pu acquérir 73 hectares d’un seul tenant, un paysage qui se déploie presque entièrement sous nos yeux du haut de la colline", précise Philippe de Spoelberch. "L’arboretum proprement dit compte 20 hectares que nous avons clôturés pour éviter qu’il soit envahi par les sangliers. Le reste est géré avec la complicité des fermiers du voisinage."

Cinq hectares d’épicéas ont été abattus pour faire place à une prairie naturelle. La couverture superficielle du sol a été enlevée. Cette technique -on parle d’étrépage- permet de  "réveiller" les graines endormies dans le sol. Le résultat ne s’est pas fait attendre; en peu de temps on a dénombré 11 des 15 espèces d’orchidées sauvages de Belgique, réapparues spontanément. "Nous accompagnons aussi la nature. Toujours sur les conseils de Natagora, qui œuvre à favoriser la biodiversité, nous avons semé une prairie avec des plantes typiques de la Famenne. C’est aussi là que nous allons installer une partie de la collection d’aubépines."

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 Pour le toit végétalisé, l’architecte Christophe Crock a choisi des plantes qui reflètent la nature environnante: des graminées et des plantes vivaces.
Pour le toit végétalisé, l’architecte Christophe Crock a choisi des plantes qui reflètent la nature environnante: des graminées et des plantes vivaces.
© Jean-Pierre Gabriel

La flore indigène ne compte que deux aubépines – l’aubépine épineuse et l’aubépine monogyne (Crataegus laevigata et Crataegus monogyna) –, alors qu’on en dénombre deux centaines sur la planète, dont la moitié originaire du sud-est des États-Unis. "Une cinquantaine sont d’ores et déjà dans nos pépinières", se félicite Philippe de Spoelberch. «Elles seront plantées soit en solitaire, soit en petits groupes, l’idée étant de les assembler par lieux d’origine, selon le principe de l’arboretum géographique. D’autres plantations sont programmées: sur un des flancs de la vallée, dans un lieu bien visible depuis le centre d’accueil, nous allons créer un ensemble que j’appelle "Nouvelle-Angleterre», en référence aux couleurs d’automne qui font la beauté de ces paysages. Il y aura donc une collection d’érables, mais aussi des Nyssa, des Liquidambar et d’autres."

Visite-surprise

Ce qui vaut le détour dès aujourd’hui, c’est le monument végétal conçu conjointement par l’architecte Gauthier Wislez et l’architecte de jardins Christophe Crock, à savoir le centre d’accueil emmitouflé dans un jardin de graminées et de vivaces. Au sujet de ce dernier, Gauthier Wislez explique que "le bâtiment même est partiellement inséré dans la colline calcaire, mais ses deux étages dépassent de sept mètres le niveau existant. Nous y avons logé un auditorium, une grande cafétéria, des logements de fonction et d’accueil pour les chercheurs qui y séjournent. Le positionnement est aussi important, car je ne souhaitais pas qu’on le découvre au premier regard. Pour ménager la surprise, on y pénètre par une sorte d’entonnoir et c’est seulement en progressant à l’intérieur que la vue s’offre au regard. La terrasse a volontairement été placée vers l’Ouest pour n’entraver en rien la vue."

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Enfoui sous une épaisse couche de terre et de pierres de lave, le bâtiment accueille un jardin dans lequel une promenade sur le toit a été ménagée, offrant à son tour une découverte du paysage. Christophe Crock raconte: "J’ai opté pour des ensembles de plantes qui imitent la nature environnante. En effet, comme dans les prairies des alentours, j’ai utilisé plusieurs graminées, ponctuées de vivaces, qui agrémentent les différentes saisons durant lesquelles l’arboretum est ouvert au public. Parmi ces dernières, il y a même des ancolies (Aquilegia) dont les graines ont été récoltées sur le domaine. Dans les zones d’ombre près du sas d’entrée on trouve une plantation de type forestière avec un mélange de fougères, d’Hellébores orientalis ainsi que, par exemple, l’opulent feuillage de Hosta Sum and Substance."

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On entre dans le centre d’accueil par une sorte d’entonnoir et on découvre alors la vue sur la vallée, belle comme un plan de cinéma.
On entre dans le centre d’accueil par une sorte d’entonnoir et on découvre alors la vue sur la vallée, belle comme un plan de cinéma.
© Jean-Pierre Gabriel

"Ce lourd toit végétal", conclut Gauthier Wislez, "complète l’importante isolation thermique du bâtiment. Dans ce lieu, la durabilité s’imposait comme un des piliers de notre approche."

La climatisation est réalisée par une pompe à chaleur géothermique, avec une ventilation à récupération d’énergie et des panneaux solaires. Un puits a été creusé et les eaux de pluie sont collectées, autant d’éléments qui valorisent les ressources qu’offre le site.

Et l’architecte de conclure: "Ce projet nous a été confié parce que notre point de départ était d’effacer le bâtiment dans son environnement. Il n’est pas terminé; le temps et la nature feront leur œuvre. Plus il sera immergé dans les plantes, mieux ce sera."

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