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Gouvernement fédéral: la Belgique obligée d'enclencher le pilote automatique budgétaire

La secrétaire d'État au Budget, Alexia Bertrand, a lancé les préparatifs pour enclencher le système des douzièmes provisoires. ©siska vandecasteele

La fenêtre qui permettrait d’encore voter un budget d’ici le 31 décembre se referme. Le pays va devoir enclencher le pilote automatique des douzièmes provisoires, avec les risques que cela comporte.

Le formateur Bart De Wever (N-VA) a beau continuer ses efforts pour former un gouvernement le plus rapidement possible, et Vooruit affirmer sa volonté de "mettre de l’ordre dans le budget et assurer notre prospérité", la fenêtre permettant d’encore faire voter un budget d’ici la fin de l’année est en train de se refermer. Même en demandant l’urgence et en faisant travailler les parlementaires entre les fêtes, un tel scénario devient de plus en plus improbable. Rien que l’avis de la Cour des comptes prend trois semaines.

Sous Di Rupo I, alors que l’accord de majorité avait été conclu le 28 novembre 2011, le gouvernement n’avait obtenu le vote de son budget que début février 2012. Et dans l’intervalle, la Belgique avait continué à vivre sous le régime des douzièmes provisoires, comme durant toute l’année 2011.

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"Les douzièmes provisoires empêchent de dépenser plus que l'année précédente. Mais il n'y a pas non plus de nouvelles recettes, nécessaires pour réduire le déficit."

Giuseppe Pagano
Professeur émérite de l'UMons

Le 29 novembre, date-butoir

La secrétaire d’État au Budget, Alexia Bertrand (Open Vld), a déjà fait savoir qu’elle se préparait à activer ces douzièmes provisoires, qui pourraient être discutés en commission le 3 décembre et approuvés en plénière le 19 décembre. Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a précisé jeudi à la Chambre que faute de perspective d’un nouveau gouvernement pour le 29 novembre, la procédure sera enclenchée.

Le Fédéral passerait alors en pilote automatique budgétaire: il ne pourrait plus dépenser, chaque mois, qu’un douzième du budget de l’année 2024, indexé. "Cela a pour avantage d’empêcher de dépenser plus que l’année précédente, sauf exceptions autorisées par le Parlement, souligne Giuseppe Pagano, professeur émérite de l’UMons et spécialiste des finances publiques. Mais en revanche, il n’y a pas non plus de nouvelles recettes. Or, soyons réalistes, vu l’ampleur de l’effort à réaliser, il faudra de nouvelles recettes pour réduire le déficit."

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Dans l’intervalle, la Belgique continuerait donc à faire grossir sa dette. Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, sans mesures correctrices, le déficit public de la Belgique, déjà à 4,6% du PIB en 2024, augmenterait encore à 4,9% en 2025.

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"Il risque de ne rien se passer jusqu'en février-mars, où la tournée des agences de notation va reprendre, et où il faut s'attendre à une dégradation de la note de la Belgique."

Alexia Bertrand
Secrétaire d'État au Budget

Le couperet de l’Europe et des marchés

"En outre, la Belgique fait l’objet, comme six autres pays, d’une procédure pour déficit excessif, et devrait donc recevoir la semaine prochaine des recommandations de la Commission européenne sur les actions à entreprendre", ajoute Benoît Bayenet, professeur de finances publiques à l’ULiège et l’ULB.

"Comme la Belgique, après contact avec le formateur, a obtenu de la Commission un délai jusqu’à la fin de l’année pour soumettre son plan budgétaire pluriannuel, je ne m’attends pas à recevoir ce document maintenant", tempère la secrétaire d’État au Budget. Mais tôt ou tard, si la Belgique ne bouge pas, la Commission européenne va revenir avec une trajectoire pluriannuelle sur quatre ans plutôt que sept, faute de réformes structurelles." Un délai que le prochain gouvernement de plein exercice pourrait toutefois essayer de renégocier avec la Commission.

En attendant, le gouvernement en affaires courantes ne pourrait pas faire grand-chose de ces recommandations. "Il risque donc de ne rien se passer jusqu’en février-mars, où la tournée des agences de notation va reprendre, et où il faut s’attendre à une dégradation de la note de la Belgique", avertit Alexia Bertrand.

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Les perspectives sont désormais négatives chez Moody’s comme chez Fitch, vu le contexte politique et institutionnel. Or, une dégradation obligerait vraisemblablement la Belgique à payer davantage pour emprunter sur les marchés. "Il ne faut pas crier au loup prématurément, rétorque Giuseppe Pagano. Pour l’instant, les marchés ne s’affolent pas de la situation belge." Mais bien entendu, plus les décisions tardent, et plus les efforts à réaliser seront sévères. La situation pourrait aussi basculer rapidement en cas de crise exogène.

"Et si on ne dépose pas de trajectoire, et qu’on ne fait rien pour réduire le déficit, la Belgique va en outre se retrouver mauvais élève de la classe européenne, avec un reporting plus strict qui va être exigé", avertit aussi Benoît Bayenet.

La main tendue du Premier

Reste un scénario possible, évoqué par le Premier ministre Alexander De Croo la semaine dernière: une collaboration entre le gouvernement en affaires courantes et le formateur sur le budget. "Je pense que nous devrions réfléchir à la manière d’éviter que notre pays perdre une année entière et qu’il connaisse une année de déraillement budgétaire. Ce n’est bon pour personne", a déclaré le Premier ministre.

Une piste serait d’apporter une série d’amendements aux douzièmes provisoires, pour déjà enclencher certaines mesures envisagées par l’Arizona, en pensions ou sur le marché du travail par exemple. "Techniquement, ce n’est pas impossible, mais politiquement, les esprits ne me semblent pas mûrs", estime de son côté la secrétaire d’État au Budget.

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