3.445€ bruts par mois, c’est ce que gagnait en moyenne un travailleur à temps plein en 2015. Mais comme toujours, la moyenne cache de grandes différences. En fait, deux tiers des travailleurs ont un salaire inférieur à ce montant. La moitié doit même se contenter de moins de 3.095 euros bruts par mois. À l’autre extrémité, 10% des salariés excèdent les 5.308 euros de rémunération par mois. C’est ce qui ressort des chiffres les plus récents du SPF Économie.
Ces écarts sont évidemment dus pour une bonne part aux différences entre les emplois. Il ne faut pas être grand clerc pour savoir qu’une vendeuse dans un grand magasin gagne moins que le directeur de ce même magasin. Mais on observe aussi de grandes différences de rémunération entre des collègues qui exercent une fonction comparable. Si l’argent n’est pas le seul facteur de motivation d’un travailleur, un salaire trop faible peut malgré tout être source de démotivation.
Voici quelques questions à vous poser pour évaluer votre propre situation.
1. Quel système de rémunération mon employeur utilise-t-il?
2. Combien mon entreprise paie-t-elle pour une fonction spécifique?
3. Seule la rémunération compte-t-elle?
4. Comment savoir si ma rémunération est correcte?
5. Une bonne rémunération est-elle réservée aux bons négociateurs?
6. Mes collègues qui occupent une fonction comparable gagnent-ils autant?
1. Quel système de rémunération mon employeur utilise-t-il?
"Chaque entreprise fixe dans sa stratégie de rémunération les éléments qu’elle valorise. Cela peut être le niveau de la fonction, des objectifs individuels, des compétences ou une expertise acquises", indique Bert De Greve, directeur rémunérations auprès du bureau de recrutement Hudson. Une même entreprise peut aussi recourir à plusieurs systèmes. "C’est fréquent dans les entreprises moyennes ou grandes. Les petites entreprises, elles, n’ont souvent pas de structure de base et recherchent quelle est la valeur de marché d’une fonction déterminée dans un secteur et une région", ajoute Brigitte Oversteyns, spécialiste en rémunérations au secrétariat social SD Worx.
Comment un paquet de rémunération est-il constitué?
→ Barèmes classiques
"La structure du barème reste le système le plus utilisé, tant pour les ouvriers que pour les employés. Les barèmes ont cours en particulier dans des environnements opérationnels et de production et dans le secteur des soins de santé", explique Brigitte Oversteyns. Il peut s’agir de barèmes propres à l’entreprise ou au secteur.
Les barèmes offrent l’avantage d’être clairs: vous savez parfaitement à l’avance quelle rémunération procure une certaine (classe de) fonction et comment devrait évoluer votre salaire dans les années à venir.
Entre le minimum et le maximum d’une échelle barémique, les augmentations salariales dépendent de l’ancienneté. Cela signifie que les travailleurs coûtent plus cher au fil du temps. Et c’est ce système-là qui se trouve sous pression. "Il est considéré comme un frein à l’embauche des travailleurs plus âgés. D’autant que nous allons devoir travailler plus longtemps", reconnaît Brigitte Oversteyns.
→ Fourchettes de rémunération
Un autre système utilisé couramment est celui des fourchettes ou classes de rémunération. "Une hausse de salaire ne dépend pas de l’ancienneté, mais plutôt de la compétence, de l’expertise, des prestations, de la progression dans le job… et de la position à l’intérieur de la fourchette de rémunération. Les jeunes travailleurs qui affichent de bonnes prestations peuvent alors obtenir une augmentation plus rapidement que des collègues plus âgés", précise Brigitte Oversteyns.
Comment cela fonctionne-t-il? Chaque job est affecté à une classe bien précise. Pour chaque classe, une rémunération est fixée, qui se situe classiquement entre 80 et 120% d’un salaire de référence.
→ Rémunération variable
Outre le salaire fixe, l’employeur peut prévoir une partie variable, qui dépend de vos propres résultats, de ceux de l’entreprise ou d’une combinaison des deux. "Année après année, nous voyons augmenter l’importance de la rémunération variable. Aussi bien le nombre de personnes qui y ont droit que le montant sont en progression", observe Bert De Greve. Ceci s’explique notamment par la popularité du bonus collectif lié aux résultats. "Près de la moitié des employés, cadres et dirigeants bénéficient aujourd’hui d’une rémunération variable", précise Brigitte Oversteyns.
"Année après année, nous voyons l’importance de la rémunération variable augmenter. Près de la moitié des employés, cadres et dirigeants en bénéficient aujourd’hui."
→ Primes de circonstance
Si vous travaillez en équipes ou si vous devez assurer des permanences, des primes de circonstance vous sont payées. "Elles constituent souvent une partie importante du paquet de rémunération, notamment pour les travailleurs actifs dans un environnement de production ou dans les soins de santé", indique Brigitte Oversteyns.
→ Avantages extralégaux
De nombreux avantages extralégaux peuvent venir s’ajouter à la rémunération en cash: voiture de société, chèques-repas, assurance hospitalisation, plan de pension, etc.
2. Combien mon entreprise paie-t-elle pour une fonction spécifique?
La stratégie de l’entreprise est ici déterminante. "Lorsque nous élaborons des plans de rémunération pour des entreprises, nous fixons avec le comité de direction combien la société est prête à payer par rapport à la médiane de toutes les fonctions de référence. Il s’agit des fonctions présentes dans presque toutes les entreprises, comme des comptables ou des collaborateurs d’un helpdesk. Nous nous basons à cet effet sur une étude du marché, qui tient compte de toutes les composantes d’une rémunération. Sur la base de nos études, nous avons une idée de combien on paie pour une fonction dans un secteur, dans une région, dans de grandes et de petites entreprises, tant en ce qui concerne le salaire de base que la rémunération variable et des avantages", explique Bert De Greve.
Le fait de payer plus ou moins que cette médiane dépend du positionnement de l’entreprise. "S’il s’agit par exemple de profils rares ou si l’entreprise a une mauvaise réputation, elle devra payer plus pour attirer des travailleurs. Par contre, s’il s’agit d’un employeur qui a la cote et qui reçoit spontanément des candidatures, il peut se permettre de payer moins", explique Bert De Greve.
3. Seule la rémunération compte-t-elle?
L’argent et les revenus sont importants, mais il en faut plus pour décider de travailler chez tel ou tel employeur. Des facteurs comme la facilité d’accès, l’ambiance de travail, les possibilités d’avancement et de formation, un bon contact avec les collègues sont tout aussi importants.
Tout ce qui tourne autour de l’équilibre travail- vie privée prend de plus en plus d’importance. Songez au travail à domicile, aux bureaux satellites et aux horaires flexibles.
"Tout ce qui tourne autour de l’équilibre travail-vie privée prend de plus en plus d’importance. Songez au travail à domicile, aux bureaux satellites et aux horaires flexibles. Cette flexibilité se ressent aussi dans la rémunération. De plus en plus d’entreprises donnent à leurs travailleurs la possibilité de composer eux-mêmes leur paquet de rémunération. Les collaborateurs peuvent ainsi opter pour des solutions de mobilité, comme un vélo en leasing, des jours de congé supplémentaires, des appareils multimédias ou d’autres avantages. Cette liberté de choix peut aussi agir comme stimulant", indique Brigitte Oversteyns.
4. Comment savoir si ma rémunération est correcte?
La politique salariale et l’offre de rémunération dans une entreprise forment un tout. Vous devrez évaluer si l’ensemble du paquet de rémunération est acceptable pour vous ou pas. Vous pouvez évidemment demander à vos collègues et amis ce qu’ils gagnent personnellement, mais il y a de fortes chances qu’ils bottent en touche. Le Belge a la réputation de ne pas être très bavard sur ce sujet.
Quelques méthodes peuvent vous aider à découvrir quelle est votre valeur de marché.
- Vous trouverez sur internet nombre d’outils de comparaison qui permettent de vérifier à quelle rémunération correspond une série de fonctions. Gardez cependant à l’esprit qu’ils sont généralement basés sur l’input des travailleurs eux-mêmes. Et en parcourant les méandres de Google, vous pouvez retrouver les barèmes des différentes commissions paritaires. Les sites des syndicats proposent également une estimation à titre d’information.
- Contactez un avocat ou un juriste spécialisé en droit du travail. Il peut rechercher pour vous quelle est la valeur de marché de votre emploi.
- Osez postuler pour un emploi comparable au vôtre et vérifiez quelle est la rémunération proposée. Soumettez-la ensuite à votre employeur actuel. S’il ne veut pas vous perdre, il fera une contre-offre.
5. Une bonne rémunération est-elle réservée aux bons négociateurs?
Dans les entreprises où on fonctionne avec des barèmes, il n’y aura que peu ou pas de marge de manœuvre. Dans les autres, si. "Soyez conscient que vous participez à la fixation de votre rémunération pendant votre entretien d’embauche. Ceux qui se voient proposer un emploi sont souvent enclins à croire que la première proposition est la meilleure. Mais vous devez pouvoir relever la proposition de votre employeur de 5 à 10%", selon Eva Buyck, accompagnatrice de carrière.
Celui qui est déjà au service d’une entreprise depuis un certain temps peut négocier une augmentation de salaire. "Mais la meilleure chance d’augmenter votre rémunération est de passer chez un autre employeur. Le potentiel est alors bien plus grand que celui d’un avancement au sein d’une même entreprise", précise Bert De Greve.
6. Mes collègues qui occupent une fonction comparable gagnent-ils autant?
Pas nécessairement. Dans notre pays, aujourd’hui encore, les femmes gagnent en moyenne moins que leurs collègues masculins. Il ressort des chiffres les plus récents du SPF Économie que l’écart de rémunération est de 6% en moyenne pour les travailleurs à temps plein. Non seulement les femmes travaillent plus souvent dans des emplois moins bien payés, mais elles travaillent aussi plus souvent à temps partiel. Si l’on tient compte de ce dernier élément, la rémunération des femmes est en moyenne plus basse de 20% comparé à celle des hommes.
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"Quand une femme gagne moins qu’un collègue masculin pour la même fonction, sans raison objective, il s’agit d’une discrimination salariale. La femme peut alors introduire une plainte pour obtenir un salaire égal, explique Stijn Demeestere, avocat en droit du travail chez Laga. Mais en pratique, il n’y a pas ou peu de jurisprudence en Belgique. Cela vient de la difficulté à démontrer la discrimination. Il faut avoir une référence: un collègue masculin avec un travail égal ou un travail de valeur équivalente qui gagne plus." Et c’est là que le bât blesse. Stijn Demeestere donne l’exemple de deux responsables de département. Certes, ils occupent la même fonction, mais les deux départements sont-ils de même taille? Et ont-ils la même responsabilité (financière)?
Il peut aussi y avoir des différences de salaire entre deux collègues de même sexe qui ont une même fonction. "En réalité, dans toutes les entreprises, il existe de grandes différences de rémunération pour une même fonction. Ainsi, un comptable en début de carrière empochera globalement 2.500 euros brut, contre 4.200 euros pour celui qui a de nombreuses années d’expérience. La question est de savoir comment on va s’attaquer à l’avenir à cette différence. On ne pourra pas diminuer la rémunération d’un travailleur plus âgé ni d’un coup sec augmenter les plus jeunes", reconnaît Bert De Greve.
Le niveau de compétence et d’expertise peut aussi jouer. "Le risque de différences individuelles diminue dans la mesure où il y a des systèmes formels, comme une rémunération selon un barème ou une fourchette de rémunération. Ce qui est important, c’est la transparence dans les salaires, leur évolution et les avantages, conclut Brigitte Oversteyns. Ce n’est qu’ainsi que les travailleurs peuvent avoir confiance dans leur employeur et rester motivés."