Ciblé, bon marché et excellent
Au cours des prochaines années, le secteur de la santé va devoir relever un défi ambitieux: ses tâches vont se multiplier et son budget devra être maîtrisé.
On estime qu’à la fin de la décennie, 11% de la population mondiale sera âgée de plus de 65 ans. En Europe, ce pourcentage sera même deux fois plus élevé. Conséquence: les dépenses en soins de santé vont être sous pression à cause du nombre de personnes souffrant de maladies cardiovasculaires, diabète, obésité et même démence. Le côté positif, c’est qu’en moyenne plus de personnes resteront plus longtemps en bonne santé. Le développement de nouveaux traitements et de technologies innovantes devrait continuer à y contribuer.
Le défi majeur de ce secteur au cours des prochaines années sera de limiter les coûts tout en améliorant la qualité des soins. Comment faire? En misant sur l’innovation, l’efficacité, les modèles de paiement alternatifs et les traitements plus ciblés.
1 - Prévention
En matière de santé, une de meilleures façons de faire des économies, c’est de miser sur la prévention et, le cas échéant, de réagir rapidement en cas de maladie. La technologie mobile adaptée aux soins de santé permet déjà de se faire une idée de son état de santé. Le consultant berlinois d’applis mobiles Research2guidance estime que, d’ici à 2018, la moitié des utilisateurs de smartphones auront installé des applis mHealth.
Qu’il s’agisse d’une application de base, comme celle qui récolte les données relatives aux calories, aux glucides, au sel et aux graisse absorbées quotidiennement, ou d’un appareil à connecter à un smartphone pour mesurer des paramètres comme la température, le rythme cardiaque, la tension artérielle et le taux d’oxygène dans le sang. Des outils comme l’Apple Watch ou le Fitbit n’enregistrent pas seulement les prestations sportives: elles servent aussi à des applications médicales sans pour autant en faire des instruments de mesure médicale à part entière.
Par exemple, l’Apple Watch ne donne pas d’informations sur le dosage de médicaments ni sur des affections médicales spécifiques. En revanche, d’autres outils offrent cette possibilité, comme l’Embrace Watch d’Empatica qui permet de détecter les crises d’épilepsie chez ceux qui en souffrent et d’avertir leur entourage.
2 - Connected health
Ceci nous amène à la santé connectée, soit ‘connected health’ ou cHealth. La technologie permet aux patients et aux prestataires de soins de santé d’être joignables partout et toujours ce qui ouvre la porte au diagnostic, au traitement et au suivi à distance. Les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques comme le diabète pourront retarder leur admission à l’hôpital ou même la postposer grâce à ce suivi à domicile. L’expérience de Banner Health montre que des économies importantes peuvent être réalisées de cette façon.
"Sous peu, chaque patient bénéficiera d’une thérapie personnalisée administrée où et quand c’est nécessaire et dans la juste posologie."
En effet, il y a quelques années, l’assureur américain a fourni des tablettes numériques à ses assurés dépendants des soins chroniques les plus chers. Grâce à des applis de santé et à des outils connectés comme des brassards de tension artérielle et des balances, on peut surveiller l’état de sa propre santé. En cas de problème, l’assuré prend contact avec une équipe de soins, toujours via sa tablette. Depuis que Banner Health a lancé ce projet, en 2013, le nombre d’hospitalisations de ces personnes a reculé de 45% et le montant des soins, de 27%.
3 - Médecine de précision
La maladie est une affaire personnelle. Par conséquent, les traitements devraient l’être aussi. Des études ont montré que 30 à 40% de patients qui prennent des médicaments subissent plus d’effets négatifs que positifs, ce qui est évidemment néfaste, tant sur le plan thérapeutique que financier. Des thérapies ciblées sur base d’un test de diagnostic génétique aident les médecins à choisir le meilleur traitement. Grâce au décryptage du génome humain et à l’évolution vers une médecine de précision, chaque patient peut bénéficier de la bonne thérapie au bon moment, au bon endroit et dans la bonne posologie.
Par contre, pour la société, le coût d’un tel système est élevé. Plus on évolue dans le sens d’une médecine de précision, plus les patients vont être catégorisés. Les entreprises pharmaceutiques vont développer des médicaments spécifiques pour telle ou telle catégorie, ce qui augmentera leur coût.
4 - No cure, no pay
Dans leur volonté de réaliser des économies, les autorités ont tendance à faire endosser la responsabilité aux fournisseurs de produits et de services de soins de santé. L’idée est d’accorder leurs intérêts à ceux des patients et ce, au meilleur coût. Certains pays adhèrent déjà au ‘no cure, no pay’, comme l’Italie, mais ils sont rares. Dans ce cas, l’assurance maladie n’intervient que si le traitement porte ses fruits. Autre concept apparenté, celui du ’outcome based pricing’. Plus un médicament est efficace, plus les autorités seront d’accord d’intervenir financièrement.
"De plus en plus de gens veulent gérer eux-mêmes leur dossier de santé."
Dans le ‘value based contracting’, les fournisseurs marquent leur accord de réduire le prix de leur produit s’il ne répond pas à des standards de performance préalablement établis. Dans le cas d’appareils médicaux par exemple, le fournisseur s’engage à rembourser la différence si les frais engagés n’ont pas baissé dans la proportion annoncée.
5 - Données médicales
Actuellement, les données médicales sont éparpillées entre différents établissements de soins. Il se peut ainsi qu’on hôpital liégeois n’ait pas accès aux résultats de CT scans effectués à Bruxelles, ce qui peut engendrer des retards, voire une répétition de l’examen. Les patients se montrent de moins en moins compréhensifs à l’égard de ces pertes de temps et d’argent. “Les patients pourraient exiger de gérer leur propre dossier médical, et cela plus rapidement que certains ne le pensent”, comme l’expose un rapport sectoriel du consultant Deloitte.
Les utilisateurs pourraient avoir accès à leurs informations personnelles en matière de santé via des plateformes. Ils pourraient aussi y trouver des conseils sur la manière de gérer une dépression par exemple ou ce à quoi ils doivent être attentifs en cas de maladie cardiaque. Pour que cette plateforme soit un succès, il faut qu’elle reprenne toutes les données médicales personnelles. “Un patient âgé ne va pas s’enregistrer cinq fois sur les cinq portails de ses cinq médecins pour avoir un aperçu sur sa santé”, explique Nancy Fabozzi (consultant Frost & Sullivan).
Des banques de données de qualité permettent, elles aussi, de mieux soigner les patients. Dans un rapport sur les défis dans le secteur des soins de santé, PwC donne l’exemple de deux femmes de 57 ans souffrant d’asthme. “Dans une banque de données non-enrichie, elles sont virtuellement semblables. Par contre, si on tient compte d’autres données, reprises dans les notes manuscrites de leurs médecins par exemple et transposées en documents pdf, on apprend que l’une est une triathlète qui utilise un inhalateur uniquement avant de commencer son entraînement, alors que la deuxième l’utilise à la saison du rhume des foins. De nouveaux outils inclus dans les banques de données peuvent aider les médecins à distinguer ces deux patientes et les entreprises pharmaceutiques à mieux comprendre l’utilisation de leurs inhalateurs.”
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