Depuis leur création en 1995, les sociétés immobilières réglementées (SIR) n’ont eu à déplorer aucun accident important. C’est un énorme contraste avec leurs prédécesseurs, les certificats fonciers. Le législateur est parvenu à limiter les risques en instaurant plusieurs obligations légales. Les dettes ne peuvent ainsi excéder 65% de l’actif net et un immeuble ne peut peser plus de 20% de l’ensemble du portefeuille. En outre, les acteurs de l’immobilier ne peuvent pas prendre part à un développement spéculatif – construire en vue d’une revente –, ce qui est aux antipodes des promoteurs immobiliers cotés en Bourse (Atenor, Banimmo, Immobel).
Les sociétés immobilières cotées qui entrent dans le cadre de ces règles fiscales peuvent prendre la dénomination de "société immobilière réglementée" (SIR), nouveau nom de la "sicafi". La Bourse de Bruxelles en compte aujourd’hui 17, dont la valeur boursière oscille entre 24 millions d’euros (Immo Moury) et 1,9 milliard d’euros (Cofinimmo).
Aucune société immobilière n’a jamais sauté son dividende. Certaines perles rares n’ont même jamais abaissé leur dividende en plus de dix ans, comme Retail Estates, Home Invest Belgium et WDP.
1. Bonne alternative à une seconde habitation…
La détention d’une – ou, mieux, de plusieurs – action(s) immobilière(s) peut aussi constituer une alternative à un placement direct en immobilier, comme l’achat d’une seconde habitation en vue de la donner en location. Un placement direct en immobilier présente en effet certains inconvénients:
- perte de l’avantage fiscal de l’habitation unique sur un emprunt hypothécaire en cours;
- tracas administratifs (recherche de locataires, suivi des loyers, indexation des loyers);
- risque de vide locatif;
- placement non diversifié;
- besoin de capitaux importants;
- frais d’entrée élevés (les droits d’enregistrement);
- placement peu liquide.
2.… mais pas forcément exempt de risques
Évidemment, une société immobilière n’est pas l’autre. Aperçu des dangers potentiels.
Risque de cours
Le principal risque d’une action immobilière est celui du cours. Les actions immobilières réagissent plus rapidement aux caprices quotidiens de la Bourse que la valeur d’une maison donnée en location par exemple. Quelles que soient les prestations fondamentales de la société immobilière, une action peut être chère, bon marché ou neutre. Pour une action immobilière, c’est plus facile à mesurer en comparant le cours à la valeur intrinsèque. Un estimateur indépendant fixe régulièrement la valeur de marché de l’immeuble. En en déduisant les dettes, on obtient la valeur intrinsèque.
Au début des années 2000, lorsque tout le monde voulait des actions du secteur technologique, les actions immobilières étaient peu populaires et affichaient une décote. Aujourd’hui, le secteur est apprécié et la plupart de ces valeurs affichent une prime. WDP et Care Property Invest en sont les deux meilleures illustrations, avec une prime qui avoisine les 80%.
Le tableau ci-dessous donne un aperçu des primes ou des décotes par rapport à la valeur intrinsèque. Seul le cours de trois entreprises (Befimmo, Cofinimmo et Immo Moury) est proche de la valeur intrinsèque. Les deux premières sont actives dans le difficile marché des bureaux, la troisième pâtit du fait qu’elle est peu connue.
Risque de taux d’intérêt
En principe, les primes augmentent quand les taux d’intérêt baissent, et vice versa. Les actions immobilières sont sensibles aux taux d’intérêt. D’abord en raison de la nature même du secteur. "La principale source de revenus, ce sont les loyers. La principale source de coûts, ce sont les intérêts des dettes. Plus la société immobilière parvient à maximiser le fossé entre les loyers et les intérêts, plus elle est rentable", explique Koen Overlaet-Michiels, l’analyste en immobilier de KBC Securities.
Plus les dettes sont élevées, plus l’évolution des taux d’intérêt influencera le groupe immobilier. Le ratio de dette (qui figure dans le tableau) varie de 8% dans le cas d’Immo Moury à 59% pour WDP. Les groupes immobiliers ont profité ces dernières années des taux d’intérêt faibles pour refinancer leurs dettes à de meilleures conditions. Chez Befimmo par exemple, le coût moyen des dettes existantes a fléchi de 3,16% à 2,82% sur les six premiers mois de 2015.
Si le niveau des taux d’intérêt devait remonter dans les prochaines années, les coûts financiers des actions immobilières remonteraient aussi. Et le rendement sur dividende deviendrait relativement moins intéressant. Plus faible est la différence entre le rendement sur dividende et le taux d’intérêt actuel, plus fragile est l’action face à une hausse des taux d’intérêt.
Ce sont les actions de l’immobilier résidentiel Aedifica, Care Property Invest et Home Invest Belgium qui offrent les rendements sur dividende les plus faibles: 3% nets. Avec 5,1%, c’est Intervest Offices & Warehouses qui offre le plus élevé.
Risque locatif
Les 17 sociétés immobilières cotées à Bruxelles affichent un taux d’occupation moyen de 96%. Care Property Invest est la seule qui peut s’enorgueillir d’un taux de 100%.
Ces dernières années, c’est surtout le segment des bureaux qui a connu une augmentation de l’inoccupation. Ce qui s’explique par la suroffre, une faible conjoncture et des économies de coûts dans les entreprises (moins d’espace par travailleur). Les contrats classiques de location 3/6/9 permettent aux entreprises de résilier leur bail tous les trois ans.
Dans les magasins situés à proximité de grands axes, comme ceux de Retail Estates par exemple, le taux d’occupation a généralement frôlé les 99% ces dernières années. Grâce à une politique d’autorisation stricte, ce segment ne connaît pas de suroffre. Il s’agit de baux de longue durée et les commerçants sont beaucoup plus directement liés à un endroit ainsi qu’à leur clientèle.
Le plus faible taux d’occupation (88%) est affiché par Intervest Offices & Warehouses. Ces dernières années, le groupe a beaucoup investi dans des magasins, ce qui a permis de relever le taux d’occupation. La durée moyenne des contrats de location est également une indication du risque locatif. Les contrats d’Intervest Offices & Warehouses ont en effet une durée moyenne de 3,9 ans, contre 8,8 ans pour ceux de Befimmo.
Risque de dividende
Les épargnants qui cherchent une alternative au livret d’épargne qui ne rapporte plus rien veulent surtout savoir si le dividende d’une action immobilière est durable. Il faut pour cela se pencher sur le payout ratio, c’est-à-dire le rapport entre le dividende et le bénéfice. Les actions immobilières réglementées doivent légalement distribuer au moins 80% de leur bénéfice. Certaines sociétés immobilières s’en tiennent à ce minimum. En cas de baisse du bénéfice, elles ne sont pas contraintes de diminuer le dividende mais peuvent augmenter payout ratio.
"Une des raisons qui m’incite à penser que le dividende de WDP est tenable est précisément le payout ratio de 80% pour le dividende 2015", indique Overlaet-Michiels. Care Property Invest maintient aussi ce ratio à 80% et renvoie explicitement, dans son rapport annuel, à la faculté de maintenir le dividende: "Pour autant que le bénéfice soit suffisant, une partie est reportée pour pouvoir octroyer aux actionnaires un dividende stable pour les prochains exercices comptables."
À l’autre extrémité, Vastned Retail Belgium, spécialisée dans les magasins le long de grand-routes et dans les villes. "La politique de dividende consiste à distribuer chaque année 100% du résultat opérationnel distribuable", indique-t-on. Une baisse du bénéfice sera donc par définition suivie d’une baisse du dividende. Depuis 2009, le bénéfice et le dividende ont augmenté chaque année. Mais Vastned Retail Belgium n’a pas de quoi faire office de tampon si le bénéfice devait se retourner. Le pourcentage maximum de distribution est évidemment lié aux défis auxquels la maison mère néerlandaise Vastned Retail a été confrontée dans d’autres pays. Les flux de dividendes belges sont plus que bienvenus.
Chez l’autre filiale de Vastned, Intervest Offices & Warehouses, le payout ratio a longtemps été de 100% mais en 2013, il a été abaissé à 90%. Le groupe a maintenu ce taux ces dernières années, ce qui a conduit à des baisses de dividende. Le dividende aurait été 11% plus élevé si la politique de dividende antérieure avait été suivie…
Chez le petit nouveau, Xior Student Housing, qui investit dans les kots d’étudiants, le payout ratio est de 100%. Un nouveau venu pratique un payout ratio élevé la première année pour pouvoir faire miroiter un beau rendement sur dividende lors de l’introduction en Bourse. Le premier dividende que Qrf (immeubles de magasins) a distribué sur l’exercice comptable 2014 représentait un payout ratio de 93%. Pour 2015, Qrf prévoit un résultat plus élevé, mais un dividende stable.
3. Les champions du dividende
Dans son ensemble, le secteur des actions immobilières a un excellent historique de dividendes généralement stables.
Trois sociétés font cependant exception à ce constat, car depuis au moins 15 ans, elles parviennent à augmenter leur dividende chaque année. Retail Estates (magasins de grand-routes), Home Invest (résidentiel) et WDP (magasins) ont deux choses en commun: elles sont spécialisées dans un seul segment spécifique et n’investissent pas dans des bureaux, le segment qui a subi le plus de revers depuis 2000.
- Depuis 16 ans, Retail Estates distribue systématiquement un dividende plus élevé. En moyenne, il a augmenté de 2,9% chaque année sur la période. La société immobilière veut au moins suivre l’inflation chaque année. Pour 2016, elle prévoit à nouveau une hausse du dividende de plus de 3%.
- Home Invest Belgium a augmenté son dividende 16 fois de suite, avec une hausse moyenne annuelle de 4,4% sur la période. À l’instar de Real Estate, la société ambitionne d’augmenter son dividende chaque année au moins du niveau de l’inflation. Pour anticiper la hausse du précompte mobilier à 27% au 1er janvier 2016, elle a déjà versé fin 2015 en bonne partie le dividende relatif à l’exercice comptable 2015.
- Le dividende de WDP est resté stable ou a augmenté chaque année ces 15 dernières années. Sur la période 2014-2017, le rythme de croissance annuelle attendu est de l’orde de 10%.