Peter Wennink (ex-CEO d'ASML): "Ce qui manque en Europe, c'est une stratégie claire en matière d’innovation"
Peter Wennink, ancien CEO de l'entreprise technologique néerlandaise ASML, tire la sonnette d'alarme sur l'avenir de l'innovation en Europe.
Dans une interview accordée au quotidien néerlandais Het Financieele Dagblad, Peter Wennink n’a pas mâché ses mots concernant l’état d’esprit en Europe. "Il règne une autosatisfaction énorme, tant en Europe qu'aux Pays-Bas. Nous avons cette illusion que tout continuera comme avant et que les innovations nécessaires pour relever des défis majeurs – comme le changement climatique ou la transition énergétique – viendront naturellement. Mais ce n’est pas le cas. Il faut travailler dur pour y parvenir."
Lorsqu’il a quitté ses fonctions chez ASML au printemps dernier, Peter Wennink avait déjà qualifié l’Europe de "grosse, bête et satisfaite". Une déclaration qu’il décrit aujourd’hui comme un "cri d’alarme". Selon lui, le Vieux continent manque de vision à long terme. "La vraie question est: que devons-nous faire pour que notre société reste viable et abordable dans 20 ou 30 ans? Et malheureusement, nous n’y travaillons pas assez. Ce qui fait défaut, c’est une stratégie claire en matière d’innovation."
Peter Wennink a quitté son poste de CEO en avril dernier après avoir dirigé ASML pendant onze ans. Sous sa direction, cette entreprise basée à Veldhoven, spécialisée dans la fabrication de machines ultra-sophistiquées pour produire les puces électroniques les plus avancées, est devenue un pilier de la technologie européenne.
Les machines d’ASML sont, par exemple, essentielles à la production des puces d’intelligence artificielle de Nvidia. Pour développer ces technologies, ASML collabore étroitement avec l’institut technologique Imec, situé à Louvain. Durant le mandat de Wennink, la valeur boursière d’ASML a été multipliée par 25, atteignant près de 400 milliards d’euros.
Peter Wennink appelle l'Europe à agir d'urgence
Depuis son départ, Peter Wennink a pris la présidence du géant brassicole Heineken, siège au conseil d’administration du groupe industriel familial VDL, basé dans le Brabant-Septentrional, et conseille la division semi-conducteurs de Samsung.
Selon Peter Wennink, le succès d’ASML repose sur une combinaison unique de soutien public précoce, de persévérance, d’ingéniosité technique, de collaboration régionale et d’une bonne dose d’audace. À ses yeux, l’Europe et les Pays-Bas doivent impérativement encourager la création de davantage d’entreprises comme ASML pour générer les revenus nécessaires au financement de l’État-providence.
ASML a lancé ce mois-ci une version Lego de son fleuron, la machine high NA-euv. La machine de production de puces la plus moderne de la planète coûte aux fabricants de puces près de 400 millions d'euros par pièce, mais les employés d'ASML ont pu acheter une version miniature, composée de 851 briques Lego, sur la boutique en ligne de l'entreprise pour 230 euros.
L'ensemble a connu un succès retentissant. Outre les travailleurs, d'autres personnes ont essayé de commander un exemplaire sur la boutique en ligne, qui, par ailleurs, propose principalement des porte-clés, des totebags et des parapluies. ASML a toutefois annulé toutes les commandes des non-salariés. Le set est désormais épuisé.
D’autres régions du monde, dit-il, ont compris l’urgence et agissent en conséquence. Aux États-Unis, par exemple, chaque problème est vu comme une opportunité pour les entrepreneurs de devenir extrêmement riches. En Chine, l’État intervient directement et avec fermeté pour orienter les efforts.
Et l'Europe? "Elle avance comme un somnambule vers une crise", déplore Peter Wennink. Après avoir prospéré grâce au gaz bon marché de Russie et à la production à faible coût en Chine, l'Europe n'apporte pour l'instant aucune réponse à la disparition de ces deux piliers, ni au rythme effréné de l'innovation chinoise.
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