L'architecte Carola Fumarola a acquis une belle demeure du XVe siècle à Bologne, qu'elle a transformée en home studio ludique et coloré plein de caractère et de bestioles en tout genre.
De beaux volumes et des hauteurs sous plafond imposantes caractérisent ce bâtiment fin XVe, où des interventions issues de différentes périodes historiques ont été révélées et sublimées par des touches de couleurs peps et des pièces à thème, apportant personnalité et chaleur. Cette maison-atelier singulière est celle de l’architecte Carola Fumarola, originaire de Turin et installée à Bologne, et de son fils Andrea. La vocation initiale de Carola pour la restauration s’est élargie à une passion pour le design (elle est la fondatrice du studio Arcade).
"Situé dans le centre historique de la ville, à environ un kilomètre du cœur médiéval de la piazza Maggiore, cet appartement composé de deux unités contiguës se trouve dans un bâtiment de la fin du XVe siècle aux influences baroques et néoclassiques", explique la propriétaire. "Quand j’ai découvert ce lieu, il était inhabité et abandonné. Il avait appartenu à une famille noble désargentée. L’ensemble dégageait un charme singulier et offrait un potentiel immense pour une interprétation créative."
L’ancien dialogue en harmonie avec le contemporain.
Carola a eu un coup de cœur. "J’ai immédiatement senti que cet espace serait idéal pour mon épanouissement professionnel, tout en me servant de refuge personnel. Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est l’abondance de lumière naturelle grâce aux grandes fenêtres donnant sur le jardin intérieur, apportant à la fois intimité et silence – même au cœur d’un contexte urbain aussi dense."
La clé d'une restauration réussie
La transformation n’a pas été une tâche aisée et s’est déroulée en deux phases: d’abord, la restauration de la structure existante, dissimulée sous les modifications successives qui se sont accumulées au fil des siècles; ensuite, le relooking. "Il a fallu deux ans de travail pour restaurer les fresques et les finitions, ainsi que pour moderniser les infrastructures du bâtiment. Les restaurateurs ont eu pour mission de dévoiler les décorations des XVIIe et XVIIIe siècles, en partie masquées sous des enduits à la chaux du XIXe siècle.
La phase de conception, que j’ai personnellement supervisée, a duré environ un an et a nécessité l’autorisation de la Surintendance, car le bâtiment est classé. Pour moi, la clé de la réussite d’une restauration consiste à respecter l’environnement dans lequel on intervient. Ici, le projet a été validé précisément en raison de son approche conservatrice. Par exemple, nous avons fait un choix audacieux: restaurer la hauteur totale des plafonds en supprimant les faux plafonds non décoratifs, révélant ainsi les poutres." Ce choix est particulièrement visible dans la chambre de son fils, où les poutres d’origine créent un contraste harmonieux avec un mobilier plus minimaliste.
La rénovation a abouti à une séparation nette entre les espaces partagés, consacrés à l’atelier, et les zones privées. "Je souhaitais une maison-atelier: un esprit créatif ne s’arrête jamais, chaque instant étant une occasion de s’exprimer par le travail. La priorité: concevoir des espaces représentatifs pour la socialisation et les échanges d’idées."
Lors de la deuxième phase s’est basée sur la réinterprétation contemporaine de l’atmosphère envoûtante propre aux demeures historiques. "Le défi a été d’y intégrer des interventions contemporaines, en jouant sur le contraste entre ancien et nouveau, mais aussi - et surtout- les couleurs." L’entrée a été tapissée de papier peint Mooi; la pièce violette s’articule autour d’un canapé de Patricia Urquiola pour B&B Italia et d’un miroir en hommage à Man Ray; la pièce rouge se pare de meubles laqués assortis au plafond.
Une maison bestiaire
"Bien que je sois fan du minimalisme et adepte du monochrome, j’ai voulu m’inspirer de l’harmonie et de la palette chromatique propres à chaque pièce. Je me suis limitée à disposer quelques objets et du mobilier en bois sur mesure pour faire écho à la couleur de base de chaque espace afin que chaque pièce réserve une surprise. Au fil des ans, j’ai collectionné des objets et du design, comme la ‘Horse Lamp’ et la ‘Piggy Table’ de Mooi, des chevaux en céramique, des chevaux de manège, des tables aux pattes de poule… Ici, les animaux sont omniprésents - même le papier peint du couloir, ‘Wallcovering Extinct Animals’, s’inscrit dans cette thématique avec ses motifs d’animaux préhistoriques."
L’excentricité de ce "bestiaire privé" apporte une légèreté qui tempère le caractère imposant des salons. "Oui, je souhaitais un espace privé et un espace professionnel qui échappent au pompeux pour privilégier un esprit ludique. Cet effet est renforcé par le contraste entre les surfaces brillantes réfléchissantes et celles aux textures mates rugueuses."
Seule concession à la monochromie: le dressing, surnommé "queen of squares", car il est habillé de losanges noirs et gris faisant écho aux carreaux géométriques de la cuisine, un motif composé de "losanges agencés de manière à créer un effet tridimensionnel, comme dans une œuvre d’Escher."
La pièce préférée de la propriétaire est la cuisine. "En bonne Italienne du sud, j’adore cuisiner et partager des moments de convivialité. Malheureusement, les deux confinements liés à la pandémie nous en ont privés. Ce projet représente pour moi une renaissance après une période personnelle particulièrement difficile. Nous organisons dans cet espace à nouveau ouvert vers le monde des rencontres autour de la cuisine italienne authentique, ‘préparée et dégustée à la maison’ pour des groupes d’étrangers, ainsi que des événements consacrés à l’architecture, à l’art et au cinéma."