Conquérir le marché international, ou même national, avec son propre label n’a rien d’une sinécure. Pourtant, certaines entreprises parviennent à imposer des labels forts grâce à leur persévérance, leur vision et leur stratégie.
Soudal tente d’imposer son nom et son label sur la carte mondiale. Depuis sa fondation par Vic Swerts, en 1966, l’entreprise ne cesse d’étendre sa gamme de produits matériel de soudure, silicones, polyuréthane, mastic, colles et mousses. Dirk Coorevits, CEO : " Nous allons y ajouter du polyuréthane pour l’isolation de sols et des colles techniques. En parallèle, nous développons nos exportations en nous consacrant à la recherche et au développement. Aujourd’hui, le groupe Soudal réalise 600 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 2.000 personnes, dont 900 en Belgique. L’entreprise compte 44 filiales. Nous renforçons constamment notre propre label : l’objectif est qu’elle représente 75% du chiffre d’affaires. Cette stratégie permet de conserver son indépendance et d’améliorer sa notoriété. Nos produits se différencient plus de ceux de la concurrence. Nous produisons également pour des private labels, mais c’est le nôtre qui concentre l’essentiel de la croissance. "
" Actuellement, nous investissons au Brésil et aux États-Unis. Les moyens que nous récoltons sont affectés aux nouveaux marchés qui ont besoin de temps pour atteindre leur seuil de rentabilité. Sur nos marchés plus développés comme la Belgique, nous poursuivons le développement d’une gamme complète sous notre label afin que nos clients puissent faire du one-stop-shopping. Le client qui nous demande de produire sous private label n’est pas un pionnier. C’est nous qui le sommes. "
" C’est au sein de notre propre label que la croissance est la plus forte. "
Ceci dit, il n’est pas simple d’imposer son propre label sur la scène internationale. " Pour grandir rapidement, on peut avoir besoin des private labels. Parallèlement, il faut saisir la moindre opportunité pour placer son label dans les rayons. Cela demande patience et persévérance. Le développement international de notre label a pris des dizaines d’années. C’est peut-être plus facile dans une entreprise familiale, non cotée en Bourse ", poursuit Coorevits.
Soudal a recours au sponsoring sportif pour assurer sa promotion. Jusqu’il y a peu, ces activités se concentraient sur la Belgique - le club de foot de Westerlo et plusieurs courses de cyclo-cross -, mais lors de la prochaine saison, Soudal avec Lotto sera le sponsor principal d’une équipe cycliste belge présente dans les compétitions internationales. " Cette mesure doit nous permettre d’améliorer la notoriété internationale de notre label et soutenir notre expansion ", espère le CEO.
Placement de produit
Le fabricant de pain d’épices Vondelmolen aussi a décidé d’améliorer la notoriété de son label. À partir de cette saison télé, elle fera du placement de produit dans la série Thuis ( VRT) couplé à des promos. Jan Borms veut que le label se renforce en Belgique en vue des 150 ans de l’entreprise familiale, en 2017. " Nous misons sur la tradition et l’authenticité. Nous ne sommes pas une grande entreprise, ce qui nous oblige à produire pour des private labels à l’étranger et pour de grands détaillants. Nous avons besoin des deux, même si notre impact vient surtout de notre label car, c’est ainsi que grands clients nous choisissent. "
Vondelmolen a conquis une grande partie du marché français. " Cependant, notre nom n’évoque rien en France, comme en Wallonie d’ailleurs. Sur d’autres marchés, nous avons opté pour des private labels, mais nous proposons une recette complète avec notre savoir-faire. Cette stratégie englobe la composition et la recette, mais aussi les poids, les étiquettes et les emballages ", explique Marc Creupelandt, Business Manager.
" En tant que leader, un label propre est essentiel pour poser les balises du marché. "
" Les clients choisissent parmi les possibilités que nous proposons sous forme modulaire. Nous gardons ainsi le contrôle des recettes. En plus, nous proposons des sous-marques, afin que le boulanger ou le grossiste ne doive pas vendre nos pains d’épices sous la même marque que les supermarchés. Les recettes Vondelmolen ne sont vendues que sous notre label. C’est essentiel pour donner le ton en tant que leader ", poursuit Marc Creupelandt.
L’entreprise sponsorise aussi une équipe cycliste, Wanty Groupe Gobert. " Le pain d’épices est un aliment qui convient à la pratique de sports d’endurance. En plus, nous associons des actions pour les consommateurs avec l’équipe et les clubs cyclistes ont une ristourne sur leurs commandes de pain d’épices. Nous voulons convaincre les consommateurs que nos produits procurent de l’énergie et sont délicieux. "
Uniquement en Belgique
Peter Vermeiren, CEO du fabricant de spéculoos Vermeiren Princeps, est confronté à la même situation. Sous la pression des détaillants, ses propres labels ne sont plus disponibles sur le marché belge. Il se concentre sur les private labels. " Nous ne disposons pas des fonds nécessaires pour développer notre propre marque. Dans une niche comme la nôtre, les détaillants veulent la marque du leader dans leurs rayons et pas grand-chose d’autre. Avoir une marque propre exige beaucoup de moyens, une position commerciale unique et le moins possible de produits équivalents sur le marché. Et la promotion et les emplacements chez les détaillants sont chers. "
" Nous ne disposons pas des fonds pour établir et soutenir notre propre label. "
Cette décision de délaisser en grande partie sa propre marque ne s’est pas avéré préjudiciable aux exportations. Au contraire : cette année, Vermeiren a été nommée pour la troisième fois pour le Lion de l’Exportation du Flanders Investment & Trade. Outre les spéculoos, l’entreprise familiale fabrique de la pâte de spéculoos, une spécialité flamande qu’elle exporte dans 20 pays. En 2013, elle a doublé son chiffre d’affaires à près de 20 millions d’euros, dont 84% viennent des exportations.
Éléphant rose
Être petit par rapport aux mastodontes du secteur n’empêche pas toujours une expansion internationale sous ses propres labels. La Brasserie Huyghe, à Melle, qui a obtenu cette année une troisième nomination pour un Lion de l’Exportation, en est l’exemple. Huyghe est un brasseur familial indépendant qui propose une gamme de 36 variétés de bière, surtout des bières spéciales, dont la très célèbre Delirium Tremens et son éléphant rose. En 2013, le chiffre d’affaires a atteint près de 20 millions d’euros, dont 54% viennent des exportations (76 pays, dont plus de 50% hors UE).
Le CEO, Alain De Laet, a transformé une petite brasserie locale vieillotte en une véritable entreprise en pleine croissance. " Tout a commencé par la création de nouveaux labels propres, mais nous devions enregistrer une croissance plus rapide que le marché, de 10 à 15% par an, avec des volumes en augmentation constante. Nous avons eu besoin de 15 ans pour sortir du rouge, car nous avons continué à investir dans notre croissance, jusqu’à un quart du chiffre d’affaires par an. Un des piliers de notre stratégie était " vous demandez, nous brassons ". Nous ne produisons pas vraiment des marques B, plutôt des bières sous private label. Nous avons atteint l’équilibre financier en 2000. Entre-temps, nous avons développé des labels propres, mais pas encore en grands volumes. Ces derniers provenaient des bières de table, une niche dans laquelle nous comptons toujours parmi les cinq plus grands producteurs de marques B, avec une marge jouable. "
" Grâce à nos propres labels, nous devons de moins en moins négocier nos prix sur le marché international de la bière. "
Le changement de cap stratégique est intervenu en 2010. " Nous nous concentrons à présent sur nos marques : Delirium, Averbode et La Guillotine ", explique Alain De Laet. " La famille Delirium représente aujourd’hui 51% de notre chiffre d’affaires. Nous ne réfléchissons plus en hectolitres, mais en chiffre d’affaires : il a d’ailleurs explosé pour la Delirium. L’augmentation annuelle de l’EBITDA (de 27% en 2012 à 31% en 2014 et sans doute 35% en 2016), est attribuable aux private labels. Ceci étant, grâce à nos propres labels, nous devons de moins en moins négocier nos prix à la baisse sur le marché international. La particularité de notre produit nous permet de nous positionner à côté des autres bières, pas contre. "
" Nous nous rendons dans des salons et nous utilisons les médias sociaux. Nous avons également développé des variantes de la Delirium pour certains groupes cibles et certaines saisons, comme la Deliria pour les femmes et la Delirium Christmas. Et nous obtenons également de nombreuses récompenses qui nous apportent reconnaissance, confiance et attention de la presse. Si ça continue comme ça, nous n’aurons même plus besoin des banques pour continuer à investir. "
- 1. Cultivez l’art de la patience et les qualités du sportif d’endurance.
- 2. Saisissez la moindre opportunité de mettre votre label en avant.
- 3. Utilisez votre propre label pour montrer que vous êtes à la pointe : innovez sous votre label.
- 4. Exploitez une position unique sur le marché en trouvant des niches et des angles d’attaque et en les dépassant.
- 5. Ne misez pas tout sur le même cheval, mais continuez à combiner vos propres labels et private labels, sous-labels ou développement d’un propre label B.
- 6. Osez investir et encaisser des pertes temporairement (voire parfois même assez longtemps), tant que vous continuez à progresser.
- 7. Vous pouvez investir dans vos propres labels les profits que vous dégagez dans les labels B, mais restez attentif à la rentabilité qu’il faut développer petit à petit.
- 8. Exploitez aussi les particularités et la réputation de votre propre label sur le marché du label B.
- 9. Faites la promotion de votre label auprès de vos groupes cibles car vous seul êtes en position de le faire de la manière dont vous le souhaitez.
- 10. Utilisez votre stratégie de marque pour croitre et renforcer votre indépendance.