Détection plus rapide des risques, optimisation des flux de marchandises et vision claire de l'ensemble de la chaîne d’approvisionnement: la technologie cloud est en plein essor dans le secteur logistique. “Le potentiel est grand, à condition de ne pas avoir peur d'expérimenter”, déclare la professeure Ann Vereecke.
Si la crise sanitaire a mis en suspens les tests et autres projets-pilotes, il s'agit d'un phénomène temporaire. “Grâce à la numérisation, les entreprises peuvent réduire leurs coûts et accroître leur efficacité”, souligne Ann Vereecke, professeure de gestion des opérations et de la chaîne d’approvisionnement à la Vlerick Business School et à l'Université de Gand. “Parallèlement, elles sont mieux préparées à répondre aux besoins de leurs clients.”
Ann Vereecke constate également une prise de conscience croissante dans la chaîne logistique. “De nombreux projets de numérisation visent à améliorer la ‘visibilité’, c’est-à-dire à cartographier l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Si quelque chose tourne mal, vous pouvez réagir et corriger le tir rapidement. Avec, à la clé, un avantage certain à long terme, puisque, grâce à la force de la numérisation, on peut surveiller la chaîne d'approvisionnement et détecter les risques potentiels pour les ‘tuer dans l'œuf’.”
Chargement et déchargement
Une meilleure vue de la chaîne logistique permet aussi d'optimiser les flux de la chaîne d'approvisionnement. En outre, la numérisation encourage vivement la collaboration entre les entreprises.
“À cet égard, le cloud computing offre de nombreuses possibilités”, pointe Ann Vereecke. “Tous les acteurs de la chaîne peuvent alimenter la plateforme cloud avec leurs propres données; dans le même temps, ils ont accès aux données des autres parties. Cette collaboration ouvre de nouveaux horizons.”
Nos systèmes eux-mêmes prescrivent des scénarios alternatifs, tels que des itinéraires de transport adaptés.
“Prenez l’exemple du port, un lieu où un large assortiment d’opérateurs doivent œuvrer en harmonie. Un timing optimal est crucial pour le chargement et le déchargement sans heurts d'un navire. Opérateurs dans les terminaux, agents des douanes et transporteurs doivent tous être prêts au bon moment. Une planification rigoureuse est donc indispensable. Autrefois, la communication se faisait par téléphone ou par fax. Désormais, tout le monde a accès à la totalité des informations via une plateforme centrale dans le cloud. Les grands comme les petits opérateurs peuvent apporter leur pierre à l’édifice.”
Empreinte écologique
Dans le cloud computing, il est important que toutes les personnes concernées alimentent la plateforme. “Les horaires sont ainsi mieux coordonnés. Et chaque partie reçoit un retour d'information. L'étape suivante consiste à optimiser les horaires sur la base de toutes les données collectées. Cela peut mener à une utilisation plus efficace des navires, par exemple. Ainsi qu’à une diminution de la consommation d'énergie et de l'empreinte écologique. Un atout non négligeable pour un secteur réputé polluant.”
Le cloud computing offre par ailleurs de nouvelles possibilités d'analyse. Ann Vereecke note, dans ce cadre, une évolution du descriptif vers le prescriptif: “Par le passé, nous exploitions les données pour décrire des situations. Plus tard, nous avons employé l'analyse des données pour prévoir les tendances. Aujourd'hui, nos systèmes eux-mêmes prescrivent des scénarios alternatifs, tels que des itinéraires de transport adaptés en fonction des circonstances et des connaissances du passé. L'intelligence artificielle joue ici un rôle décisif.”
Conditions
L'intégration réussie du cloud computing dans la chaîne d'approvisionnement dépend toutefois de certaines conditions: rassembler l’ensemble des partenaires, notamment, sans oublier une volonté forte d'innover et d'expérimenter sans compromettre les opérations quotidiennes.
“Les entreprises ont également besoin de profils techniques”, prévient Ann Vereecke. “Le défi consiste alors à combler le fossé qui peut exister entre ces profils et les autres collaborateurs. Les équipes doivent se renforcer mutuellement. C’est impératif.”
“Cette évolution globale menace certains postes, devenus tout bonnement superflus. Pourtant, la technologie n'est pas destinée à remplacer les gens mais à les assister. Les entreprises doivent tenir compte de la charge cognitive de la numérisation. Et il ne faut pas minimiser l'aspect éthique. Nous devons veiller à ce que les systèmes sur lesquels nous nous appuyons pour prendre des décisions ne présentent aucun biais. Sinon, on risque de discriminer certains groupes minoritaires.”