De Porsche à la Coccinelle | Restaurer des voitures malgré la sclérose en plaques

L’univers des collectionneurs est fait de rêves, de possessions et (parfois) d’obsessions. Cette semaine, Jan Geenen, un passionné de voitures.

"En 1999, suite à un accident, je suis devenu presque aveugle. Convaincu que je ne pourrais plus m’occuper de mes voitures, j’ai décidé de vendre ma collection de treize Volkswagen Coccinelle, toutes fabriquées entre 1950 et 1957." Jan Geenen a néanmoins gardé quelques voitures qui lui sont chères. "Je n’ai jamais pu me résoudre à me séparer de ma Coccinelle 1303 Cabriolet (1976), que j’ai depuis l’âge de 18 ans. À 14 ans, j’avais déjà une Coccinelle pour faire du cross-country."

Il oublie sa Coccinelle jusqu’en 2017, quand on lui diagnostique une sclérose en plaques primaire progressive. "La forme la plus sévère", précise-t-il. "Curieusement, c’est à ce moment-là que ma passion pour les voitures s’est ravivée. La Coccinelle a été intégralement restaurée. J’ai refait le châssis moi-même, en reprenant chaque point de soudure. J’ai également réalisé la finition de la carrosserie. L’habitacle et les portières sont neufs. Aujourd’hui, ce sont des amis qui m’emmènent faire des tours dans cette voiture."

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La Porsche 912 de 1964 est la pièce maîtresse de sa collection.
La Porsche 912 de 1964 est la pièce maîtresse de sa collection.
©Alexander D'Hiet

Pilotes en herbe

Au centre de la meilleure pièce de la maison trône une microcar. "Douze exemplaires de ce modèle ont été construits à Namur pour une campagne publicitaire de BP, destinée à initier les jeunes à la conduite et à les sensibiliser aux dangers de la route", explique Geenen. "Ils participaient à des courses sur des circuits balisés avec des bottes de paille. Le championnat s’appelait ‘La route des jeunes BP’. Les jeunes pilotes recevaient ensuite un certificat, une sorte de permis de conduire."

"Je ne vois plus rien, mais je me souviens de tout et je travaille au feeling."
Jan Geenen

Cette petite voiture est équipée de ressorts hélicoïdaux, de freins à tambour et d’un moteur NSU deux-temps de 175cm³, permettant d’atteindre 40km/h. "Je l’ai dénichée il y a plus de 40 ans, à Olmen. Ensuite, elle a passé 35 ans au grenier. Après mon diagnostic, j’ai entrepris de la restaurer. J’ai martelé la carrosserie à la main – je suis carrossier de formation. Récemment, j’ai retrouvé le premier propriétaire, un certain Hubert Ackx, qui avait remporté le championnat de Belgique avec cette voiture en 1964. Malheureusement, il est décédé dans un accident de la route en 1973. À Meerhout, sa tombe est ornée d’un beau portrait sculpté. Sa fille Bieke est venue me rendre visite le mois dernier. Ce fut une rencontre émouvante: elle n’avait que trois mois quand son père est décédé."

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La microcar (avec un moteur NSU deux-temps de 175 cc qui atteint 40 km/h) a servi lors d’une campagne de publicité BP pour les jeunes conducteurs.
La microcar (avec un moteur NSU deux-temps de 175 cc qui atteint 40 km/h) a servi lors d’une campagne de publicité BP pour les jeunes conducteurs.
©Alexander D'Hiet

Jan Geenen

60 ans, ancien mécanicien.

La première: VW Coccinelle années 70 "pour faire du cross-country".
La meilleure: Citroën DS (+/- 1972).
La pire: Mercedes-Benz W123 220D (+/-1976).
Vendues à regret: treize Coccinelles (1950-1957).
Le rêve: Porsche 912 (1964).

Il nous emmène dans un premier garage. Partout, des voitures à pédales, des miniatures et des objets de collection – des armoires pleines. Des babioles comme il les qualifie. Nous découvrons aussi de vieilles horloges de Volkswagen et des Legos des années 50, des objets qui atteignent aujourd’hui des prix fous. Sa dernière acquisition? La petite broche BP que recevaient les jeunes pilotes à l’époque. Il nous la montre, même s’il ne peut la voir. "Bruno, un ami collectionneur de voitures anciennes, lui aussi pratiquement aveugle, m’aide à les repérer et à les acheter", explique-t-il.

La Volkswagen Karmann Ghia Type 14 (1968).
La Volkswagen Karmann Ghia Type 14 (1968).
©Alexander D'Hiet
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Cette petite voiture a été estimée à 16.000 euros. "Je pourrais la vendre tout de suite, mais je ne le ferai pas", déclare Geenen. "Acquérir les accessoires qui vont de pair, c’est autre chose: c’est un sujet sensible. J’ai un moment pensé offrir cette petite voiture à Bieke, mais comme moi, elle n’a pas d’enfants. Or je souhaite que cette voiture se retrouve entre de bonnes mains."

Au feeling

"Je n’arrive pas non plus à me séparer de mes voitures", avoue-t-il. "Elles viennent toutes de leur premier propriétaire." Dans le salon, le père de Geenen contemple silencieusement le jardin, où est garée une Volkswagen Karmann Ghia Type 14 (1968). "C’est la voiture qu’il a toujours conduite. Quand j’avais 18 ans, nous l’avons restaurée ensemble. Je l’ai à nouveau restaurée en 2018 et 2019. Elle est presque entièrement d’origine, y compris le moteur et l’habitacle."

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La coccinelle 1303 Cabriolet de 1976 a été sa première voiture de tous les jours: elle incarne, à ses yeux, ses jeunes années.
La coccinelle 1303 Cabriolet de 1976 a été sa première voiture de tous les jours: elle incarne, à ses yeux, ses jeunes années.
©Alexander D'Hiet

Nous migrons lentement vers le grand garage au fond du jardin. Sur le pont élévateur repose une Karmann Ghia Type 34, également de 1968. "Je l’ai depuis l’âge de 17 ans. Elle est restée longtemps telle quelle et puis, il y a quelques années, j’ai décidé de la restaurer. Je me fais aider par un garagiste et un carrossier, mais c’est moi qui ai refait le châssis, entièrement. Je ne vois plus rien, mais je me souviens de tout et je travaille au feeling, comme pour desserrer et serrer une vis. La plupart du temps, je fais le boulot dans mon fauteuil roulant. Mes médecins disent que bouger beaucoup les mains me permet de gagner un peu de temps, mais malheureusement, ma main droite me trahit de plus en plus souvent; je dois donc pouvoir compter davantage sur ma main gauche."

"Le VW Caddy (1989) – un pick-up basé sur la Golf I – est entré dans la famille il y a trente ans, et il est encore immatriculé. C’était notre petit utilitaire pour transporter du matériel. Je ne prévois pas de le restaurer. Quant au Volkswagen T1 (1963), j’y travaille depuis trois ans déjà. Ce minibus était en très mauvais état, mais là, la carrosserie est terminée et il partira bientôt pour le montage des essieux. Ensuite, je me chargerai moi-même de l’électricité, du montage de la boîte de vitesses et des finitions."

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Cette Karmann Ghia Type 34 (1968) lui appartient depuis qu’il a 17 ans.
Cette Karmann Ghia Type 34 (1968) lui appartient depuis qu’il a 17 ans.
©Alexander D'Hiet

Il y a quelques semaines est arrivée une Porsche 912 bleue (1964), une voiture qu’il dévoile avec fierté. Avec son moteur boxer quatre cylindres, ce modèle avait été lancé comme une alternative plus abordable à la 911 à l’époque. "C’était mon rêve absolu", confie-t-il. "Le moteur est dérivé de celui de la Porsche 356, et donc aussi de la Volkswagen Coccinelle. De plus, sa carrosserie a été construite chez Karmann, ce qui fait qu’elle s’intègre parfaitement dans ma collection. C’est l’un des premiers cinq cents exemplaires, reconnaissable à son tableau de bord en métal. C’est une voiture qui appartenait à un Belge et qui a passé 35 ans dans une grange. Je l’ai payée 15.000 euros, plus 8.000 pour le moteur. J’en connais une qui se trouve dans un état bien pire qui est proposée à 32.000 euros."

Le plancher est comme du gruyère, troué de partout. "Je compte m’y atteler au milieu de l’année prochaine, quand les autres projets seront terminés. Je pense qu’il me faudra entre un an et demi et deux ans pour la restauration. Reste à savoir si j’en aurai le temps: la vie est imprévisible. Mais, au moins, j’ai encore des projets qui me motivent."

©Alexander D'Hiet
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