Mozart au pinacle
"Je fonde une secte qui non contente de placer Mozart au pinacle, n’admet encore personne d’autre que lui." L’auteur de cette phrase est un philosophe danois du XIXe siècle qui s’est autant intéressé à la séduction qu’à la foi ou au désespoir. Considéré comme le père de l’existentialisme, Søren Kierkegaard n’était pourtant ni musicien, ni critique ou spécialiste d’esthétique. "Je connais fort bien mon ignorance en musique; je suis en ce domaine un profane." Pourquoi Mozart? Parce que ce dernier a fait de lui un être passionné, la passion étant le premier caractère de la subjectivité. Dans un texte sublime, Kierkegaard fait ainsi l’éloge du Don Giovanni, capable, selon lui, d’engendrer l’amour de l’existence. Par son pouvoir infini de séduction, la figure de Don Juan est absolument musicale. L’œuvre de Mozart ne désigne rien d’autre que la célébration de la puissance du désir. En ce sens, le rôle de l’opéra n’est pas de décrire des actions ou des situations mais de dévoiler cette passion irréfléchie. "Seule la musique est capable d’exprimer cette force inhérente à Don Juan, cette puissance souveraine, cette vie; et je ne sais la qualifier autrement que de gaieté débordante."