Les résultats de Nvidia, un test pour l'IA à Wall Street

Sans elle, l'année boursière aurait pu être bien différente. Exaltante pour les technophiles, critiquée chez les décideurs politiques, vue comme un nouveau moteur de croissance par le monde économique: en quelques mois, l'intelligence artificielle s'est imposée dans tous les débats.

La bourse ne fait pas exception. Depuis le début de l'année, l'IA est le catalyseur principal de la hausse des indices de Wall Street, dont le rebond s'explique par la performance d'à peine quelques entreprises.

Avec un bond de plus de 100% depuis janvier, le géant des cartes graphiques Nvidia se place ainsi en tête du S&P 500, qui n'a pourtant gagné qu'un peu plus de 9% en 2023. En deuxième et troisième position, on retrouve la maison mère de Facebook, Meta et le fabricant de microprocesseurs AMD .

L'IA, salut de la Big Tech en bourse

Le Dow Jones , davantage composé de valeurs cycliques, s'affiche, de son côté, stable cette année. Mais au sein de l'indice, ce sont à nouveau les quelques entreprises technologiques qui affichent une surperformance. Le groupe de puces Intel a grimpé de 15%, les mastodontes Apple et Microsoft de plus de 30%, et le numéro 1 des logiciels d'entreprise Salesforce a bondi de près de 59% depuis janvier.

Pour le secteur, un tel rebond des actions est particulièrement bienvenu après un cru boursier 2022 des plus difficiles. Mais si le Nasdaq affiche une progression de près de 22% en 2023, l'indice des valeurs de croissance reste en recul de plus de 20% depuis son sommet de novembre 2021.

Seule la moitié des pertes a donc été récupérée. Pour regagner le reste, il faudra que l'intelligence artificielle tienne aussi la route sur le plan financier. Car pour l'instant, force est de constater que la monétisation de services comme le robot conversationnel ChatGPT de la société OpenAI, soutenue par Microsoft, n'en est qu'à ses débuts, ce qui n'empêche toutefois pas des investissements massifs dans des capacités supplémentaires de calculs informatiques, cruciales pour le développement de cette technologie.

Nvidia tiendra-t-il ses promesses?

C'est là-dessus que semblent compter les investisseurs de Nvidia, dont les résultats sont attendus ce mercredi à la clôture de la Bourse de New York. Entreprise star de 2023 qui a vu sa valorisation plus que doubler, elle profite de son statut de fournisseur principal des cartes graphiques permettant de donner vie aux complexes requêtes des utilisateurs en matière d'intelligence artificielle générative, qui permet de créer ex-nihilo des textes, des images, des sons ou encore des vidéos.

Au premier trimestre de l'année, son chiffre d'affaires devrait cependant s'afficher en baisse de plus de 20% en glissement annuel, si l'on en croit le consensus des analystes. Le bénéfice par action, lui, devrait plonger d'un tiers et l'importante division gaming devrait même voir ses revenus divisés par deux.

Et pourtant, plus aucun broker n'est à la vente à l'approche de la publication des chiffres trimestriels. D'après Bloomberg, 44 analystes conseillent d'acheter l'action et 13 d'entre eux de la maintenir, bien que leur prix cible moyen se situe 5% sous le cours actuel, signe que le marché lui applique actuellement une prime.

Pourquoi un tel optimisme? La réponse se situe du côté de la division data-centers de Nvidia, dont les revenus devraient continuer d'augmenter malgré le sérieux coup de mou du marché des produits électroniques (pc et smartphones en particulier). Cette croissance permettrait même à la société de revoir ses prévisions à la hausse, ce sur quoi semble actuellement parier Wall Street.

Le ciel de la Tech reste plein de nuages

La réaction aux résultats du groupe et aux commentaires de ses dirigeants pourrait donc donner une indication sur la crédibilité accordée au narratif de l'IA de manière plus générale sur les marchés.

D'autres préoccupations restent en effet plus importantes pour ceux qui s'intéressent aux actions technologiques, et justifient probablement l'écart avec les records de la fin 2021. Les taux directeurs américains, qui déterminent les coûts de financement à travers l'économie au sens large, sont toujours au plus haut depuis 2007 et pourraient encore augmenter.

Michael Hartnett, stratégiste chez Bank of America, est d'ailleurs déjà parmi ceux qui comparent l'engouement autour de l'IA à la bulle des actions technologiques qui avait explosé en l'an 2000 après des hausses de taux de la Fed. À l'époque, le Nasdaq avait perdu plus des trois quarts de sa valeur, mettant quinze ans à se rétablir complètement.