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interview

"La solution doit venir d'en bas"

Véhicules électriques, batteries domestiques, compteurs et réseaux intelligents: tout existe déjà même s’il est difficile d’identifier le rôle que ces solutions sont appelées à jouer dans notre futur énergétique. Chez EnergyVille, des chercheurs et des ingénieurs du VITO et de la KU Leuven tentent de prévoir la nouvelle réalité à l’aide d’une analyse des systèmes d’énergie durable.

EnergyVille: cette dénomination futuriste cache un projet qui ne l’est pas moins. En réalité, il n’existe pas de projet plus ambitieux en matière de transition énergétique! Au sein d’EnergyVille, la KU Leuven, imec et l’Université de Hasselt combinent leurs activités de recherche fondamentale à l’expertise appliquée du VITO, l’Institut flamand pour la recherche technologique. "Cette collaboration nous renforce", assure Bert Gysen, COO d’EnergyVille, qui dirige également l’unité Technologie de l’énergie au VITO.

"Dans la recherche appliquée, nous rencontrons parfois des problèmes fondamentaux. Grâce à un vivier de 60 à 80 doctorants, nous pouvons dégager du temps pour analyser ces problèmes. En retour, nous amenons la recherche fondamentale à un niveau technologique plus élevé."

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"Nous pourrons extraire jusqu’à 20% de plus d’une batterie."

Bert Gysen
COO EnergyVIlle

Si une transition vers un système énergétique pleinement durable est aujourd’hui possible, c’est grâce au bond technologique opéré à la fois dans la production, la distribution, le stockage et l’utilisation de l’énergie. Les pierres angulaires de ce nouveau système énergétique -véhicules électriques, stockage d’énergie, production décentralisée, réseaux intelligents- sont encore en pleine évolution. EnergyVille cherche à améliorer chacune d’entre elles et à développer des scénarios afin de les assembler au mieux.

Bornes de rechargement

Parmi ces projets futuristes, on peut citer la recherche sur la durée de vie des batteries. Dans le cas des véhicules électriques, elle pourra être mise à profit pour en accroître l’autonomie. "Nous travaillons sur des algorithmes capables de suivre et de gérer ‘l’état de santé’ d’une batterie avec une grande précision", confirme Bert Gysen. "De cette manière, nous pourrons en extraire jusqu’à 20% d’énergie en plus."

Or, l’autonomie constitue précisément l’un des obstacles les plus importants à la percée décisive des véhicules électriques. Ceci dit, un petit changement de mentalité suffirait sans doute à contourner cet obstacle: "Une voiture est à l’arrêt 90% du temps. Si ce temps était exploité pour recharger sa batterie, l’autonomie ne poserait aucun problème. Même lorsque nous parcourons de plus longues distances, nous nous arrêtons toutes les deux heures pour prendre un café: pourquoi n’en profiterions-nous pas pour recharger la batterie?"

"Le modèle commercial ne suit pas l’évolution technologique."

Il faut donc qu’il y ait un grand nombre de bornes de rechargement dans les parkings, sur les lieux de travail, à domicile, mais aussi sur les routes, sous forme de stations de rechargement rapide. "Elles font l’objet de recherches", ajoute le COO. "L’électricité produite localement peut-elle venir de panneaux photovoltaïques? Comment raccorder ces stations de rechargement rapide au réseau sans le surcharger? Est-il possible de développer un modèle plus efficace grâce aux voitures électriques? Comment recharger les bus électriques rapidement et sans contact? Ces problèmes ne sont pas insurmontables. En fait, nous pouvons déjà les résoudre via la recherche."

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Le dernier obstacle à la percée de la voiture électrique est son prix. "Son entretien revient nettement moins cher que celui d’un moteur à combustion, mais ces faibles coûts opérationnels ne suffisent pas à compenser la différence de prix actuelle, qui peut atteindre 20.000 euros", regrette Bert Gysen.

Fournisseur d’énergie

Un véhicule électrique pourrait assumer un autre rôle: celui de fournisseur d’énergie. La batterie d’une Tesla atteint 85 kWh, dix fois plus que la consommation électrique quotidienne d’un ménage moyen. "Il est possible de mettre votre batterie à la disposition du réseau, mais, sans réglementation en la matière, c’est compliqué. Que se passera-t-il en cas de dommages à la capacité de rechargement d’une batterie?"

Les batteries domestiques se heurtent à des écueils similaires. Depuis le lancement du Powerwall de Tesla, par exemple, le stockage de l’énergie produite à domicile est possible. En théorie, cela devrait être le chaînon manquant entre les panneaux photovoltaïques qui atteignent un pic de production en journée et la consommation après le coucher du soleil. "Toutefois, le modèle commercial ne suit pas l’évolution technologique", nuance Bert Gysen.

"Tant que nous aurons des compteurs bidirectionnels, c’est le réseau qui fera office de lieu de stockage. Et une batterie domestique à 7.000 euros restera difficile à rentabiliser." Il faudra donc attendre que les prix baissent et que l’on opte résolument pour un marché basé sur la demande, ou ’demand-side management’, pour que les batteries puissent remplir leur rôle de colonne vertébrale de la gestion de l’énergie. "C’est déjà le cas en Allemagne", remarque le spécialiste. "On pénalise les réinjections sur le réseau et on favorise la consommation d’énergie propre. Dans ce contexte, les batteries représentent une solution envisageable."

Aucun problème n’est insurmontable

La distribution d’énergie subit elle aussi un changement d’habitudes radical. EnergyVille mène des recherches sur les réseaux DC, des réseaux à courant continu qui doivent remplacer les réseaux à courant alternatif actuels. "Une part croissante de notre technologie domestique fonctionne sur courant continu: téléphones, ordinateurs, tablettes, éclairage LED… Aujourd’hui, il faut passer par un transformateur. Un réseau DC est porteur de nombreuses possibilités si on l’introduit au niveau local et que l’on développe un modèle commercial sur cette base."

Dans le nouveau monde de l’énergie, l’équilibrage du réseau devient crucial. Les consommateurs petits et grands se métamorphosant en producteurs et disposant de capacités de stockage, on sera rapidement confronté à des problèmes trop complexes pour qu’ils puissent être résolus au niveau global. "La solution doit venir d’en bas", estime Bert Gysen.

"L’équilibrage des réseaux doit se faire à l’échelle d’un quartier. Sources et stockages décentralisés doivent être mis en équilibre dans un modèle souple. Si l’on y parvient, il n’y aura plus aucun problème insurmontable au niveau d’une ville ou même d’une région plus étendue."

Approvisionnement énergétique durable dans les villes.

Une ville pourrait-elle passer au ‘tout renouvelable’? Si l’on tient compte de l’état actuel des recherches, la réponse est oui, à une condition: il faut une réglementation qui ose opter pour l’intégration des sources décentralisées dont nous disposons aujourd’hui. Car si la technologie existe ou est en phase test, nous n’avons aucune certitude au sujet des modèles commerciaux dans lesquels elle pourra s’épanouir.

EnergyVille construit au Thor Park de Genk une ‘zone à régulation limitée’, une expérience où il est possible de confronter la technologie à un concept commercial en circonstances réelles. "Dans ces living labs, nous étudions qui doit jouer tel rôle en collaboration avec des clients, des gestionnaires de réseaux de distribution et des fournisseurs de technologie", explique Bert Gysen (EnergyVille et VITO). "Qui facture quoi à qui? Sans modèle commercial, la technologie ne pourra pas jouer son rôle."

Dans cette expérience, une position centrale est attribuée à la plateforme ICT capable de piloter un système multi-énergies intégré. L’un des grands projets mis en oeuvre par le VITO, la KU Leuven, imec et l’Université de Hasselt a pour nom ‘Vers un approvisionnement énergétique durable dans les villes’. Outre le stockage et les réseaux intelligents, on y étudie le ‘photovoltaïque intégré aux bâtiments’.

Ces panneaux solaires peuvent être montés sur les façades pour exploiter les rares rayons du soleil qui pénètrent dans les villes. Cela dit, les recherches s’orientent aussi vers les réseaux de chaleur, une technologie un peu négligée aujourd’hui, en particulier en Flandre. "La demande d’énergie sous forme de chaleur est nettement supérieure à la demande d’électricité", ajoute Bert Gysen.

"Un réseau de chaleur aussi efficace que possible et un stockage de chaleur à sa mesure comptent parmi nos priorités en matière de recherche. Il s’agit également de rendre les réseaux de chaleur et d’électricité suffisamment flexibles pour instaurer des interactions. Et, à nouveau, il reste à développer le modèle économique idéal pour cette technologie ‘power-to-heat’."

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