En 30 ans, Univeg est devenu un fournisseur de produits frais d’envergure mondiale. “Nous devons notre ascension à notre concept unique, pas à la croissance du marché.”
Au quatrième étage du quartier général d’Univeg à Wavre-Sainte-Catherine, le CEO Francis Kint a une vue imprenable sur une série d’entrepôts. “D’ici, vous avez un aperçu des nombreuses activités que nous exécutons chaque jour pour nos clients : la découpe de légumes (production de salades et légumes frais, coupés et emballés), un entrepôt de distribution pour nos produits locaux et produits importés de l’étranger, et un département d’emballage. À gauche, un centre logistique pour un client belge, où des commandes sont préparées et livrées aux magasins sept jours sur sept sur la base d’un assortiment de 4.500 références.”
“Chacune de ces activités a été développée à la demande du client. J’enfonce une porte ouverte en affirmant qu’il y a parfois de la friture sur la ligne entre les producteurs et les détaillants”, reconnaît Francis Kint. “Mais c’est la surproduction qui est à l’origine des prix bas, pas le retail.” Univeg a opté pour une stratégie différente. “Nous lions notre sort à celui de notre client”, explique Francis Kint.
“Chaque détaillant sait ce que veulent ses clients. Univeg veille à ce que leurs souhaits soient comblés. Aux Pays-Bas par exemple, nous avons des organisations de cultivateurs qui produisent pour une seule chaîne de magasins.” Ce partenariat permet de surfer plus facilement sur les tendances, poursuit le CEO. “Le Category Management des autres Fast Moving Consumer Goods (FMCG) est de plus en plus appliqué aux fruits et légumes frais. Mais les délais de réaction sont plus longs.
Nous constatons par exemple que les consommateurs abandonnent de plus en plus les pommes unicolores au profit de variétés présentant davantage de nuances de teintes. Dans la mesure où il faut cinq à six ans avant qu’un verger soit rentable, il faut planifier une telle évolution le plus vite possible avec son client.” Univeg n’a pas encore déployé ce modèle partout, mais c’est l’objectif. “Cela réduit également le gaspillage, parce que la production est plus adaptée au marché”, remarque Francis Kint.
Package complet
“Bien que le marché des fruits et légumes frais et des légumes surgelés n’ait pas enregistré de croissance en Europe occidentale ces dernières années, nous avons beaucoup progressé grâce à notre concept”, explique le fondateur et président Hein Deprez. “Au moment où tout le monde voulait contrôler le produit, nous nous sommes concentrés sur la relation avec la grande distribution.”
Les racines d’Univeg remontent à 1983, lorsque Hein Deprez a démarré une culture de champignons à Belsele. Il l’a développée progressivement pour en faire un acteur d’envergure mondiale dans le commerce des fruits et légumes. Aujourd’hui, l’entreprise emploie 8.000 personnes dans le monde. Elle compte à peu près toutes les chaînes de supermarchés européennes parmi ses clients.
“Nous sommes un acteur d’envergure mondiale parce que nos produits viennent du monde entier”, explique Francis Kint. C’est indispensable pour pouvoir proposer la gamme complète de fruits et légumes pendant toute l’année. “Par exemple, les litchis de Madagascar, qui sont très appréciés durant la période des fêtes, sont récoltés dans la nature par des dizaines de milliers de familles habitant de petits villages.”
Un secteur morcelé, condamné à la consolidation
“Nous formons le secteur le plus éclaté de l’industrie alimentaire”, explique Francis Kint. “En dépit de sa position de numéro trois mondial, Univeg réalise un chiffre d’affaires de “seulement” 3,1 milliards d’euros, alors que le marché total du commerce de gros des fruits et légumes dans l’Europe des 28 pèse 90 milliards d’euros. Il y a deux raisons à cela. D’une part, une production très morcelée, et d’autre part, l’absence de transformation du produit, ce qui réduit la nécessité d’économie d’échelle.”
“Le centre de gravité des activités de vente Univeg se trouve en Europe, et surtout dans le Benelux, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France”, poursuit Francis Kint. “Importer des fruits en Espagne, c’est comme importer du vin en France. Ils en ont plus qu’assez. Dans les pays du sud de l’Europe, nous nous concentrons surtout sur l’approvisionnement et les exportations.”
Le marché ne grandit peut-être plus, mais Hein Deprez voit toujours un énorme potentiel de croissance pour son entreprise. “En France, nous réalisons un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros. Si nous atteignons la même part de marché qu’en Belgique, il pourra être multiplié par 10. Idem au Royaume-Uni.”
Kiwis italiens
Chez Univeg, on est tout aussi attentif aux possibilités de croissance en dehors d’Europe. Ainsi, l’entreprise a créé une joint-venture sur le marché indien prometteur avec le groupe local Mahindra au début de cette année. Ce dernier détient une participation de 60% et fournit le réseau. Univeg, qui apporte le savoir-faire, importe principalement des raisins d’Inde : de manière assez étonnante, ce sont surtout les exportations vers ce pays qui offrent des possibilités. “Le consommateur indien veut parfois des fruits différents des mangues et des bananes qu’il peut obtenir sur le marché local”, explique Francis Kint.
“Nous y livrons déjà un large assortiment de produits, dont des kiwis italiens, par exemple.” Univeg fournit aussi des pommes et des poires en Inde, alors que ces fruits sont également cultivés sur le sous-continent. N’est-il pas plus facile de les transporter du nord vers le sud du pays ? “Eh bien non, cela va plus vite et c’est beaucoup moins cher de livrer des fruits argentins ou européens que du nord du pays dans le sud de l’Inde”, rétorque Hein Deprez.
“Les Belges ont trop tendance à réfléchir en fonction d’un petit pays, parce que c’est ce que nous connaissons. Mais la distance du nord au sud du Brésil est plus grande que celle qui sépare les fjords norvégiens des côtes espagnoles. Dans un monde plus vaste, on a besoin d’une logique différente.”